BARBIZON (77) : cimetière
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Il en est de Barbizon comme d’Auvers, de Giverny ou de Pont-Aven : ce village de Seine-et-Marne connut, de 1840 à 1875, le succès lié à la présence d’un grand nombre d’artistes, Millet et Rousseau en tête, qui lui valut de donner son nom à une école de paysagistes, proches du mouvement réaliste. Barbizon donna son nom, mais une rivalité s’établit bien vite avec le bourg voisin de Chailly-en-Bière, conflit qui dura jusqu’à la scission des deux communes. Il faut savoir cela afin de comprendre pourquoi les peintres les plus renommés de l’Ecole de Barbizon reposent... à Chailly ! Le cimetière de Barbizon est bien plus récent que celui de Chailly (Barbizon n’était à l’origine qu’un hameau) : on entre par la partie « ancienne », une extension plus récente en étant clairement scindée. Comme nous le verrons, après la génération du XIXe siècle, d’autres générations de peintres s’établirent à Barbizon, même si leur nom est peu connu. Je les ai tout de même indiqué. A dire vrai, bien d’autres artistes firent le renom de cette commune, mais il faudra aller chercher plus loin leurs tombeaux, comme pour le sculpteur animalier Barye ou le peintre Ziem, tout deux au Père Lachaise.
Le petit cimetière de Barbizon se découvre de part et d’autres de son allée centrale. Quelques vieilles sépultures rendent l’endroit charmant.
Curiosités
Rien de très spécial dans ce cimetière, peu d’oeuvres-d’art en particulier dans un endroit où reposent tant d’artistes.
Célébrités : les incontournables...
L’éditeur Pierre BORDAS
Léo MARJANE
... mais aussi
Le peintre de genre Roland ARRIBAS (1922-1986), qui fonda avec Daniel Rouvière en 1972 l’école « Art et nature ». Il appartint à la génération qui poursuivit la tradition de l’école de Barbizon.
L’écrivain André BILLY (1882-1971). Toute sa vie fut entièrement consacrée aux lettres. A 24 ans il entama une carrière de journaliste mais sa vrai vocation fut la critique littéraire, pour le journal L’Oeuvre de 1917 à 1939 puis au Figaro de 1939 à sa mort. Il fréquenta Barbizon à partir de 1907 mais ne s’y installa définitivement qu’en 1930. Il fut l’auteur de nombreux romans et essais dont quelques uns interressent plus particulièrement l’histoire locale de Barbizon. Comme l’indique sa dalle funéraire, il fut élu membre de l’Académie Goncourt en 1943, mais son élection ne fut validée qu’en 1944. Il fit don de sa bibliothèque à la ville de Fontainebleau (28 000 ouvrages) et de ses archives littéraires (300 000 documents).
Le peintre Rodolphe BODMER (1856-1923), qui aima peindre des scènes de forêts (il aimait la chasse). Il était le fils du peintre Karl Bodmer, inhumé à Chailly-en-Bière. Sa tombe est désormais en reprise.
Le peintre Ferdinand CHAIGNEAU (1830-1906), ancien élève de Picot, Brascassat et Coignet, qui exposa pour la première fois lors du Salon de peinture de 1848. Il se détourna ensuite de la peinture d’Histoire pour consacrer son pinceau aux sujets paysagistes et animaliers et à la composition de scènes de la vie des champs. C’est à partir de 1860 qu’il devint l’un des piliers de l’école de Barbizon. Il fut particulièrement réputé de son vivant pour son art de la peinture animalière, caractérisé par son talent à jalonner de troupeaux de moutons les sites qu’il peignait. Avec lui repose sa filles, la violoniste Suzanne CHAIGNEAU (1875-1946), qui forma avec ses soeurs un trio de musique de chambre.
L’architecte René DACLA (1902-1966), dont la tombe est ornée d’un joli bas-relief en bronze.
Le peintre François FÉDERLÉ (1939-2005).
Le journaliste Jean GALTIER-BOISSIÈRE (1891-1966), qui créa dans les tranchées un journal, Le Crapouillot, qui commença par quelques feuilles ronéotypées avant de devenir un journal majeur de l’après guerre (à partir des années 60, le journal évolua vers l’extrême-droite). Il collabora également au Canard enchaîné. Il laissa un Journal savoureux où son talent d’observation, souvent cynique, fait mouche.
