MONTFORT-L’AMAURY (78) : cimetière
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Le cimetière de Montfort-l’Amaury a la particularité assez rare en France de posséder encore un charnier dans un très bel état : on y accède par une porte gothique ouvragée. Sur la droite, un texte gravé est un avertissement aux visiteurs : Vous qui ici passez, Priez Dieu pour les trépassez. Ce que vous êtes, ils ont étez, Ce que sont un jour serez.
A l’origine autour de l’église, le cimetière fut déplacé au XVIe siècle à cet endroit : c’est de cette époque que datent les parties en briques au sud et au nord, les galeries les plus anciennes, celle de l’Est datant du XVIIe siècle.
- Galerie Sud.
- Galerie Est
Les piliers de l’arcade Sud à décors de brique portent aux écoinçons une ove et trois cranes incrustés dans dans la maçonnerie. Derrière la goutière de l’une des chapelles qui ponctuent la galerie Sud, on remarque encore la présence d’un crane resté ici miraculeusement.
Sous la galerie, les solives étaient destinées à supporter des planches sur lesquelles étaient entassés les ossements des morts enterrés à même la terre. En haut des piliers de la galerie Sud, on remarque quelques cranes sculptés en assez mauvais état.
Contre l’enceinte des charniers sont disposés des stèles du XIXe siècle, certaines datant du Premier empire. Chaque galerie possède une chapelle en saillie occupée par des familles de notables de la ville.
A partir de ces galeries, le cimetière proprement dit s’étage ensuite en terrasse, les parties supérieures étant les plus récentes.
Curiosités
Dans l’un des coins du charnier, un monument hommage au compositeur Maurice Ravel (1875-1937) : ce dernier était très attaché au village où il vécut de 1921 à sa mort. C’est là qu’il composa ses oeuvres les plus célèbres, dont le Boléro ou l’Enfant et les sortilèges. Il fut néanmoins inhumé au cimetière de Levallois-Perret où reposaient déjà ses parents et son frère. Le comité national pour les commémorations musicales fit donc ériger ce monument surmonté d’un buste par Jean Miguel Merlet représentant l’artiste. On peut visiter à Montfort la maison de Ravel, devenue musée.
L’étonnante tombe du soldat Albert Marteau, dont la plaque nous indique "qu’il est mort le 9 juillet 1940 pour que vous restiez Français", et qui est surmontée d’un petit tank bleu et blanc.
Face à la gallerie est du charnier, une tombe en forme d’église est celle de plusieurs curés de Montfort.
Sous une des galeries du charnier, la stèle de "Louis Joseph Jean-Baptiste de la Boëssière, comte de Chambors, lieutenant général, ancien gentilhomme d’honneur de Mgr le comte d’Artois, gentilhomme de la chambre du roi Charles X, commandeur de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis et de l’ordre portugais de St Benoit d’Avis. Fils unique et posthume du marquis de Chambors tué à la chasse par Mgr le Dauphin, père des rois Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, né à Paris le 31 janvier 1756, décédé dans son habitation du Bel Air près Montfort l’Amaury le 27 février 1846. Sa fille unique, Madame la comtesse Héraclé de Polignac, a fait placée ce marbre comme monument de ses regrets et de respect à la mémoire de son père".
Les cinéphiles taphophiles auront sans peine reconnu le cimetière comme étant celui de la scène d’enterrement du Corbeau d’Henri-Georges Clouzot : il est vrai que la commune toute entière servit de cadre au fictif Saint-Robin.
Célébrités : les incontournables...
Aucun autre "incontournable" stricto-censu, même si certaines personnalités sont encore bien présentes en mémoire (Georges Marchal, Julien Rassam...).
... mais aussi
Céleste ALBARET (1891-1984) fut la servante dévouée de Marcel Proust et l’accompagna jusqu’à sa mort. Elle écrivit la biographie de ce dernier, Monsieur Proust, parut en 1973. Elle fut aussi au centre d’un journal imaginaire, Moi Céleste Albaret, gouvernante de Marcel Proust, écrit par Lina Lachgar. Avec elle reposent son époux Odilon Albaret (1884-1960), qui était le chauffeur de l’écrivain, et sa soeur Marie Gineste (1888-1978), qui était également à son service.
Germaine BEAUMONT (Germaine Battendier : 1890-1983) : après
un exil en Angleterre de 1908 à 1915, elle devint journaliste au Matin et aux Nouvelles littéraires. Elle obtint le Prix Renaudot pour son premier roman, Piège, en 1930. Elle fut très proche de Colette et de Virginia Woolf. Par la suite, elle se tourna vers le roman policier et produisit l’émission radiophonique Les maîtres du mystère. Elle fut pendant quarante ans à la tête du jury Fémina.
