Les Pelletan : protestantisme et République

samedi 26 mai 2012
par  Philippe Landru


Jean Jarousseau : le pasteur


Jean JAROUSSEAU (1729-1819) est issu d’une modeste famille de pasteurs charentais. Il suivit des études au séminaire français de Lausanne qui formait alors, sous la direction d’Antoine Court, les « pasteurs du désert », c’est-à-dire les pasteurs clandestins. De retour de Suisse, il passa quelque temps dans les Cévennes, puis s’installa ensuite en Saintonge, et en 1761 à Saint-Georges-de-Didonne. Son arrivée correspondit au début de la seconde période du désert, celle où le protestantisme bénéficia de la montée de la tolérance. Jarousseau proposa une religion plus aimable, plus indulgente, moins rigoureuse et très soumise au pouvoir établi. Les protestants bénéficièrent à cette époque de l’édit de tolérance du 17 novembre 1787.

Père de sept enfants, Jean Jarousseau fut à l’origine d’une véritable « dynastie » locale dont les membres, durant près de 100 ans, siégèrent au conseil municipal de Saint-Georges-de-Didonne, et souvent dans le fauteuil de maire. C’est à plusieurs membres de cette dynastie que nous nous intéresserons dans cette article.

Jean Jarousseau fut inhumé à Chenaumoine, un hameau de la commune de Semussac (17), non dans le cimetière (comme la plupart des protestants) mais dans un mausolée familial privé aux allures de cabane calcaire.

Elisabeth, fille de Jean Jarousseau, épousa en seconde noce Achille Pelletan, qui fut maire de Royan de 1808 à 1809 puis en 1814-1815. Eugène Pelletan fut le dernier fils de ce couple

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Un des nombreux tombeaux Pelletan du cimetière des Bois de St-Georges de Didonne.

Eugène PELLETAN : le publiciste


Installé à Paris en 1833, Eugène PELLETAN (1813-1884) se lança dans la carrière des lettres. D’abord proche de George Sand (il fut quelque temps le précepteur de Maurice Sand), il se rapprocha ensuite d’Alphonse de Lamartine, qui l’initia à la politique et lui communiqua ses aspirations républicaines.
Écrivain au lyrisme enflammé et au style un peu ampoulé, libre penseur mais déiste et spiritualiste, il se fit le théoricien du progrès indéfini et continu, dans la continuité de Condorcet. Scandalisé par le coup d’État du 2 décembre 1851, il devint, dans la presse et dans ses livres, un adversaire farouche de Napoléon III. Il fut député républicain de la Seine de 1863 à 1870, puis des Bouches-du-Rhône de 1871 à 1876. Le 4 septembre 1870, il entra comme ministre sans portefeuille dans le Gouvernement de la Défense nationale. Il finit sa carrière politique comme sénateur des Bouches-du-Rhône de 1876 à 1884 et fut élu en janvier 1879 vice-président du Sénat. Compté parmi les « pères fondateurs » de la Troisième République, il fut désigné sénateur inamovible en juin 1884.

Il fut inhumé au cimetière des Bois de Saint-Georges-de-Didonne (17) où une sépulture contemporaine a remplacé l’ancienne tombe. Dans ce tombeau, outre lui, reposent également :
- son épouse, née Virginie Gourlier
- Le peintre paysagiste Paul GOURLIER (1813-1869), son frère. Élève de Corot, il exposa au Salon à partir de 1841. Outre les musées, on peut admirer ses œuvres dans certaines églises parisiennes.
- Le peintre d’histoire et portraitiste Louis Charles Adolphe GOURLIER (1816-1858), frère des deux précédents. Il avait étudié avec Merry-Joseph Blondel et Paul Delaroche.


Camille PELLETAN : le ministre


Politicien français, Camille PELLETAN (1846-1915) était le fils aîné d’Eugène Pelletan. Il fut lui-même député radical des Bouches-du-Rhône de 1881 à 1912, puis sénateur du même département de 1912 à sa mort. Il dénonça la politique d’expansion de Ferry et le Boulangisme. Ministre de la marine du cabinet Combes, il contribua activement à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Pour l’anecdote, il figure à l’extrême-droite (!) de la table sur le célèbre tableau de Fantin-Latour le Coin de table.

Crématisé, il repose dans la case 6356 du columbarium du Père Lachaise.


André PELLETAN : le scientifique


André PELLETAN (1848-1910) est le second fils d’Eugène. Professeur d’analyse et de géométrie descriptive à l’École des mines à partir de 1879, auteur d’un important traité de topographie, il devint sous-directeur de l’École des mines en 1901. Il présenta des projets de réorganisation de l’École des mines et de Polytechnique qui s’inscrivent dans le courant réformateur, républicain et démocrate qui, au tournant des XIXe et XXe siècles dénonce la sclérose des grandes écoles d’ingénieurs, dont les anciens élèves monopolisent les postes dans l’industrie et l’administration, alors même que le manque de spécialisation de l’enseignement qu’ils ont reçu et son caractère par trop déductif les rendraient inaptes à répondre aux besoin de l’industrie moderne. En 1890, il épousa Thérèse Ordinaire, la fille du député républicain de Pontarlier, Dyonis Ordinaire, qui repose dans le même caveau que lui au cimetière des Bois de Saint-Georges-de-Didonne (17), sous une dalle également refaite. Sur sa tombe, il est indiqué né en 1846 !

On signalera au passage qu’Odette Pelletan, fille d’André, épousa le ministre Georges Bonnet : tous deux reposent au cimetière de Brantôme (24).

Camille et André avaient deux sœurs : la première, Geneviève, épousa Georges Coulon : le couple repose dans un autre tombeau du cimetière.


Georges et Jean-Paul COULON


Avocat de formation, Georges COULON (1838-1912) fut préfet de Vendée puis vice-président du Conseil d’État de 1898 à 1912. Il était probablement le fils naturel d’Eugène Scribe, le célèbre auteur dramatique. IL eut six fils qu’il baptisa tous d’un prénom composé commençant par Jean. Parmi eux, Jean-Paul COULON (1881-1963) repose également dans ce caveau. Magistrat et avocat français, il fut premier président de la Cour d’Appel d’Orléans puis président de chambre à la Cour d’Appel de Paris.

Il est intéressant de noter que parmi les enfants de Jean-Paul, sa fille Denise épousa le peintre Olivier Debré, reliant ainsi deux dynasties républicaines.


Merci à Nicolas Badin pour les photos, ainsi que pour m’avoir mis sur la piste de cette dynastie bien originale.


Commentaires

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Les Pelletan : protestantisme et République
vendredi 12 février 2016 à 14h59 - par  MARTEL Robert

Madame Gisèle Chambouletant, veuve Touroude, possédait un cimetière familial protestant à Arces -sur-Gironde dont la photo se trouve dans le livre de son époux : De l’oppression à la liberté à la page 103.

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Les Pelletan : protestantisme et République
samedi 26 mai 2012 à 14h00 - par  Nicolas Badin

Il y a aussi Germaine Pelletan (1903-1989), femme de l’écrivain Robert Chamboulan (1903-1959) et leur fille Giselle Chamboulan, épouse de l’écrivain Georges Touroude (1925-2001) dont les sépultures restent à trouver

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dimanche 19 août 2012 à 21h36 - par  Nicolas Badin

@docbarthou
Pouvez-vous me dire dans quel cimetière de Royan il repose ?
Cordialement

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dimanche 17 juin 2012 à 17h17 - par  docbarthou

Gisele chamboulan veuve touroude est toujours avec nous, son mari est enterré au cimetière de Royan

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