Bis repetita sur le serpent de mer de la question des photographies au cimetière : je ne vais faire que reprendre ce que j’avais écrit sur ma page facebook à ce sujet.
La question est kafkaïenne : cela s’explique car la prise de photos dans les cimetières relève de plusieurs formes de droit qui sont obsolète (le droit funéraire) et mal balisé (comme le droit à l’information sur Internet, qui échappe en outre aux législations nationales).
1° Il faut distinguer deux choses qui n’ont rien à voir : le droit de prendre des photos et le droit de les médiatiser. En outre, on fera également une distinction entre le fait de médiatiser gratuitement (sous entendu : sans enrichissement de celui qui médiatise) ou au contraire payant (ex : dans le cas d’une parution dans un ouvrage).
2° Dans l’absolu, RIEN ne donne le droit d’empêcher de prendre une photo dans un cimetière, cela pour plusieurs raisons :
pour qu’une interdiction de prendre des photos dans les cimetières soit en théorie effective, il faut pour cela que NON seulement cette interdiction ait été ratifié par un arrêté municipal (car le droit des cimetières dépend de la commune) mais QU’EGALEMENT cette arrêté soit indiqué de manière manuscrite et claire sur les portes du cimetière.
CEPENDANT : un arrêté municipal, devant un tribunal, ne tiendra pas la route. Pourquoi ? Parce qu’il y a une hiérarchie du droit : le droit municipal est limité et borné par des règles de droits civils et pénaux OR il existe un principe du droit qui ne peut interdire une action si on ne peut clairement attesté du dommage que cette action entraîne. Devant un tribunal évidemment, le « préjudice » de la prise d’une photo est nul.
ET POURTANT : tout cela est de la théorie. En droit effectivement, prendre une photo dans un cimetière ne peut être interdit. Cependant, si vous vous retrouvez dans la configuration d’être « agressé » par quelqu’un qui n’y connaît rien au droit, et qui pense simplement « appliquer » le règlement, c’est une situation plus qu’inconfortable. Vous pourrez lui expliquer qu’aucun arrêté municipal ne peut vous interdire cela, cela ne vous empêchera pas d’être dans l’embarras si la personne est bornée et tatillonne. MORALITE : pour éviter ce genre de désagrément, en dehors des petits cimetières ruraux isolés, soyez très discret (n’affichez pas vos gros zooms, ne tendez pas non plus le fouet en allant poser vos questions de localisation avec votre appareil en évidence). Certains cimetières sont connus pour être hyper chiants : Versailles, Bordeaux, Lyon, Toulon –le pompon - , Grenoble…
Pour un cas comme le Père Lachaise, et les grands cimetières urbains, mitraillés à tout va, la norme est que les photos sont interdites sans autorisation quand on utilise du matériel perfectionné (un pied !), sous entendu : photo artistique. Là encore, ce n’est pas une loi mais un usage. L’argument « d’interdiction de prendre des photos » ne tient pas une seconde la route face au bon sens. Au nom de quoi l’interdiriez-vous ? Respect de la propriété, du « droit des morts » : des balivernes
3° La médiatisation maintenant : cela devient très compliqué. Inutile de vous dire que j’ai été confronté au problème. A vrai dire, j’ai même différé mon site de deux ans à cause des tracas que je me posais.
contrairement à ce qui est écrit, une tombe n’est pas une PROPRIETE privée, mais une CONCESSION privée, et cela change tout, car cela ne dépend pas du même domaine du droit. On peut interdire des choses quant à la propriété que l’on ne peut pas faire concernant la concession, et les tombes en relèvent.
Médiatiser des photos à titre gratuit (comme c’est le cas sur mon site) : cela relève d’une permissivité qui n’est pas exempte de problèmes. Quand Thierry le Roy (sur la page facebook) écrit « je vois mal les descendants de telle ou telle célébrités porter plainte ! », il a tort : nous sommes dans une société devenue très procédurières où certaines personnes sans grand principes moraux croient pouvoir (et recherchent) par tous les moyens « faire de l’argent ». Depuis 9 ans que je tiens mon site, j’ai eu des « problèmes » avec une quantité infime de familles (5 pour être précis), là où au contraire beaucoup de descendants ou de familles m’écrivent pour me remercier. Dans l’absolu, pour être totalement en règle, il faudrait obtenir une autorisation manuscrite de TOUS les descendants (il suffit qu’un seul…), ce qui est évidemment IMPOSSIBLE. De là, vous avez deux solutions : soit vous ne voulez aucun pb (et vous ne faites rien) : aucun site sur rien, aucune médiatisation, bref : on érige la bêtise en principe sacré au nom d’un droit liberticide. Soit vous passez outre (ce que j’ai fait après deux années d’hésitation). Le fait que mon site soit libre d’accès rend évidemment la chose plus facile, car on ne peut m’accuser de « faire de l’argent avec ». Soyons concret : j’ai toujours fini par surmonter les difficultés par le dialogue avec les familles, mais si elles voulaient aller devant les tribunaux, elles seraient très déçues : ceux-ci sont déjà engorgés. En outre, certaines personnes regardent trop la télé . Nous ne sommes pas aux Etats-Unis : ici, les indemnités sont versées quand il y a un vrai préjudice. Celui d’une photo prise !!!... Sachez cependant une chose : le statut de « célébrité » d’une personne n’a aucun statut en droit : il n’y aura pas plus de droit sous ce prétexte (c’est même plutôt l’inverse : si beaucoup de communes « interdisent » les photos, c’est parce qu’elles pensent ainsi dégager leur responsabilité vis-à-vis des familles ne cas de médiatisation des tombes).
Reste le cas des photos médiatisés non gratuitement (sites privés, ouvrages….). Là, la situation est encore plus compliquée : outre les droits afférents aux ayant-droits d’une concession vient s’ajouter le droit à l’image dans le domaine de l’édition, qui relève donc d’un autre droit.
Commentaires