LES CIMETIÈRES RÉMOIS : introduction
par
Ce texte, publié en 1998 par Jean Yves Sureau, alors conservateur de cimetières à Reims, servira d’article "chapeau" pour la présentation du patrimoine funéraire rémois.
C’est en 1786 qu’est créé le Cimetière de Porte-Mars dit du Nord, dont la bénédiction est solennellement effectuée en grandes pompes le 8 juillet 1787. Placé hors les murs pour les besoins de l’Hôtel-Dieu (hôpital), il est ainsi l’un des premiers de France à répondre aux directives sanitaires de l’époque.
Sa création est en effet devenue une nécessité, car l’Hôtel-Dieu utilisait le Cimetière Saint-Denis situé rue des Morts (aujourd’hui Hincmar). Le nombre excessif des inhumations, 520 en 1786, en avait provoqué la saturation et, donc, l’insalubrité du quartier. Cependant, les 13 cimetières paroissiaux que comptait Reims avant 1789 sont supprimés par la Révolution (parmi ceux-ci, on peut citer les cimetières des Carmélites, de la Magdeleine, de Saint-Denis, Saint-Hilaire, Saint-Pierre, Saint-Maurice).
La spoliation des biens de l’Église, fait de ce cimetière privé un bien national et un service public. Il perd au cours du XIXe siècle son nom de Porte-Mars au profit de celui moins poétique d’un point cardinal c’est aussi le cas du Père-Lachaise dont le nom officiel est toujours Cimetière de l’Est, qui, soit dit en passant, est postérieur à notre nécropole puisque créé seulement en 1804.
Comme à l’époque révolutionnaire ne subsistent plus que 3 lieux d’inhumation, il faudra faire un premier agrandissement du Cimetière de Porte-Mars en 1795. Lors d’une seconde extension en 1832-33, Nicolas Serrurier (1763-1837), architecte de la Ville, en fera le tracé romantique qui lui conférera le style d’un jardin anglais. Le 3ème agrandissement se fera en 1853-56 et le portera à sa superficie actuelle qui est de près de 6 hectares.
Le second lieu de sépulture était le Cimetière du Sud créé en 1792 et fermé en 1832. Il se trouvait rue Simon à l’emplacement de la magnifique Maison de Retraite, construite en 1865 par Narcisse Brunette et détruite lors de la « rénovation » du quartier Saint-Rémi pour faire place à de banales HLM. Du fait de l’installation, en 1827, de l’Hôtel-Dieu dans l’ancienne Abbaye Saint-Rémi, il sera vite saturé d’autant plus qu’une effroyable épidémie de choléra ravagera la France et l’Europe entière en 1832.
Le troisième, enfin, est le Cimetière des Protestants, créé en 1789, extra-muros, Porte Cérès, à la suite de l’édit de tolérance signé en 1787 par Louis XVI. Il fermera lui aussi en 1832.
À la suite de ces différentes fermetures et de l’ouverture, en 1832, de l’actuel Cimetière du Sud, boulevard Dieu-Lumière, il n’y avait donc plus à cette époque que deux nécropoles : Nord et Sud.
La fin du XIXème siècle voit s’ouvrir en 1891 le Cimetière de l’Est, dans le haut du Faubourg Cérès. Il faut fermer celui du Nord [1], le 1er avril 1893, pour obliger les Rémois à parcourir tant de chemin ; ce poisson d’avril, qui n’en était pas un, est mal accueilli par la population. Il ne faut pas oublier que l’on suivait les convois à pied et qu’il y avait une bonne promenade entre le cimetière de l’Est et l’église Saint-Thomas ou Sainte-Geneviève. Il y eut des pétitions demandant la réouverture du Nord. La Ville, inflexible, prit la décision de créer un cimetière du Faubourg de Laon qui ouvrira en 1899. Entre-temps, Mme Eugène Rœderer-Boisseau avait créé de ses propres deniers le Cimetière de l’Ouest, en 1893, pour le Faubourg de Vesle. La municipalité anticléricale dut mettre de l’eau dans son vin pour accepter cette donation qui comporte une énorme chapelle dominant les lieux (Édouard Thiérot, architecte). De ce fait, le Cimetière de l’Ouest a la particularité d’être le seul de Reims à avoir sa grille surmontée d’un crucifix et de l’inscription « requiescat in pace ». En effet, le maire anticlérical Charles Arnould (1847-1904), qui fit supprimer les inscriptions et les croix en 1900, n’osa pas s’attaquer à ce cimetière ; sans doute dans la crainte de voir révoquer la donation de Mme Rœderer.
Enfin, il est procédé à l’ouverture en 1985 du Cimetière paysager de La Neuvillette, dont l’agrandissement en cours portera sa superficie à environ 17 hectares.
La ville de Reims est donc dotée de six cimetières dont quatre sont saturés. Il n’y a donc plus que deux lieux d’inhumation possible pour les Rémois qui ne possèdent pas déjà une sépulture de famille : l’Ouest et La Neuvillette.
SOURCES
ROCHA Alphonse Le cimetière du Nord - deux siècles d’histoire rémoise", librairie Guerlin, 1998
Un site commencé par Alphonse Rocha : quelques plans de cantons intéressants.
Focus : le cimetière du Nord de Reims
la Vie rémoise
[1] Il fut réouvert le 1er avril 1927.
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