BUCAREST (Roumanie) : cimetière Bellu (cimitirul Serban Voda)
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Le cimetière Bellu, appelé également cimetière Serban Voda, est le plus grand cimetière de Bucarest et sans aucun doute le plus beau. Alors qu’on enterrait naguère à l’intérieur des églises (il existait néanmoins quelques cimetières pour les pauvres), Bucarest décida, comme la quasi totalité des grandes métropoles à cette époque, d’édifier une vaste nécropole en dehors de la ville où l’intelligentsia prit vite ses quartiers. Il ouvrit vers 1850 sur un terrain appartenant à un ancien ministre roumain du nom de Bellu, d’où son nom. Cette enclave de 28 hectares est un paradis de verdure au sein d’une ville très polluée. L’entrée monumentale est environnée de marchands de cercueils, et on ne peut s’empêcher de sourire à la vue de cet étalage : les clichés du « pays de Dracula » restent vivaces.
- Lanterne des morts : il y en a une multitude dans ce cimetière. Durant la période de Noël, le lieu doit être un enchantement.
Passé la porte, c’est tout un monde étrange qui s’offre : plus qu’en France, le cimetière est là-bas un lieu de vie et on est étonné de voir le nombre de personnes, essentiellement des femmes, qui s’affairent. On y discute, on y nettoie les tombes ou on y entretient les lanternes aux morts (ou plus modestement de petites bougies). Des ouvriers s’y restaurent, des enfants y jouent. Des popes vont et viennent, car le cimetière est évidemment orthodoxe, même s’il est jouxté par un petit cimetière catholique. Un peu partout, des bancs invitent à la pause.
- Votre serviteur, a long time ago...
Le lieu est totalement charmant : à Bucarest, on ne connaît pas la dalle de marbre qui est la norme chez nous. L’endroit est entièrement végétal, et il faut souvent se baisser pour éviter les frondaisons, car plus qu’un cimetière boisé, c’est davantage une forêt dans laquelle se trouvent des tombes. L’aristocratie de la ville s’y est faite inhumer, faisant appel à des artistes de renom, tel Ion Micu, ou Romanelli, qui ont érigé des monuments surprenants par leur taille et leur style. Le cimetière Bellu de Bucarest est à l’évidence l’un des plus beaux cimetières d’Europe, bien qu’il soit assez peu connu.
- La femme au parapluie, qui porte une inscription des plus énigmatiques : « Cet animal de médecin m’a tuée »
A droite de la conservation, deux divisions regroupent les célébrités du pays : leurs tombes sont alignées les unes à coté des autres.
La consultation de la page wikipedia concernant le cimetière permettra à ceux qui connaissent bien la culture roumaine d’y dénicher les principaux. Parmi celles dont la notoriété a dépassé les frontières, on citera :
poète romantique - et véritable héros national - Mihai EMINESCU (1850-1899). Ses poèmes couvrent une vaste gamme de thèmes, de la nature et de l’amour à l’histoire et au commentaire social. Signe de la place emblématique qu’il occupe dans la culture roumaine et roumanophone, le roumain est couramment désigné par la périphrase « langue d’Eminescu », au même titre que, par exemple, l’allemand est « langue de Goethe », l’anglais « langue de Shakespeare ».
Ion Luca CARAGIALE (1852-1912), considéré comme le plus grand dramaturge roumain et l’un des plus grands écrivains roumains. On le considère comme le père spirituel de Ionesco.
l’écrivain roumain d’expression française Panait ISTRATI (1884-1935), surnommé le « Gorki des Balkans » par son ami Romain Rolland.
Comme dans tous les pays d’Europe orientale, la glorification des personnalités littéraires ou musicales est une marque de nationalisme exacerbé, et c’est avec joie que les Roumains vous indiquent leurs tombes. Le nez au vent, la promenade dans le cimetière peut prendre des heures pour découvrir toute la diversité monumentale des tombeaux.
- Tombeau d’une jeune communiste.
- Tombeau des époux Poroineanu, une des plus belles tombes du cimetière, énième déclinaison de la séparation du couple sur le lit de mort. La légende raconte que le couple découvrant qu’ils étaient en réalité frère et soeur, il tua son épouse puis se suicida peu après.
Il existe à l’intérieur du cimetière une enclave militaire où reposent 178 soldats de l’armée française (dont un carré réservé aux soldats musulmans) tués au cours de la Première Guerre mondiale. Un monument de pierre haut de 4,5 m, au sommet duquel est installé un coq de bronze s’y trouve également. Sur la face avant du monument se trouve un élément en bronze montrant un trophée à l’antique orné d’un casque Adrian de l’armée française et d’une branche de laurier. L’ensemble de cette enclave militaire fut restauré en 2013.
Un autre espace existe où des tombes identiques abritent les dépouilles de ceux qui tombèrent durant la révolution : on notera la jeunesse de la plupart d’entre-eux.
En face du cimetière Bellu, de l’autre coté de l’avenue, un cimetière juif demeure : envahi par les herbes folles, il est un autre témoignage d’une communauté qui fut durement touchée par l’invasion nazie. Dans chaque cimetière également, des tombes ornées qui datent de 1989, autant de « héros » pour la Nation roumaine de la révolution qui fit nombre de victimes, en particulier des jeunes.
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