La botaniste Marguerite BELEZE (1850-1913), auteure de plusieurs ouvrages et lauréate de l’Institut.
La chapelle en saillie de la gallerie Nord est celle de la famille de Biancour : y reposent en particulier Charles de BIANCOUR (1762-1837), qui fut un député de droite de la Seine-et-Oise de 1821 à 1827, et Félix Fernand de BIANCOUR (1836-1891), qui fut préfet de l’Ardèche de 1875 à 1876, puis de l’Allier en 1877. Leurs dalles funéraires se trouvent sur le sol de la chapelle.
Le commissaire-priseur Georges BLACHE (1921-1988), qui exerça à Versailles de 1950 à sa mort, et qui fut également auteur d’ouvrages d’art.
Edgar DEMANGE (1841-1925) : juriste français, il fut, avec Fernand Labori, l’avocat d’Alfred Dreyfus lors des procès de 1894 et 1899. Il fit acquitter le prince Pierre Bonaparte, assassin du républicain Victor Noir en 1870.
Joseph Louis Adolphe de DION (1823-1909) : maire de Montfort- l’Amaury, il procéda aux fouilles du château de sa commune. Il publia de nombreux articles concernant le patrimoine de l’ancien département de Seine-et-Oise dans les revues des sociétés savantes locales.
Georges ESPINAS (1869-1948) : archiviste et historien, il était un spécialiste de l’histoire urbaine médiévale, particulièrement celle de l’Artois. Dans la même chapelle familiale repose également le médecin Ange FERRAND (1835-1899), spécialiste de psycho-physiologie et membre de l’Académie de Médecine.
Le compositeur Georges GARVARENTZ.
Le journaliste et commentateur sportif français Thierry
GILARDI (1958-2008), qui était un passionné de rugby à 15, et qui fut une figure familière des amateurs de sport à la télévision.
Le maréchal de camp Louis GROULT des RIVIERES (1743-1832), ancien Garde du corps du roi de Pologne, Stanislas Leszczynski. Il reçut dans son château de Morville toute l’aristocratie et les membres de la famille royale de son époque.
La comédienne Josette HANSON (dite aussi Nadia NELSON : 1921-2001), qui tourna après la Seconde Guerre mondiale.
Denise LAUNAY (1906-1993) : conservateur à la Bibliothèque Nationale de Paris et organiste durant plus de 35 ans de l’église Notre-Dame de Lorette à Paris, elle était une musicologue réputée, spécialiste de la musique religieuse du XVIIe siècle. Elle fut notamment l’auteur d’un ouvrage qui fait autorité : La musique religieuse en France, du Concile de Trente à 1804. Elle repose auprès de son grand-père, le pharmacien Paul YVON (1848-1913), qui fut directeur des sérums à l’Institut Pasteur de Paris, membre de l’Académie de médecine, et qui développa la chimie clinique en France.
Le comédien Jean MARCHAT (1902-1966), qui incarna des années 30 aux années 60 des rôles de personnages antipathiques au cinéma. Il fit surtout une brillante carrière au théâtre : sociétaire de la Comédie-Française, il fonda avec Marcel Herrand la compagnie du Rideau de Paris au Théâtre des Mathurins. Il fut également la voix française de Cary Grant.
Le comédien Georges MARCHAL (1920-1997), qui fut l’incarnation,
des années 40 aux années 80, de personnage à forte prestance : il fut ainsi plusieurs fois rois (Louis XIV dans Si Versailles m’était conté, Philippe le Bel dans les Rois maudits...). À la télévision, il fut également remarqué pour son rôle d’Antoine d’Hergemont dans L’Île aux trente cercueils. L’arrivée de la Nouvelle Vague lui fut en revanche funeste, à l’exception des films de Bunuel qui l’appréciait. Il fut marié de 1951 à 1969 à l’actrice Dany Robin et vécut avec elle au château de Bluche, sur la commune de Montfort-l’Amaury. Bien que décédé à Maurens, près de Bergerac, il repose dans ce cimetière, tout près de la tombe de son ex-épouse.
Antoine MASUREL (1912-1990) : aviateur, il s’engagea dans la
Résistance et prit une part active dans l’élaboration d’un des plus grands réseaux de renseignements en France, Phratrie. Arrêté et déporté à Buchenwald en 1944, il fut sauvé par l’approche des Alliés. Il était Compagnon de la Libération.
