ANTIBES (06) : cimetière de Rabiac
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Le cimetière de Rabiac est le vieux cimetière d’Antibes (on ne le confondra pas avec le cimetière paysager des Semboules qui est très récent). Si les reprises ont été nombreuses, à tel point que plus aucune division ne semble réellement ancienne, il demeure ça-et-là des tombeaux dignes d’intérêt.
- Plan du cimetière de Rabiac.
- Si la partie en vert est la plus monumentale, il semblerait que ce soit la partie jaune qui soit la plus ancienne, mais les reprises y ayant été plus importantes, elle semble plus récente. La partie en bleu est l’extension la plus contemporaine : c’est là que se trouve l’entrée principale du cimetière, donnant sur la nationale.
Curiosités
Une tombe insolite livre ses secrets : Jules Toulouse (1870-1939), un forain originaire du Gard, arriva un jour à Antibes sur sa roulotte.
- Carte postale d’Antibes.
- On y voit la roulotte en ciment. Jules Toulouse pose au premier plan.
Une roulotte n’étant pas éternelle, il en fit faire la copie conforme en ciment, route nationale, près de la Cité SNCF. Il pensait que dans ce matériau, elle lui survivrait. Cette roulotte en ciment, seule en son genre, finit par faire partie du paysage antibois. Jules Toulouse pensait faire don de sa roulotte en ciment à la ville pour qu’elle abrite, après sa mort, un musée consacré à la Grande Guerre, celle où il s’était signalé par son comportement valeureux. Ce don, hélas, ne fut pas accepté par la municipalité. Sa roulotte servit un temps de logement à des familles antiboises, puis elle fut détruite en 1966. Si sa roulotte en ciment n’a pas survécu au temps, sa réplique miniature réalisée avec des pièces d’un et deux sous économisées par le forain pendant de longues années puis fondues, l’accompagne toujours dans la mort. Il fut inhumé avec sa soeur dans ce cimetière : outre la roulotte, deux médaillons en bronze ornent la tombe. On y trouve également cette singulière épitaphe : « Toi qui t’arrêtes devant cette demeure, Pense que celui qui s’offre à tes regards, Fut heureux et vécut à sa manière, Maintenant que tu le sais, repars ».
Côte d’Azur oblige, le souvenir des rapatriés d’Algérie est vivace et s’imprime dans la monumentalité de quasiment tous les cimetières de la Riviera. Ici, un mémorial aux rapatriés d’Outremer et, édifié en 2003, un monument en mémoire des Harkis.
Sous une croix discrète, cachée par la végétation, repose le père volage de Guy de Maupassant, Gustave de Maupassant (mort en 1900).
La veuve d’Alphonse Allais, remariée à Maurice Bertrand, et leur fille, sont inhumées également dans ce cimetière.
Quelques chapelles ou tombes ouvragées.
Célébrités : les incontournables...
Fernand BOUISSON (1874-1959) fut en premier lieu un rugbyman, joueur de la section de rugby à XV de l’Olympique de Marseille. Il fut deux fois champion de France (en 1894 et 1895). Maire d’Aubagne en 1906, député socialiste indépendant, puis SFIO et enfin républicain-socialiste, il représenta les Bouches-du-Rhône de 1909 à 1940. Président de la Chambre des députés, de 1927 à 1936, Bouisson détint le record de longévité dans cette fonction sous la IIIe République. Il y eut toutefois une courte interruption de sa présidence en juin 1935, car il devint Président du Conseil du 1er juin 1935 au 4 juin 1935, soit 3 jours ! Il réussit à réunir dans son gouvernement Pierre Laval, Édouard Herriot, Joseph Caillaux, Georges Mandel et Philippe Pétain mais la Chambre lui refusa une délégation de pouvoirs. La victoire du Front populaire le priva de la présidence de la Chambre des députés. Il vota la confiance à Pétain en 1940 et abandonna la vie politique.
Bertrand Beyern indique qu’il fut inhumé dans ce cimetière (il précise même dans le carré 5, qui n’est pas bien grand). Malgré avoir sillonné à plusieurs reprises ce carré, je n’ai pas trouvé sa tombe. Plus étrange, il ne semble rien y avoir à la conservation (il est cependant bien mort à Antibes). Fernand Bouisson a-t-il été inhumé ici ? A-t-il été ultérieurement déplacé ? Un mystère de plus que je laisse à la sagacité (où un quelqu’un qui aurait des lumières là-dessus) des internautes...
Ceux qui chercheraient les tombes de Bruno Carette ou d’Armand Jammot doivent en revanche se rendre au cimetière des Semboules.
... mais aussi
Le banquier et haut-fonctionnaire Jacques BARNAUD (1893-1962), qui fit partie du groupe de technocrates appelés à des responsabilités économiques et politiques sous le régime de Vichy. Il fut ainsi Délégué général aux Relations économiques franco-allemandes entre 1941 et 1942. À la Libération, il fut inculpé d’intelligence avec l’ennemi, mais bénéficia d’un non-lieu de la Haute Cour pour charges insuffisantes.
