PÉRIGUEUX (24) : les cimetières (Nord, Ouest, Saint-Georges)
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On aimerait pouvoir dire que dans cette belle région du Périgord, et plus encore dans sa capitale, la non moins charmante ville de Périgueux, le tourisme nécropolitain nous a réservé de belles surprises... hélas il n’en est rien ! Les trois cimetières de la ville ne sont pas très intéressants, même si, ça et là, certaines sépultures ont de l’intérêt !!!
Le cimetière du Nord
Une fois franchi le portail central flanqué de deux bâtiments symétriques apparaît le cimetière du Nord. Des trois, c’est le plus grand. Il se présente sous la forme d’une pente descendante (pénible à remonter du coup). A perte de vue, des tombes uniformes, des arbres que l’on compte sur les doigts d’une main. Le réseau des tombes est assez lâche, ce qui explique qu’à certains endroits, le cimetière prend l’apparence de zone désertée en attente de jours meilleurs. Peu de chapelles, peu de monuments digne d’intérêt. Il n’y a qu’à l’entrée du cimetière que l’on peut encore trouver quelques tombeaux ayant de l’attrait. Il est vrai que les habitudes funéraires des périgourdins s’inscrivent davantage qu’ailleurs en France dans la sobriété, voire l’austérité : vastes et sombres tombeaux de famille peu bavards. En outre, beaucoup sont abandonnés, ajoutant à l’impression de désolation. Et pourquoi ces reprises imbéciles de concessions, alors qu’il y a justement tant de places vides dans le cimetière ?
Quelques monuments sortent péniblement du lot :
Quelques chapelles imposantes et travaillées dès l’entrée, qui ne sont donc plus représentatives du reste de la nécropole.
On trouve cependant dans ce cimetière quelques tombes intéressantes :
Le peintre Jean-Charles AVIAT (Jules-Charles Mauperrin : 1844-1931).
L’éditeur Pierre FANLAC (Pierre Beaucornu : 1918-1991), qui exerça divers métiers avant de fonder en 1943 les éditions qui portent son nom, spécialisées sur un régionalisme comprenant les traditions et les mœurs du Périgord ancien et moderne.
Le zoologue Pierre-Paul GRASSÉ (1895-1985), qui fut spécialiste en protistologie et dont l’étude de l’évolution des espèces fut une priorité constante. Membre de l’Académie des Sciences (qu’il présida), il fut l’auteur d’un Traité de zoologie en 42 volumes et de nombreuses publications. Il adopta très tôt les nouvelles techniques de la microscopie électronique, et participa à la création du CNRS et de l’INRA.
Le préhistorien Fernand LACORRE (1881-1967), qui fouilla la région en particulier Aurignac. Il repose dans le caveau Desfarges.
Pierre MAGNE (1806-1879), indéboulonnable figure politique du département. Député de Dordogne à partir de 1843, sous-secrétaire d’État au ministère de la Guerre en 1847, cet orléaniste quitta la vie publique en 1848, mais il ne tarda pas à se rallier à la politique présidentielle de Louis-Napoléon Bonaparte et à revenir aux affaires. Nommé sous-secrétaire d’État au ministère des Finances en 1849, il devint ministre des Travaux publics. Sénateur en 1852, il fut ministre quasiment sans interruption entre 1855 et 1870 ! Tombé en 1870 avec l’Empire, réélu député en 1871, il redevint ministre des Finances de 1873 à 1874 ! Il repose dans une imposante chapelle familiale à l’entrée du cimetière dans laquelle repose également son petit-fils Napoléon MAGNE (1865-1933), filleul de Napoléon III, qui fut député de Dordogne de 1898 à 1902.
Louis MIE (1831-1877). Avocat au barreau de Périgueux, Louis Mie, il mit à la chute de l’Empire, en 1870, toute son énergie à combattre les conservateurs, notamment grâce au journal « La République de la Dordogne », dont il était le fondateur. Républicain acharné et anticlérical, il fut élu député de la Gironde en avril 1877 mais mourut peu après. Il repose sous un obélisque orné d’un médaillon en bronze d’Adolphe Rivet, médailliste et sculpteur périgourdin. Il a pour épitaphe « Chercher la liberté partout / la justice toujours ».