Le peintre Emile GROSSE (1877-1960).
La peintre Germaine HENNES (1893-1977).
Le peintre et graveur Marcel JACQUE (1906-1981).
Le peintre Roger LÉVY (1888-1935).
Le peintre E.J.B. MASSON (1831-1905). Sa tombe, la première à l’entrée du cimetière sur la droite, est en reprise.
Le peintre Jean-François MILLET (1849-1917), homonyme de son père, immortel auteur de l’Angélus, qui repose à Chailly-en-Bière.
La peintre Jany-France MILLET (1926-1992), fille de Jean-Charles Millet (peintre mort en déportation à Dachau dont la mémoire est rappelé sur ce tombeau), petite fille de l’architecte Charles Louis Emile MILLET (1857- ?), qui repose ici ; arrière-petite fille de Jean-François Millet,, elle étudia la peinture aux Beaux-Arts de Paris et exposa dans les Salons institutionnels parisiens.
Le peintre de scènes de genre et de paysages Camille Adrien PARIS (1837-1901), qui exposa à paris au Salon à partir de 1864. Il peignit également de nombreux paysages de l’Italie et du Cantal. Sa tombe est la première sur la gauche en entrant dans le cimetière, dissimulée derrière du lierre et un arbre. Il s’agit d’un rocher orné d’un bas-relief en bronze par Laurent Marqueste.
L’historien André PIGANIOL (1883-1968), spécialiste de l’histoire romaine. Enseignant à la Sorbonne et au Collège de France, il était membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
L’écrivain et portraitiste André ROUVEYRE (1879-1962), qui fréquenta l’élite artistique de son temps. Il fut un grand ami d’Apollinaire et de Remy de Gourmont et laissa une riche correspondance avec Matisse.
Le peintre animalier Daniel ROUVIERE (1913-1985), fondateur avec Roland Arribas en 1972 de l’école « Art et nature ».
Gabriel SÉAILLES (1855-1922) : historien de la philosophie français, militant laïque et socialiste engagé auprès des dreyfusards, il fut à l’origine de la création de l’Union pour l’Action morale, qui préfigura la Ligue des Droits de l’Homme. Il promut la création des Universités populaires, militant pour une societé laïque, solidaire et juste, fondée sur le travail, au sein de laquelle tout citoyen pourrait se réaliser. Gabriel Séailles a laissé une œuvre qui fait encore autorité dans le domaine de l’art, de la morale et de la sociologie. Avec lui repose son épouse, la peintre Octavie PAUL-SÉAILLES (1855-1944). Leur présence, quasiment invisible, est signalée par une minuscule plaque presque illisible fixée au sol d’un petit bosquet qui se remarque sur le coté droit du cimetière. Il fut peut-être un lieu de dispersion cinéraire, à moins que les urnes n’aient été enterrées. Près de là, une autre plaque en bronze signale la présence du beau-fils de Gabriel, le publiciste et homme d’affaires Charles PAIX-SEAILLES (1879-1921). Dreyfusard, engagé à Gauche (il dirigea le Bonnet rouge), ami de Jaurès, il chercha le rapprochement pacifiste avec l’Allemagne.
Jean TRANCHANT (1904-1972), qui fut un artiste multi facettes : avant tout compositeur, il fut aussi chanteur de charme, peintre, affichiste, décorateur, créateur d’objets d’art. Il écrivit des chansons pour de nombreuses interprètes telles Lucienne Boyer (La Barque d’Yves, Moi j’crache dans l’eau), ou Marianne Oswald (Appel, Complainte du Kesoubah, Sans repentir), un répertoire personnel avant-tout composé de petites chansons d’amour, un peu fleur bleue. Au milieu des années 30, il devint véritablement un des acteurs du renouveau de la chanson française et introduisit du swing dans ses refrains. Il fut un habitué des grandes émissions de la radio privée qui proposait à cette époque des émissions de variété fort populaires. Il inspira sans aucun doute Charles Trénet et d’autres chanteurs swing de l’époque. Cependant, son ecclectisme ne lui permit jamais d’accéder à la gloire.
Merci à Hélène Richard pour la photo Tranchant.
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