MUNICH (Allemagne) : Alter Südfriedhof
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De quoi faire rêver un Parisien avec le Père Lachaise que nous prenons pour un grand ancien du haut de ses 212 ans : le vieux cimetière sud de Munich (Alter Südfriedhof) fut dressé en.. 1563 (!) sur l’ordre du duc Albrecht V pour y faire inhumer les morts de la peste. Il se situait à l’époque en dehors de la cité et fut, entre 1788 et 1868, c’est-à-dire la disparition des cimetières paroissiaux et l’apparition des nécropoles modernes, l’unique grand cimetière de la ville.
- Le cimetière en 1830.
Comme son homologue parisien, et malgré un vrai souci paysager dès sa fondation, il fut boudé au départ parce que trop éloigné du centre urbain. On y enfoui dans des fosses communes les ossements et restes des cimetières paroissiaux qui fermaient au fur-et-à-mesure. Dans la très catholique Munich, ce cimetière ouvrit également la voie à la sécularisation des nécropoles avec l’arrivée du premier protestant, inhumé en 1818.
Le roi Louis Ier accepta en 1840 l’extension du cimetière : l’architecte Friedrich von Gärtner prévu un élargissement sous la forme d’un Campo Santo, avec 175 arcs en plein cintre renouvelables. Ces arcs souffrirent terriblement des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, et malgré les réfections, les traces multiples des impacts et des destructions sont encore bien visibles.
D’une superficie de 10 hectares, il se divise en deux parties : la première, qui part de l’église St Stephen, la plus ancienne et la plus grande, à la forme d’un sarcophage. La seconde est un carré. Les deux parties sont séparées par une rue et des portes monumentales. C’est au niveau de ces portes que se trouvent une grande frise chronologique qui présente l’histoire du cimetière : elle est très intéressante, mais n’est hélas qu’en allemand.
- Originalité du plan du cimetière.
Comme les photos l’indiquent, le cimetière laisse une large place à la végétation : la densité des tombeaux est variable, mais elle est bien moindre que celle des cimetières français. La dimension paysagère n’est pas ici un vain mot, même si l’ensemble est entretenu, fleuri, et que les allées sont tracées avec précision.
La statuaire est très présente dans ce cimetière. En revanche, peu de fantaisie : le conformisme chrétien est ici de mise (comme dans toute la Bavière) et les croix, les vierges et les pleureuses christiques sont la norme.
Curiosités
L’entrée du cimetière est marqué par la présence de la Stephanskirche, qui remplaça à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle une vieille église en bois.
Quelques vieilles pierres tombales subsistent, en particulier vers l’entrée du cimetière.
Un monument commémore la résistance des paysans bavarois lors du soulèvement populaire contre l’occupation autrichienne pendant la guerre de succession d’Espagne (1701 - 1714). Celui-ci eut lieu entre 1705 et 1706 et se solda par le massacre de noël 1705 de Sendling.
Il existe dans ce cimetière un lapidarium : après avoir servi pendant des années de salle de rangement pour le matériel, cet espace, restauré en 2009, reflète l’évolution esthétique des sculptures, bustes et reliefs du XVIe siècle à nos jours. L’ancienne chapelle funéraire a été transformée en musée et contient des oeuvres des différentes époques du cimetière.
Célébrités : les incontournables...
Un très grand nombre de personnalités reposent ici et peuvent être connues en Bavière, voire en Allemagne, mais leur notoriété est faible en dehors du pays. Des sites les recensent plus ou moins exhaustivement (à commencer par la page wikipedia en allemand qui est consacré au cimetière). Comme d’habitude en pareil cas, je n’aborderai ici que celles dont la renommée est internationale (où qui mériterait de l’être en raison de l’oeuvre des défunts). Ce sont ici des scientifiques qui attireront notre attention :
L’anatomiste Theodor von BISCHOFF (1807-1882), dont les travaux permirent de connaître le fonctionnement du cycle menstruel chez la femme.
Le physicien Josef von FRAUNHOFER (1787-1826), qui malgré son jeune âge (il mourut à 39 ans d’une tuberculose !) fut l’inventeur du spectroscope avec lequel il découvrit les raies d’absorption du spectre solaire. Il utilisa les réseaux pour l’analyse de la lumière et dressa la première classification spectrale des étoiles. Sur sa stèle est gravée une lunette astronomique.
- Fraunhofer fait la démonstration du spectroscope qu’il vient de mettre au point (1814).
Le chimiste Justus von LIEBIG (1803-1873). Par son travail de chercheur mais aussi d’enseignant et de propagandiste, il fit des contributions majeures à la chimie organique et à l’agronomie. Il trouva en 1830 une méthode de dosage du carbone et de l’hydrogène dans les corps organiques et montra que les radicaux pouvaient se transporter, par réaction chimique, d’un corps dans un autre. Il a isolé le titane, découvert le chloroforme, le chloral, préparé le fulminate d’argent et les superphosphates (1840). On lui doit aussi une théorie de la fonction acide et une méthode de préparation des extraits de viande... Étrange fonctionnement de la renommée : c’est cet extrait de viande qui lui valut de ne pas être oublié : il fonda en 1865 à Londres la Liebig’s Extract of Meat Company dans le but de commercialiser cet « extrait de viande » alimentaire. Liebig était né, et rapidement son fameux « bouillon cube »... jusqu’à nos soupes en brick contemporaines !
Le physicien Georg OHM (1789-1854), qui en utilisant du matériel de sa propre invention, a découvert l’existence d’une relation de proportionnalité directe entre la différence de potentiel appliquée aux bornes d’un conducteur et le courant électrique qui le traverse, ce qu’on appelle maintenant la loi d’Ohm. Ces résultats expérimentaux lui ont permis de déterminer les relations fondamentales entre courant, tension et résistance électrique, ce qui constitue le début de l’analyse des circuits électriques. Son nom a également été donné à l’unité dérivée du système international pour la résistance, l’ohm (symbole Ω), maladroitement gravé sur sa tombe.
Aloys SENEFELDER (1771-1834) : acteur et auteur dramatique, ne trouvant pas d’éditeur pour ses pièces, il décida de les graver lui-même. Le cuivre étant trop cher, il utilisa une pierre bavaroise, tendre et lisse (dite « pierre de Solnhofen »). Il découvrit fortuitement le moyen d’attaquer la pierre avec un acide, créant ainsi une forme en très faible relief, exploitable pour l’impression. C’est ainsi qu’en cherchant un moyen pratique de transférer un texte ou un dessin inversé sur la pierre, il découvrit le principe purement chimique de la lithographie, basé sur l’antagonisme entre l’eau et les matières grasses.
Source : on trouvera sur cette page un plan grand format du cimetière avec la localisation précise de toutes les sépultures de célébrités.
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