PONT-L’ABBÉ-D’ARNOULT (17) : cimetière

samedi 10 septembre 2011
par  Philippe Landru

Le cimetière de Pont-l’abbé-d’Arnoult a toutes les raisons d’attirer le taphophile de passage. S’il vient d’être médiatisé par l’inhumation du dessinateur Tabary, il abrite également la dernière demeure de plusieurs personnalités, connues pour des raisons très diverses.

A l’entrée du cimetière, intelligemment, les autorités municipales ont fait placé un petit plan qui présente ces célébrités. Force est de constater que Victor Liotard ne fait pas l’unanimité, tant sa localisation a été rayée avec rage.

Une tombe commune abrite deux jeunes hommes de la région : André Daunas (1924-1944) et Maurice Lépie (1923-1944). Réquisitionnés par l’organisation Todt pour travailler sur les chantiers du Mur de l’Atlantique, leur manque de zèle leur valu d’être désignés pour partir en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Réfractaires, les deux hommes, rejoignirent le groupe de résistance Honneur et Patrie. Ils furent arrêtés et incarcérés à Rochefort puis à la prison Lafond de La Rochelle. Transférés à Bordeaux et condamnés à mort pour « aide à l’ennemi », ils furent exécutés au camp de Souge. En mars 1945, leurs corps furent remis à leurs familles et inhumés en ce lieu.

Reposent donc dans le cimetière :

- Au registre du folklore, néanmoins très intéressant, figure la tombe du compagnon Jean-Martin BIENASSIS (1766-1838), dit Saintonge La Liberté, qui participa à la prise de la Bastille. L’intérêt essentiel du monument réside dans ses inscriptions. L’une des faces de la stèle indique : "Ici repose le corps de Jean-Martin Bienassis né le 11 novembre 1766 et mort à Pont l’abbé le 12 mai 1838 . Le 14 juillet 1789 le vit l’un des premiers sur la brêche à l’assaut de l’ancien régime ; puis il retourna à son atelier comme Cincinnatus à sa charrue soupçonnant à peine la grandeur de son oeuvre et la sublimité de son dévouement". Sur l’autre est écrit : "Passant si jamais la haine du despotisme pouvait faiblir en ton âme au retour anniversaire de ce quantième où il s’est immortalisé viens sur sur cette tombe évoquer le vainqueur de la Bastille et te ret(r)emper dans son souvenir".

- L’artiste peintre, Stéphane BRECQ (1894-1955), qui fut directeur des Beaux Arts du Cambodge de Phnom-Penh de 1928 à 1938.

- René CAILLIÉ (1799-1838) : fils d’un homme condamné au bagne pour un petit vol l’année de sa naissance, fasciné par la lecture de Robinson Crusoé de Daniel Defoe, il rêva d’exploration et quitta son village natal à l’âge de dix-sept ans.

Après deux échecs qui le contraignirent à revenir en France, il parvint à se rendre chez les Maures braknas, dans l’actuelle Mauritanie, d’août 1824 à mai 1825, pour apprendre la langue arabe et la religion musulmane. Il s’inventa une nouvelle identité de musulman, qu’il endossa durant son voyage pour éviter de se faire tuer. Après avoir appris l’existence du prix qu’offrirait la Société de géographie au premier Européen qui pénètrerait dans la ville de Tombouctou rendue mythique par les récits des voyageurs arabes du Moyen Âge et interdite aux chrétiens, il décida de partir seul, par ses propres moyens, sans aide financière, sans escorte militaire, se faisant passer pour un humble lettré musulman.

Parti de Boké en Guinée, il fut retenu cinq mois — gravement atteint du scorbut — à Timé dans l’actuelle Côte-d’Ivoire. Enfin, il atteignit en avril 1828 la cité mythique de Tombouctou, premier européen à réussir cet exploit, mais déçu de trouver une cité tombant quelque peu en ruines.

Son retour en France en 1830 après seize ans d’absence, à travers le désert du Sahara puis le Maroc, fut un véritable calvaire. Il reçut de la Société de Géographie un prix de 10 000 francs, ainsi que le Grand Prix des explorations et voyages de découvertes, partagé symboliquement avec le major Alexander Gordon Laing. Il publia en 1830 son Journal d’un voyage à Temboctou et à Jenné dans l’Afrique centrale, qui lui assura une grande renommée. Les Anglais contestèrent la véracité de ses écrits et de son voyage, mais ses écrits sur Tombouctou furent confirmés par le voyageur allemand Heinrich Barth en 1858.

