BRIDES-LES-BAINS (73) : la tombe d’Albert Lacroix

lundi 6 mai 2013
par  Philippe Landru

Cet article (et les photos qui vont avec) m’ont été envoyés par un membre de la famille d’Albert Lacroix (Baudouin Contzen). Mon site sert donc ici de courroie de transmission destinée à présenter l’une des personnalités du cimetière de Brides-les-Bains.

Né à Bruxelles le 9 octobre 1834, Albert Lacroix entre dès 1855, après des études non terminées en Philosophie et Lettres puis en Droit à l’Université libre de Bruxelles, dans la maison d’édition de son oncle François-Joseph Van Meenen qui avait acheté une imprimerie non pas pour en tirer de l’argent mais pour propager les idées libérales et démocratiques. Il y donne une impulsion nouvelle avant de fonder en avril 1861 avec quelques associés, parmi lesquels son ami Hippolyte Verboeckhoven (1827-1883), fils du peintre animalier Eugène Verboeckhoven, la maison d’édition et de librairie A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie.

Homme entreprenant, volontaire et habile, il réussit à convaincre Victor Hugo, en exil à Guernesey, de lui confier en octobre 1861 la publication des Misérables (au détriment, notamment, de Pierre-Jules Hetzel, le futur éditeur de Jules Verne, qui avait pourtant déjà publié Les Contemplations et La Légende des Siècles mais qui hésitait à avancer la somme de 240.000 francs, plus 60.000 francs pour les droits de traduction, exigée par Hugo pour la cession exclusive des droits pendant douze ans). Ce « coup éditorial » (qui coûta environ 600.000 francs à Lacroix – soit l’équivalent d’environ 1,6 millions d’Euro aujourd’hui – en tenant compte des frais d’impression et de publicité) devint un formidable succès littéraire, qui fut traduit en plusieurs langues (italien, grec, portugais, anglais,…) dès 1862, avant de devenir l’une des oeuvres les plus lues de la littérature française.

Fort de ce succès, Albert Lacroix publia ensuite plusieurs oeuvres de Victor Hugo : William Shakespeare (1864), Les Chansons des Rues et des Bois (1865), Les Travailleurs de la Mer (1866) (mais également Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie (1863) d’Adèle Hugo) avant de se brouiller avec Hugo à l’occasion de la publication de L’Homme qui rit en 1869 (qu’il voulait offrir en cadeau pour tout achat de 100 francs de livres dans son catalogue…).

Libéral, franc-maçon (membre de la Loge Les Amis Philanthropes à l’Orient de Bruxelles), entré brièvement en politique (il fut conseiller communal de la Ville de Bruxelles entre 1860 et 1869), mais également éditeur avisé, il publia de nombreuses oeuvres de Jules Michelet, Pierre-Joseph Proudhon, Edgar Quinet, Louis Blanc, Alphonse de Lamartine, Alexandre Dumas, George Sand, Edmond et Jules de Goncourt, Erckmann-Chatrian, Eugène Sue, etc. Outre Les Misérables, on citera parmi ses autres titres de gloire la publication en 1867 de La Légende d’Ulenspiegel de Charles De Coster et en 1869 Les Chants de Maldoror de Lautréamont, ainsi que les premiers ouvrages d’un auteur alors inconnu, Emile Zola, parmi lesquels Les Contes à Ninon (1864), Thérèse Raquin (1867) mais aussi, plus tard, les deux premiers tomes des Rougon-Macquart : La Fortune des Rougon (1870) et La Curée (1871). Il est alors considéré comme l’un des principaux éditeurs de l’époque, collabore avec Hetzel, publie à Bruxelles et Paris (la Librairie Internationale, au coin de la rue Vivienne et du 15 boulevard Montmartre) avec des dépôts à Leipzig et Livourne et des correspondants à Milan et Genève,… En 1864, son catalogue comptait déjà plus de 2.000 titres ; celui de 1870, plus de 2.400 !

La fortune d’Albert Lacroix connut cependant un sérieux revers avec la chute du Second Empire et la libération de l’édition française. Déjà en 1867, la publication tardive du Paris-Guide de l’Exposition Universelle de Paris et les entraves de la censure impériale ne lui permirent pas de rentrer dans ses débours. Il perdit ensuite beaucoup d’argent dans le développement d’infrastructures techniques au-delà du raisonnable dans son imprimerie de Bruxelles (d’immenses ateliers et entrepôts équipés de plusieurs ascenseurs et même d’un petit chemin de fer pour le transport des livres), puis dans des spéculations hasardeuses sur le papier et dans l’immobilier (à Saint-Enogat, près de Dinard, notamment, entre 1875 et 1894). Complètement ruiné, il décéda le 29 septembre 1903 lors d’un séjour dans les Alpes françaises à La Perrière, près de Brides-les-Bains (où il est enterré).

Par décision du conseil municipal, sa tombe, déclarée à l’abandon en 1981, a été rendue perpétuelle et gratuite en 2012.


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