BASSE-TERRE (971) : Fort Delgrès
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Le fort Delgrès, anciennement fort Saint-Charles, est un fort français qui domine la ville de Basse-Terre en Guadeloupe. Il fut un haut lieu de la lutte franco-anglaise dans les Antilles puis de celle des Guadeloupéens conduits par l’officier mulâtre et résistant Louis Delgrès contre le rétablissement de l’esclavage.
En 1650, Charles Houël, gouverneur puis seigneur et propriétaire de la Guadeloupe, fait construire une maison forte sur une hauteur dominant la ville de Basse-Terre, capitale de l’île à cette époque. Cet édifice est un lieu sécurisé mais surtout le symbole de son pouvoir sur la population. Il porte alors le nom de fort Saint-Charles. Dès son inauguration, il est régulièrement la cible des attaques anglaises, alors le grand concurrent des Français dans les Antilles avec les Hollandais et les Espagnols. Bien qu’il soit facile à bombarder depuis la mer, il est peu à peu transformé en une véritable forteresse.
- D’un coté, le fort domine la mer des Caraïbes...
- ... de l’autre, la Soufrière perdue dans les nuages tropicaux
En 1794, durant la Révolution, Basse-Terre est occupée par les Anglais et le fort est l’enjeu de violents combats. Les Français le reprennent et y font appliquer l’abolition de l’esclavage, décrétée par la Convention nationale.
En mai 1802, Napoléon ayant rétabli la légalité de l’esclavage dans les colonies où l’abolition n’avait pas encore été appliquée en raison de résistances des planteurs, il laisse son général Richepanse [1] envahir la Guadeloupe pour y rétablir également l’esclavage, cette fois en-dehors de tout cadre légal. Le fort est alors occupé par l’armée coloniale de Louis Delgrès, en résistance contre l’assaut de Richepanse et de ses troupes venues de métropole. Cette bataille, perdue par Delgrès et ses hommes, est la dernière bataille impliquant ce fort
.
En 1904, le fort fut officiellement déclassé par les militaires. Classé monument historique en 1977, il est rebaptisé fort Delgrès en 1989 par le conseil général de la Guadeloupe en hommage au héros de l’abolition.
Le fort se situe à l’extrémité sud de la ville de Basse-Terre, contre le Galion et le bord de la mer des Caraïbes. Il domine la ville de Basse-Terre. Ses épaisses murailles de pierres surplombent la mer et offrent une vaste vision panoramique sur la mer, la ville et la montagne. Il se présente comme la plupart des forts de cette époque : logis, casemates, poudrières, et même une prison.
- La prison
- Construite au XVIIIe siècle à la place de l’ancien donjon de Charles Huel. On y enferma en 1793 les républicains extrémistes, puis en 1794 les aristocrates royalistes.
Louis DELGRÈS (1766-1802) commença sa carrière militaire en 1783 et gravit les échelons dans le cadre des batailles de la Révolution. Républicain en 1792, il combattit les Britanniques qui le firent prisonnier à deux reprises. Après la décision de Napoléon de réintroduire l’esclavage, il passa à la rébellion et dut affronter Richepanse. En 1802, il fit afficher sur les murs de Basse-Terre la proclamation À l’Univers entier, le dernier cri de l’innocence et du désespoir.
- Proclamation de 1802 reproduite sur plaque de bronze.
- Poterne du Galion
- C’est par cette sortie dérobée qu’après 12 jours de résistance face aux troupes de Richepance, les rebelles parvinrent à quitter le fort
Lui et ses troupes furent obligés de se replier au fort de Basse-Terre qu’il durent ensuite abandonner en s’échappant secrètement par la poterne du Galion (rivière), à l’arrière du fort) pour se réfugier au pied de la Soufrière à Matouba. Le 28 mai 1802, se voyant perdus, Louis Delgrès et ses 300 compagnons se suicidèrent à l’explosif dans leur refuge de l’Habitation Danglemont à Matouba, en vertu de la devise révolutionnaire « Vivre libre ou mourir ».