Louis BERTRAND (1866-1941) : romancier et essayiste connu pour sa vanité extrême, son séjour en Algérie de 1891 à 1900 a nourri l’inspiration d’une partie de son œuvre abondante aujourd’hui tombée dans un oubli complet. Il fut élu à l’Académie française en 1925.
Gustave Emile BOISSONADE (1825-1910) : juriste français, il fut, de 1873 à 1895, conseiller du ministère de la Justice du Japon sous le gouvernement de l’empereur Meiji. Il y apporta une contribution importante à la nouvelle codification des lois modernes : en se consacrant à la rédaction d’un Code civil, d’un Code pénal et d’un Code de procédure criminelle dans un pays où n’existait qu’un droit coutumier, il participa à la modernisation du pays. Sa tombe est ornée d’un médaillon en bronze.
L’archéologue Jacques-Henri CLERGUES (1899-1977), fondateur en 1963 du musée d’archéologie d’Antibes dont il fut le premier conservateur.
Le contre-amiral Emile FORGET (1872-1956).
Lilian HARVEY (Lilian Pape : 1906-1968) : comédienne et chanteuse allemande, sa carrière commença dans les années 20. Elle passa sans encombre le cap du cinéma parlant, et connut un énorme succès en 1930 avec Le Chemin du paradis, première comédie musicale du cinéma allemand. En duo avec le chanteur Henri Garat, la jeune artiste à la longue chevelure bouclée y chantait la chanson titre, ce qui la propulsa au rang de vedette de la chanson. Durant toutes les années 30, le succès fut au rendez-vous. La guerre fut une rupture brutale dans sa carrière : ses amitiés avec certains artistes juifs l’obligent à fuir l’Allemagne (elle fut déchue de sa citoyenneté) et à s’installer en France. Quelques films, puis plus rien. Elle s’installa sur la Côte-d’Azur et fut rapidement contrainte à une retraite artistique. Elle vécut à la fin de sa vie avec else Pitty Wirth (1907-2007), que certains considérèrent comme une intrigante en voulant à la fortune de Harvey, dont elle hérita effectivement. Toutes deux reposent dans le même tombeau, tout au fond de la partie ancienne du cimetière.
Alfred KOECHLIN (1829-1895) : issu de la célèbre famille d’industriels alsacien, il fut maire du VIIIe arrondissement de Paris. Ses sympathies boulangistes lui valurent d’avoir été un éphémère député du Nord de 1888 à 1889. Il possédait une propriété au cap d’Antibes (d’où sa présence ici) dans laquelle il passa une retraite dorée, en alternance avec ses nombreux voyages. Il ne doit pas être confondu avec Alfred Koechlin-Steinbach (1825-1872), son cousin, qui fut lui aussi député mais qui repose à Mulhouse. Avec lui repose la comédienne de théâtre Jane ESSLER (Jane Fœssler : 1836-1892), qui joua dans les grandes salles parisiennes des pièces adaptées de Hugo et Dumas.
Le baron François LAVELAINE de MAUBEUGE (1873-1930), qui était contre-amiral de la flotte.
Jean-Hippolyte MARIEJOL (1855-1934) : universitaire et historien moderniste, il fut un spécialiste des XVIe et XVIIe siècles. Maître de conférences à la faculté des Lettres de Lyon, il fut élu à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de cette ville en 1916, puis en devint président en 1927. Il participa à l’Histoire de France d’Ernest Lavisse dont il rédigea les tomes VI et VII. Il fut l’auteur de plusieurs biographies qui s’imposèrent longtemps.
Roger MATHIEU (1914-1964) : officier français, il servit en Afrique pendant la Seconde Guerre mondiale avant de rejoindre Londres. Il participa au débarquement en Normandie, puis à la campagne d’Alsace et enfin à celle qui mena la reddition de Royan. Il fut fait Compagnon de la Libération.
Pierre MERLI (1920-2002) : Juste parmi les nations en raison de l’aide qu’il apporta à des juifs durant la guerre (dont les Klarsfed), responsable de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance sous la Quatrième République, il devint maire d’Antibes en 1971 et sénateur (de 1980 à 1988) puis député des Alpes-Maritimes de 1988 à 1997 en tant que radical valoisien. Il était très proche de François Mitterrand.
Le peintre paysagiste et affichiste Paul-Franz NAMUR (1877-1958). Il fut également rédacteur en chef de la Revue illustrée, à la suite de la prise de contrôle du journal L’Illustration en 1904.
Le poète et écrivain Raphaël TARDON (1911-1967).
Photos Namur - Forget - Tardon : Geneanet
Photo Barnaud : Wikipedia
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