ALBI (81) : Ancien cimetière de l’Hôpital
par
Il est le plus ancien cimetière de la ville encore en place, et le moins que l’on puisse dire est que malgré une position relativement centrale à Albi, il est tout à fait confidentiel : on y pénètre par une petite porte à laquelle on accède par un escalier aux pieds de garages privés, donnant sur un boulevard d’où on le distingue à peine, hormis ses cyprès.
Précédant l’ordonnance de 1776 de créer des cimetières urbains à la place des inhumations dans les églises, les consuls d’Albi achetèrent en 1772 un terrain près de l’Hôpital général au lieu dit « la Manufacture ». Le cimetière fut créé en 1804, la même année que le Père Lachaise et pour les mêmes raisons. L’endroit ne servit pas longtemps dans la mesure où, trop exigu, il fut remplacé dès 1827 par le cimetière des Planques. On n’y crée plus de tombes depuis longtemps, mais on a continué à y enterrer dans de vieilles concessions familiales. Depuis 2020, le cimetière appartient à la ville.
L’endroit, de petite taille (25 ares), est charmant : ses 306 tombes [1] se trouvent au milieu d’une nature importante et entretenue. Le lieu faillit disparaître mais fut heureusement sauvé grâce à l’action énergique de l’association Albi patrimoine. Il est bien mis en valeur grâce à la présence de petites pancartes indiquant l’identité des défunts sur des tombes parfois très difficilement lisibles. Un très grand nombre des figures politiques albigeoises des XVIII-XIXe siècles y reposent, dont deux archevêques et seize maires.
- On aperçoit à droite les bâtiments de l’hôpital.
Y reposent en particulier :
Le notaire Auguste de BERNE-LAGARDE (1850-1931), maire d’Albi de 1892 à 1897 et député du Tarn de 1893 à 1898, siégeant chez les Républicains progressistes.
Le commandant de la Grande armée Jean BOUZINAC (1773-1851). Il repose auprès de son épouse Hélène Feral (+1852), qui fut la première épouse du général Jean-Pierre Barriès.
Charles BRAULT (1752-1833), qui fut évêque concordataire de Bayeux puis d’Albi et Baron de l’Empire avant de devenir archevêque d’Albi et pair de France sous la Restauration.
L’avocat Edmond CANET (1808-1859), maire d’Albi de 1848 à 1851, qui fut député du Tarn de 1849 à 1851, siégeant à gauche.
Joseph DECAZES (1783-1868) : frère du ministre Elie Decazes, député de droite légitimiste de 1830 à 1834 et de 1839 à 1846, il fut préfet à plusieurs reprises dans le Tarn et le Bas-Rhin.
Hippolyte Adrien GAY de SAVARY (1848-1930), maire d’Albi de 1888 à 1890, il fut sénateur du Tarn (1898-1927). Parlementaire très actif, il fut président du groupe de la Gauche Démocratique de 1907 à 1911 et vice-président du Sénat de 1913 à 1916.
Jean GISCLARD (1798-1871) : maire d’Albi en 1848, puis de 1851 à 1852, il fut député du Tarn en 1848, siégeant à droite, puis de 1852 à 1863, siégeant dans la majorité soutenant le Second Empire.
Augustin GORSSE (1784-1868) : directeur des forges de l’Ouest, à Rennes, en 1817, puis directeur de la fabrique d’armes de Mutzig en 1824 ; sous-inspecteur de la fonderie de Strasbourg en 1828, il se lança en politique en 1846 : maire d’Albi de 1853 à 1857, il fut député du Tarn de 1852 à sa mort.
François Marie Edouard de GUALY (1786-1842), qui fut évêque de Saint-Flour en 1829 et en archevêque d’Albi en 1833.
Benjamin JUÉRY (1795-1863) : éphémère maire d’Albi en 1848, il fut député du Tarn de 1849 à 1851, siégeant au groupe d’extrême gauche de la Montagne. Le coup d’Etat du 2 décembre 1851, contre lequel il protesta, le rendit à la vie privée.