Rêvant de repartir en Afrique, grandement oublié, il mourut des suites d’une maladie contractée lors de ses voyages. Témoin à la fois géographe et ethnologue, il fut considéré comme le premier « africaniste » : respectueux des hommes et civilisations qu’il a rencontrés, il dénonça l’esclavage et la condition des femmes. D’autres voient en lui le précurseur du colonialisme français.

- L’explorateur Victor LIOTARD (1858-1916), qui après un séjour en Guyane, accompagna Galliéni dans une expédition au Soudan en 1886. Il entra alors au service de santé des colonies en 1891 et exécuta une mission scientifique au Congo français aux côtés de Pierre Savorgnan de Brazza. En 1892, ce dernier le chargea d’établir l’hydrographie du bassin du fleuve Congo. Quittant son service pour celui de l’administration, il devint administrateur colonial : il fut d’abord commissaire du gouvernement des territoires du Haut-Oubangui en 1894, puis planifia la progression de la colonisation française vers le Haut-Nil avant de céder sa place à Jean-Baptiste Marchand. Il fut ensuite gouverneur du Dahomey (1900-1906), de la Nouvelle-Calédonie (1906-1908), puis de la Guinée (1908-1910). Sa tombe rappelle la mémoire de son fils, l’explorateur Louis LIOTARD (1904-1940), qui effectua deux missions d’exploration au Kham, l’une des trois provinces traditionnelles du Tibet. C’est lors de la seconde qu’il trouva la mort, tué par des bandits tibétains ngolos.

- Le dessinateur Jean TABARY (1930-2011), qui créa chez Vaillant la série Totoche, d’où surgirent les célèbres Corinne et Jeannot que nous pûmes découvrir dans Pif. Le tournant dans sa carrière fut sa rencontre avec René Goscinny, avec qui il créa Iznogoud dans Record puis dans Pilote (matin quel journal !). Victime d’un accident vasculaire cérébral en 2004, il s’était arrêté de dessiner et, succession peu commune, avait confié Iznogoud à ses trois enfants, qui poursuivent son oeuvre.

Il a rejoint dans la tombe son épouse, Colette Tabary, pour laquelle il avait dessiné une plaque souvenir qui figure sur la sépulture.


Merci à Nicolas Badin et à Jean-René Tuaud pour les photos.


Commentaires

Logo de Nicole Drago
PONT-L’ABBÉ-D’ARNOULT (17) : cimetière
lundi 8 septembre 2014 à 12h23 - par  Nicole Drago

j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour RENE CAILLIE depuis l’age de 13 ans ou j’ai découvert à la bibliothèque de l’école l’épopée de son voyage à Tombouctou.
très récemment, à la suite d’une lecture jl’ai appris qu’il avait vécu en charente-maritime et reposait à Pont l’Abbé. J’ai été très surprise, je vais souvent en charente maritime, J’ai donc décidai que je lui ferai une visite, à son mémorial, très prochainement.

Brèves

Mise à jour et conseils aux contributeurs

samedi 29 octobre 2022

Je suis en train de remettre à jour toutes les rubriques qui listent le plus exhaustivement possible le patrimoine funéraire de tous les départements. Tous les cimetières visités par moi (ou par mes contributeurs) y sont portés, mise-à-jour des couleurs qui n’étaient pas très claires dans les versions précédentes (le noir apparaissait vert), rajout de tombes depuis les visites, photos de tombes manquantes... N’hésitez pas à les consulter pour y trouver la version la plus globale du patrimoine. Ces rubriques représentent les listes les plus complètes que l’on puisse trouver sur le net du patrimoine funéraire français.

Contrairement aux articles, vous ne pouvez pas interagir sur les rubriques : aussi, si vous avez une information nouvelle à apporter sur un département, merci de laisser votre message en indiquant clairement le département et la commune concernée sur un article dédié uniquement à cela : Le patrimoine funéraire en France : classement par départements

Merci et bonne lecture.

Qui est derrière ce site ?

vendredi 14 février 2014

Pour en savoir un peu plus sur ce site et son auteur :

- Pourquoi s’intéresser aux cimetières ?
- Pourquoi un site sur les cimetières ?
- Qui est derrière ce site ?