La chapelle en saillie de la galerie Est contient la plaque tombale de Fortunat MILON de MESNE (1766-1847), qui fut préfet de Charente de 1814 à 1815, des Hautes-Pyrénées de 1815 à 1819, puis de l’Indre de 1820 à 1823. Cette chapelle possède également plusieurs plaques tombales de la famille Le Pippre, apparenté au peintre Septime Le Pippre. Dans cette même chapelle repose Bernard DUBARD (1767-1823), "ancien trésorier général des armées françaises en Italie, il fit avec Bonaparte la campagne de 1800" précise sa dalle funéraire. C’est peut-être lui qui fut peint en 1799 par Greuze.
François PETAU de MAULETTE (1742-1805) : ancien mousquetaire de la garde du roi, député de la noblesse aux États généraux de 1789, il fit partie des 44 nobles qui donnèrent l’exemple de se réunir au Tiers Etat. Il est inhumé dans le très vénérable tombeau de famille orné de colonnes armoriées.
Le tombeau RASSAM-LANGMANN, témoin d’une généalogie complexe du milieu du cinéma. A l’origine étaient deux dynasties : Jean-Pierre RASSAM (1941-1985), fils d’un notable libanais, devint une figure majeure de la vie parisienne des années 70. Installé durant trois ans dans l’une des suites du Plaza Athénée, il devint producteur de la nouvelle génération de cinéaste : Jean-Luc Godard (Tout va bien), Jean Yanne (Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, Moi y en a vouloir des sous), Maurice Pialat (la Gueule ouverte, Nous ne vieillirons pas ensemble), Marco Ferreri (la Grande Bouffe, Touche pas à la femme blanche), Robert Bresson (Lancelot), Roman Polanski (Tess), Barbet Schroeder (Idi Amin Dada). Il avança à Jean Eustache de quoi commencer la Maman et la putain. Il dirigea également un temps la Gaumont. Dans les années fric et chic des seventies, il consuma sa vie en alcool et en drogue, puis finit par mettre fin à ses jours. Il eut de la comédienne Carole Bouquet un fils, Dimitri Rassam, actuellement réalisateur. Il était également le frère du producteur Paul Rassam, à qui l’on doit en particulier des films comme Valmont, ou plus récemment la version 2005 de Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Leur soeur, Anne-Marie RASSAM (1944-1997), avait été l’épouse du producteur et réalisateur Claude Berri (Langmann de son vrai nom). Avec lui elle eut deux fils : Thomas Langmann (le réalisateur et producteur du très récent Astérix aux Jeux Olympiques, mais également l’acteur des Années sandwiches), et Julien
RASSAM (Julien Langmann-Rassam : 1968-2002), jeune acteur que l’on pu voir dans le premier rôle d’Albert souffre (de Bruno Nuytten en 1992). On se souvient également de lui dans son rôle d’Alençon dans la Reine Margot de Chéreau. Il fut nommé au César du Meilleur Espoir Masculin pour son rôle dans L’Accompagnatrice. Dépressif, il tenta de se suicider en sautant de l’une des fenêtres de l’hôtel Raphael à Paris. Devenu paraplégique, il se donna la mort. Il était le compagnon de la comédienne Marion Cotillard. Si l’on ajoute que la soeur de Claude Berri, Arlette Langmann, fut la compagne du réalisateur Maurice Pialat, on est frappé par cet écheveau généalogique liant entre elle des personnalités du cinéma que l’on n’associe pas forcément.
Dany ROBIN (1927-1995) : danseuse de formation, en particulier dans la troupe de Roland Petit, elle devint comédienne et fut le type même de l’ingénue des années 50. Elle tourna des années 40 aux années 60, en particulier pour Allégret, Carné ou Hunnebelle. Son dernier rôle fut dans Topaze d’Alfred Hitchcock. On la vit également au théâtre, où elle continua plus longtemps sa carrière. Epouse en première noce du comédien Georges Marchal (inhumé très pres de sa tombe), elle épousa en seconde noce Michael Sullivan, un producteur irlandais, qui l’accompagna dans la mort, survenue lors de l’incendie de leur appartement parisien, à Passy. Leur tombe est aujourd’hui anonyme, leurs identités indiquées à l’aquarelle ayant disparu.
L’architecte Pierre ROUX-D’ORLUT (1919-1995), qui réalisa en collaboration avec Daniel Badani de très nombreux chantiers importants : grands ensembles de logements à Villiers-le-Bel et à Nice, tour Gambetta à La Défense, ensemble de tours du pont de Sèvres, à Boulogne-Billancourt, centres de recherche pour le CEA (Marcoule et Cadarache)... Il travailla également beaucoup en Afrique (en particulier à Abidjan -palais de justice, aéroport, hôpital, etc...-, à Dakar, et à Niamey.
Merci à Michel Schreiber pour la photo Demange.
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