L’architecte Jean-François MARIÈS (1758-1851), connu dans le Tarn pour avoir dessiné des rues droites d’Albi dans le tissu de ruelles tortueuses médiévales. Il fut surnommé le Haussmann albigeois pour cette raison. Lors de la Révolution de 1789, il apprit que l’évêque constitutionnel d’Albi, Mgr Gausserand, avait demandé la destruction du jubé de la cathédrale Sainte-Cécile et que la municipalité envisageait la disparition de tout l’édifice. Mariès écrivit à Jean-Marie Roland de La Platière, ministre de l’Intérieur pour lui demander d’intervenir. Son initiative sauva le monument. Une rue piétonne d’Albi porte son nom.
Henri-Paschal de ROCHEGUDE (1741-1834) : Officier de marine sous l’Ancien Régime, il participa à une mission en Inde en 1768-1769 et à la deuxième expédition aux îles Kerguelen en 1773 : une presqu’île et un lac portent son nom près de Port-Christmas où il débarqua en janvier 1774 pour y laisser un message de prise de possession de l’archipel au nom du roi de France4. À partir de 1776, il fut membre de l’Académie royale de marine. Il patrouilla sur l’océan Atlantique pendant la guerre d’indépendance des États-Unis. Enthousiasmé par la Révolution française, il fut élu député de la noblesse aux États généraux de 1789, fut admis à siéger à la Constituante. Au cours de son mandat, il fit partie des députés modérés. Elu à la Convention par le département du Tarn, il fut l’un des rares nobles à siéger dans cette assemblée. Royaliste, il siégea avec les députés de la Plaine. Au procès de Louis XVI, il vote pour l’appel au peuple puis en faveur de la détention et du bannissement du souverain déchu mais il ne souhaita pas son exécution. Il condamna l’émigration d’une partie de la noblesse et voulut rester au service de l’État. En janvier 1793, il fut envoyé en mission afin d’inspecter la défense des côtes de Lorient à Dunkerque. Il fut alors nommé contre-amiral. Menacé par la chute de la Gironde, il frôla l’arrestation et ne fit alors plus guère parler de lui et se consacra à ses travaux sur les troubadours et ses recherches linguistiques. Il fut réélu en octobre 1795 au Conseil des Cinq-Cents, cette fois-ci par le département de la Somme, et se rallia à la droite royaliste, mais évita de trop se compromettre aux yeux du Directoire. Il ne fut pas réélu aux élections de 1797, ce qui mit un terme à sa carrière politique. Après la Révolution, il se retira à Albi dans l’Hôtel qui abrita ensuite la bibliothèque municipale. Il poursuivit ses travaux sur l’occitan des XIIe et XIIIe siècles en composant le Glossaire occitanien pour servir à l’intelligence des poésies des troubadours ; lexique d’environ 13 000 entrée considéré comme un des premiers dictionnaire franco-occitan. De ce fait, il fut l’un des premiers spécialistes des troubadours et démontra la continuité entre la langue de ceux-ci et la langue occitane moderne. À sa mort, il légua son hôtel, son parc et sa bibliothèque (estimée à 20 000 volumes) à la ville d’Albi. Il désira se faire inhumer dans une tombe anonyme qui fut oubliée. Aujourd’hui, plusieurs propositions sont faites sans qu’aucune ne fasse réellement consensus.
On y trouve également des membres de la famille de personnalités majeures :
Charles Antoine de Toulouse-Lautrec Montfa, l’oncle d’Henri, qui l’encouragea à peindre. Il vécut précisément dans l’Hôtel du Bosc où naquit le peintre, visible du cimetière.
Marc-Antoine Schoelcher, fils de Marc et frère de Victor.
On signalera en outre la présence des anciens maires d’Albi : Louis-Raymond de Rosières (de 1815 à 1819 et de 1823 à 1825), Clair Gorsse (de 1819 à 1822), André Esquilat (de 1831 à 1833 puis de 1840 à 1842), Jean-Philippe Defos (de 1833 à 1840), Prosper de Gorsse (de 1842 à 1848), Hippolyte Crozes (de 1852 à 1853 [2]), Paul Bermond (de 1857 à 1867), Jules Gaugiran (de 1867 à 1869), Germain Cassan (de 1869 à 1870 puis de 1874 à 1876). On y trouve également un Georges Chevalier-Joly (+1848) censé avoir été maire d’Albi, mais qui n’apparait sur aucune liste de ce type.
Commentaires