PRAGUE : vieux cimetière juif
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Prague est à l’évidence l’une des plus belles villes d’Europe, dans laquelle les taphophiles ne seront pas déçus car elle recèle un très grand nombre de curiosités funéraires. L’intérêt pour les taphophiles ne résidera pas uniquement, loin de là, dans la présence du vieux cimetière juif, mais force est de constater qu’il est l’un des lieux funéraires les plus symboliques d’Europe, malgré les excès touristiques.
Le vieux cimetière juif est le plus connu de la ville puisqu’il constitue, avec plusieurs synagogues qui l’entourent, un des temps forts de la visite de Prague. Il se trouve dans le quartier de Josefov, ancien quartier juif de la ville. Il serait le plus ancien cimetière juif d’Europe puisqu’il fut fondé au XVe siècle. Il ferma ses portes en 1787 sur l’ordre de Josef II (l’empereur « hygiéniste » de la fin du XVIIIe siècle, qui ne supportait plus l’existence de cimetières dans des quartiers d’habitation).
Si le lieu est étonnant et admirable par son ancienneté, n’espérer pas y faire une promenade méditative : en premier lieu, il faut savoir que le cimetière est inclus dans une visite globale portant le nom de « musée juif de Prague », dont le ticket est nécessaire à l’entrée. Un chemin de visite permet de parcourir la moitié du cimetière (de taille très modeste, il est vrai). Ce parcours, quand les touristes sont nombreux, se fait à toute vitesse. Gare à celui qui voudrait s’en affranchir en passant outre le « sens de la visite ». Si on ajoute à cela les discussions et les bruits de cette foule, ainsi que l’aspect parfois grotesque de certains « couvre-chefs » (lieu de culte israélite, on doit s’y présenter la tête couverte : des kippot en carton (!) sont donnés à l’entrée), on comprendra aisément que la dimension de recueillement est impossible. Si le lieu à le mérite d’être visitable (beaucoup de cimetières juifs sont beaucoup plus confidentiels), on aimerait qu’il soit un peu moins connu. Bref, c’est une enclave touristique ratée.
Au demeurant, le lieu reste étonnant : plus de 12 000 pierres tombales jaillissant dans un désordre total, au milieu d’arbres filtrant la lumière. Il est vrai que la religion juive interdisant les reprises de sépultures, plus de trois siècles de sépultures s’amoncellent dans un espace restreint.
La plus ancienne tombe date de 1439 (c’est celle du savant Abigdor Karo). La plus grande et haute sépulture est celle de Mordechaï Maïsel, primat de la cité juive. Evidemment, c’est toute l’histoire de la communauté juive qui se lit sur les stèles, ainsi que celle de l’évolution de l’art funéraire. Certaines de ces tombes sont visitées par des religieux qui y exercent des prières ou des rites propres à la religion juive.
Ici comme dans n’importe quel cimetière juif, de petits cailloux sont déposés sur les tombes.
Sur toute une série de tombeaux on peut voir les symboles traditionnels des familles qui se rangeaient aux temps bibliques parmi la hiérarchie sacerdotale. Il s’agit notamment de la famille des Cohen, dont les membres assumaient les fonctions sacerdotales (ils se reconnaissent à l’image des mains bénissantes, tendues). Une autre famille dont les membres étaient honorés aux temps bibliques du privilège du service dans le temple, s’appelait Lévites. Ils avaient comme symbole le broc d’où ils versaient l’eau sur les mains des prêtres lors des cérémonies du culte. Très poétiques sont surtout les symboles des noms, qu’il s’agisse des noms exprimés par l’image d’un animal, d’une plante, ou d’un oiseau. On y trouve la carpe, le cerf, le renard, le lion, l’ours, le loup, le coq, le pigeon, la rose, et un bon nombre d’autres représentants du règne animal ou végétal. Ce qui ne s’y rencontre cependant que tout à fait exceptionnellement, c’est la représentation figurative de l’être humain.
Sinistrement, le lieu échappa aux ravages nazis pendant la guerre car ceux-ci voulaient fonder, à la fin de la solution finale, un musée mondial de la culture juive ; souvenir pour les Aryens, d’un peuple anéanti. Un des éléments de cette exposition devait être le vieux cimetière juif, d’où sa conservation !
Parmi les tombeaux les plus connus, il importe de nommer avant tout celui de Marek Mordechaj Maisel (1528-1601), maire de la Cité juive de Prague qui fut un des Juifs les plus influents et fortunés de l’époque. L’une des synagogues porte son nom, tout comme la rue passant par le centre de l’ancien ghetto.
Parmi d’autres tombeaux et pierres tombales, citons ceux couvrant les tombes des deux illustres savants juifs de l’époque de la Renaissance, l’astronome et historien David Gans (1541-1613), disciple de Kepler et de Brahé, et l’astronome, philosophe et médecin Josef Delmedigo (1591 – 1655). S’y trouve également le rabbin David Oppenheim (1664-1736), collectionneur de manuscrits et d’ouvrages juifs anciens.
- Tombe de Marek Mordechaj Maisel.
Ce cimetière à toutefois une célébrité qui dépasse les autres : il s’agit de la belle tombe Renaissance de Jehuda Löw ben Bezabel, dit rabbi Löw (ou Loew) (1512-1609), Grand rabbin de Prague entre 1597 et sa mort, à un âge avancé. Il était versé aussi bien dans les grands textes du judaïsme que dans les sciences profanes, en particulier les mathématiques. Il entretenait des liens étroits avec l’astronome Tycho Brahe, dont l’élève, David Ganz, fut son assistant (il repose également ici). Son nom a été associé à la légende du Golem, célèbre dans la culture juive d’Europe centrale, créature humanoïde d’argile qui se meut si l’on lui appose le nom ineffable de Dieu. Selon une légende, il aurait été créé par ce rabbin afin de protéger les juifs du ghetto contre les trop nombreux pogroms. On trouve des échos de cette tradition dans le Frankenstein de Mary Shelley ou dans le Fantasia de Walt Disney. La tombe de ce rabbin est toujours vénérée dans le monde juif et fait l’objet de cultes assidus.
- Tombe de Rabbi Löw.
On notera enfin que le Cimetière juif de Prague fait partie de la trame du roman d’Umberto Eco, Le Cimetière de Prague.
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