Si vous allez en Guadeloupe, peu de chance que vous rencontriez une commune sans une rue portant son nom. En outre, en 2008, la Région Guadeloupe a commandé 34 bustes en bronze de Louis Delgrès, dont 32 ont été offerts a chacune des communes de l’Archipel.
Evidemment, pas de tombe pour Delgrès, mais sur le site du fort se trouve un mémorial portant son nom, une œuvre mégalithique monumentale réalisée par Roger Arékian érigée lors du bicentenaire de la rébellion en 2002.
- Memorial
Une inscription en sa mémoire a été placée dans la crypte du Panthéon à Paris :
Dans l’enceinte du fort se trouve un ancien cimetière militaire, en réalité huit tombes.
Y reposent :
Le général des campagnes révolutionnaires et d’Empire Jean-Jacques AMBERT (1765-1851). Ami des généraux Hoche, Kléber, Marceau, Desaix, Moreau, Pichegru, il partagea la disgrâce des deux derniers et fut envoyé à la Guadeloupe en qualité de gouverneur. Il trouva là bas un climat de guerre civile. Destitué en 1808, parce qu’on le croyait coupable d’être resté spectateur volontaire du désordre, il s’échappa de la colonie et revint en France où il demanda à être jugé, et fut acquitté. Il fut élevé au rang de baron d’Ambert. Il fut élu en 1835 Président du Conseil Colonial de la Guadeloupe (1833-1845) et contribua efficacement à faire abolir l’esclavage à la Guadeloupe.
Le directeur d’artillerie de Marine Joseph BOURROUSSE de LAFFORE (1787-1839).
Le colonel d’infanterie René CAPPÈS (1790-1837).
Le colonel Denis DESPAGNE (1794-1840).
L’amiral Jean-Baptiste Augustin GOURBEYRE (1786-1845), qui exerça les fonctions de gouverneur de la Guyane de 1839 à 1841, puis de gouverneur de la Guadeloupe de 1841 jusqu’à sa mort (due à la typhoïde). Dans ce dernier poste, son action apaisante aurait contribué à une transition paisible des relations interraciales lors de l’abolition de l’esclavage en 1848. Son rôle dans l’organisation des secours à la suite du tremblement de terre du 8 février 1843 à la Guadeloupe lui valut d’être honoré par la construction d’une statue érigée grâce à une souscription populaire en 1848 sur une place de Pointe-à-Pitre baptisé de son nom. Son nom fut également donné à une commune de l’île en 1846.
Le directeur d’artillerie GUÉRIN (1786-1842).
Le colonel Jean-Baptiste Joseph MAILLIÉ (1786-1846).
Le général Antoine RICHEPANSE (1770-1802), actif sous le Directoire et le Consulat. C’est lui qui fut envoyé avec l’armée expéditionnaire de la Guadeloupe pour participer à l’expédition sanglante (66 % de perte dans le corps expéditionnaire) qui réussit de justesse à imposer, contre des troupes françaises locales de couleur, un rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe par voie de fait. Il mourut peu après de la fièvre jaune. En Guadeloupe, sa tombe fait polémique et elle a été mutilée en 2018. Les indépendantistes souhaitent que sa dépouille soit rapportée en métropole (personne ne se bat au portillon pour la réclamer !). Célébré longtemps comme un héros de l’Empire (son nom est gravé sous l’arc de triomphe de l’Étoile à Paris), il incarne au contraire une mémoire négative en Guadeloupe, en raison de son rôle. Trois villes possédaient une rue à son nom : Paris et Metz les ont renommées. Seul Sartrouville (78) l’a conservée. La plaque qui indiquait « Aux mânes du général en chef Richepanse, la colonie et l’armée en deuil » a été détruite. Reste, de l’autre coté « Mort à 32 ans. Mais combien n’a-t-il pas vécu pour la gloire et la patrie ! ». Le conseil général de Guadeloupe n’est pas pour déplacer son tombeau (la vision dominante est celle d’une conservation pour faire connaître et assumer l’histoire de l’île), mais en revanche de faire des recherches pour retrouver le charnier dans lequel furent inhumés Delgrès et ses compagnons pour en faire un ossuaire patrimonial.
Source : Wikipedia
[1] On trouve parfois Richepance.
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