SAINT-CLÉMENT (15) : cimetière
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Il faut chercher un peu pour trouver le cimetière de Saint-Clément, comme c’est souvent le cas des régions à habitat dispersé où le bourg n’est guère plus grand que ses hameaux. C’est un cimetière minuscule, pentu, où s’aventurer les jours de pluie ne doit pas être de tout repos. Il donne une belle vue sur la campagne environnante à laquelle ne rendent pas hommage mes photos, prises à contre-jour en fin de journée.
Comme l’indique Wikipedia, quand vous êtes dans ce cimetière, traversé par le 45e parallèle nord, vous êtes fait située à égale distance du pôle Nord et de l’équateur terrestre (environ 5 000 km). Rassurez-vous, on ne sent rien !
Dans cette commune, le hameau et château (aujourd’hui disparu) de la Rocque était lieu d’origine de la famille du colonel François de LA ROCQUE (1885-1946) qui repose dans le cimetière.
Fils du général de la Rocque, membre d’une famille où tout les hommes étaient militaires, il servit dans les confins algéro-marocains en 1910-1911, sur la Somme en 1916 et fut en 1918, à 33 ans, le plus jeune chef de bataillon de l’armée française. Officier de liaison directe entre le Maréchal Foch et le Maréchal Pilsudski au début des années 20, il fut envoyé au Maroc deux ans plus tard durant la dernière phase de la guerre du Rif, et contribua à la reddition d’Abdelkrim. Il quitta l’armée en 1928 et rejoignit les Croix-de-Feu, mouvement politique d’anciens combattants fondées peu de temps avant par Maurice d’Hartoy : il en prit la direction en 1932 et le resta jusqu’à leur dissolution en juin 1936. La Rocque et les Croix-de-Feu se distinguèrent des autres ligues par leur respect de la légalité républicaine. Ainsi, après s’être délibérément abstenus de défiler sur le boulevard Saint Germain tout le mois de janvier 1934 aux côtés des ligues et de l’Action française, ils se décidèrent à manifester le 6 février 1934, comme le firent beaucoup d’anciens combattants, mais sans contact avec les manifestants antirépublicains. Il devint l’ennemi à abattre : pour la Gauche, il était un fasciste, pour l’extrême droite, un traitre (c’est dans cette frange politique que les « croix de Feu » devinrent les « froides-queues » !).
Le Front populaire, lorsqu’il arriva au pouvoir, dissout les Croix-de-Feu au même titre que les autres ligues (même si de la Rocque récusa toujours ce terme pour ses troupes). En réaction, il fonda en juillet 1936, aux côtés de l’aviateur Jean Mermoz, le PSF (Parti Social Français), un parti politique à part entière. Sa devise fut reprise plus tard, sans lui demander son avis, par Vichy : « Travail, Famille, Patrie ». À la veille de la guerre, le Parti social français était devenu le premier parti de France avec un effectif de plus d’un million d’adhérents. En juillet 1937, le PSF acquit un grand quotidien parisien, Le Petit Journal.
De la Rocque fut-un « fasciste à la Française » ? Le débat n’a cessé d’agiter les historiens depuis les années 30. Tenter la synthèse relève de l’impossible, car si la Gauche le classa bien trop rapidement parmi les fascistes, ce sont essentiellement des historiens conservateur et sa famille qui tentèrent de le réhabiliter, quitte à en faire un résistant de tout poil ! A vrai dire, difficile de le ranger : trop attaché à la République pour tenter le coup d’Etat ou opportuniste essayant de ne pas faire interdire son mouvement ? Trop nationaliste pour être pro-Allemand où de se reconnaître dans le fascisme italien, trop à droite pour récuser Vichy à ses débuts et de refuser de remplir des missions pour Pétain, pas foncièrement antisémite lorsqu’une partie de son mouvement l’était, pas assez d’extrême droite pour ne pas être vilipendé par celle-ci et pour avoir condamné la Milice, fort d’une dimension sociale et d’un rapprochement avec les radicaux trop à gauche pour la droite classique, pas gaulliste, considérant de Gaulle comme un déserteur et ne s’inscrivant pas dans la Résistance de ce dernier, mais néanmoins arrêté par la Gestapo et incarcéré dans la prison du Cherche-Midi à coté de la cellule de Pierre de Gaulle, frère de Charles, assimilés aux vichysto-résistants sur le tard, au même titre qu’Henri Fresnay ou François Mitterrand... Bref, une personnalité complexe ! On a écrit qu’il soutenait une ligne antiparlementaire, en faveur d’un régime présidentiel plus proche du gaullisme que d’une véritable aspiration au fascisme.
La Rocque revint en France libérée en mai 1945 et se vit placé en internement administratif puis assigné à résidence. Il mourut quelques mois plus tard. Il fut décoré à titre posthume, en 1961, de la Médaille de la déportation et de l’internement pour faits de Résistance et se vit attribuer la carte de Déporté-Résistant, qui lui avait été refusée de son vivant.
Il est enterré à Saint-Clément avec trois de ses fils : Jean-François (1916-1940), Jacques (1919-1948), les deux aviateurs morts pour la France, et, à leurs côtés depuis novembre 2001, Gilles, chasseur alpin, blessé au combat en juin 1940.
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