Le dessinateur SEM (Georges Coursat : 1863-1934), qui commença par collaborer à un hebdomadaire local avant de partir pour Bordeaux, puis pour Marseille, où il fit la connaissance de l’écrivain Jean Lorrain, alors une « locomotive » de la vie parisienne et qui l’entraîna dans la capitale. C’est là qu’il devint vite célèbre sous le pseudonyme de Sem, choisi à l’exemple du comte de Noé qui signait Cham ses dessins du Monde illustré. Sem occupa donc la place difficile de chroniqueur attitré du Tout-Paris de 1900 ; il collabora régulièrement au Figaro et à La Vedette, journal de Marseille. On le rencontrait là où se regroupaient les personnalités mondaines de cette époque : chez Maxim’s, à Longchamp, à Deauville, dans les cercles et les casinos, son carnet de croquis à la main. Dès que les journalistes furent admis dans la zone des armées, en 1915, Sem fut l’un des premiers à partir. Il ramena du front des articles illustrés, plus tard réunis en deux volumes. Dans le délire patriotique alors obligé, Sem sut garder le ton de pudeur qui convenait pour rendre hommage aux « statues de boue » — les soldats des tranchées — ou à la cathédrale de Reims. Sa tombe, pour un artiste de cette importance, est bien oubliée désormais.
Le philanthrope néerlandais Albert STOCKER, collectionneur d’art et ami des animaux qui laissa une somme considérable à la WWF.
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Le cimetière de l’Ouest
Plus petit que le précédent, on a très vite fait, en le balayant du regard, de constater que le seul tombeau digne d’intérêt est immédiatement sur la gauche à l’entrée : il s’agit de la tombe de cinq maires de Perigueux à des dates diverses (de 1593 à 1877) qui furent rassemblés sous un énigmatique gisant en blouse et pied nu en chaussettes (le fait est assez rare pour qu’il puisse être signalé).
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Le cimetière Saint-Georges
C’est un cimetière assez vaste, dont les allées rectilignes sont veuves de toute végétation. On peine à trouver la moindre originalité dans les monuments.
La tombe du lieutenant-aviateur Fernand Briault : elle est surmontée d’un aigle aux aîles déployées et est ornée d’un beau médaillon en bronze de Robert Delandre. Un article, paru dans le Sud Ouest du 30 décembre 2011, nous en apprend un peu plus : D’où vient ce grand aigle en bronze posé sur la tombe d’un aviateur et qui semble prêt à s’envoler au-dessus du cimetière Saint-Georges, de Périgueux ? Qui était ce pilote qui aujourd’hui semble n’avoir aucun descendant périgourdin ? Le mystère vient d’être levé sur cette tombe imposante et sur l’histoire de ce lieutenant Briault. C’est le résultat de longs mois de recherches effectuées par Claude Gallay, de la société historique et archéologique de Chelles, en Seine-et-Marne, d’où était originaire Briault.
Militaire en service commandé, Fernand Briault s’envole de Saint-Cyr le 26 novembre 1913 avec son mécanicien Emmanuel Brouillard. L’avion s’écrase près de Chantemerle, dans le département de la Marne, et prend feu. Le pilote et son passager meurent dans l’accident.
Un monument patriotique
C’est à Chelles, sa ville d’origine, que le lieutenant Briault est dans un premier temps inhumé. « À sa mort, à l’âge de 32 ans, il est devenu un héros local », explique Claude Gallay qui a retrouvé de nombreuses coupures de presse d’époque. Sa tombe avec l’aigle en bronze est censée devenir un monument aux morts. « À quelques mois du début de la Première Guerre mondiale, un aviateur qui se tue, ça marque les esprits », assure l’auteur des recherches. « La guerre de 1870 était à cette époque encore dans les mémoires. La municipalité a voulu faire de la tombe du lieutenant Briault un monument pour les cérémonies patriotiques. » Une collecte se met ainsi en place pour financer l’aigle de bronze. Pour l’anecdote, c’est le fameux chocolatier Meunier qui est à la tête du comité. Une somme de 4 000 francs est réunie. L’artiste Delandre, dont on voit la signature lorsque l’on s’arrête devant la tombe du cimetière Saint-Georges, est retenu pour créer l’aigle.
Comment la tombe arrive-t-elle en Dordogne ? Par la volonté de la veuve du lieutenant Briault, Rose Teyssou, originaire de Terrasson. Après la Première Guerre mondiale, remariée, elle décide de revenir sur sa terre natale et s’installe à Périgueux. Mais elle refuse de se séparer de la sépulture de Fernand Briault. Dans son déménagement, elle décide de la faire suivre ! En 1924, elle obtient le déplacement de celle-ci, au grand dam des habitants de Chelles qui voient partir celui qui était devenu leur héros local. « À sa mort en 1948, Rose Teyssou a été enterrée dans cette tombe, ainsi que son second mari, René Douailly. Veuf d’un premier mariage, il a aussi fait venir la sépulture de sa première femme. La tombe de l’aviateur à Saint-Georges abrite ainsi la dépouille de ces quatre personnes », constate Claude Gallay.
L’historien amateur a retrouvé des descendants de la famille Briault installés en région parisienne. En revanche, il semble qu’il n’y ait plus aucune branche périgourdine liée à l’aviateur et son épouse.
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