SAINT-LÔ (50) : cimetière
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Le site du cimetière de Saint-Lô ne brille par aucun quelconque signe d’intérêt. Il mérite néanmoins une visite pour ses quelques personnalités, sa très belle composition sculptée de Franceschi et l’évocation, dans ce lieu même, du passé douloureux d’une ville détruite en grande partie en 1944.
Curiosités
Les corps des Victimes Civiles retrouvés sous les ruines des bombardements du 6 juin 1944 sont regroupés au cimetière de Saint-Lô.
Le monument aux morts, une statue en bronze oeuvre de Paul Cabet, n’est pas classique : cela s’explique par le fait que c’est un réemploi d’une oeuvre antérieure, un relief qu’il avait exposé en 1866 au Salon et qu’il destinait au tombeau de son épouse. Elle subit quelques dégradations lors des combats de 1944, comme l’indiquent les différents impacts visibles à sa surface.
La plus belle tombe du cimetière est une composition en bronze par Jules Franceschi (j’apporte cette information qui n’est étrangement indiquée nulle part ailleurs) d’un jeune homme de 20 ans, Louis Heulin, mort en Chine en 1860 sur la corvette La Dordogne. Il semble qu’il mourut dans un combat contre des pirates lors des campagnes de Chine et de Cochinchine de la France. Il est représenté mourant, accoudé à un canon. Cette oeuvre, avec un peu moins de finesse, n’est pas sans faire penser à la mort de Kamienski au cimetière Montmartre, du même Franceschi.
- Pour comparaison...
- ... Kamienski mourant, au cimetière de Montmartre
Dans cette ville, comme de manière générale dans le Cotentin, le catholicisme s’impose par la présence d’un grand nombre de membres du clergé. Parmi eux, on notera la présence de :
- la dépouille d’un « camérier [1] du pape Léon XIII » (Mgr Hamel).
- le chanoine et archiprêtre Quesnel, dont la tombe est ornée d’un médaillon en bronze.
Le bas-relief de la tombe art-déco de l’ancien maire Alfred Dussaux (+1916) n’est quasiment plus visible.
Le dolmen sur pleureuse de la famille d’entrepreneurs commerciaux Letenneur.
Célébrités : les incontournables...
... mais aussi
Le général Michel Jacques François ACHARD (1778-1865), qui participa dès son plus jeune âge aux guerres révolutionnaires (il fut fait prisonnier de guerre par les Anglais en 1796 !). Il se distingua dans les armées de Napoléon, puis reprit du service sous la Restauration en participant à la campagne d’Espagne, et même à la conquête de l’Algérie à partir de 1830. Baron, il fut fait sénateur en 1852. Il avait épousé la fille du général Dagobert de Fontenille (1736-1794), ce qui explique qu’il repose dans le caveau de famille des Dagobert. Si la veuve du général Dagobert repose bien ici, ce dernier fut en revanche inhumé au cimetière Saint-Martin de Perpignan (66).
Le chirurgien Alexandre BLANCHET (1819-1867), qui se fit connaître surtout par ses travaux sur les maladies de la vue, de l’oreille, et de la surdi-mutité. Nommé chirurgien en chef de l’Institution des sourds-muets, il élabora un traitement dont la musique était la base et qui a reçu l’approbation de l’Académie de médecine. En 1847, le docteur Blanchet fonda une société pour l’assistance et l’éducation des sourds-muets ainsi que des aveugles en France. Il fut inhumé dans la crypte (accessible mais obscure) d’un vaste mausolée, à l’entrée du cimetière. C’est ce mausolée que le Major Glover S. Johns Junior, Commandant le 1er bataillon du 115e régiment (29e Division US), choisit d’installer en 1944 son poste de commandement !
Le dramaturge Roger FERDINAND (1898-1967), professeur d’anglais au lycée Condorcet, qui connut un grand succès populaire dans le théâtre de Boulevard à la fin des années 1940 et durant les années 1950, en particulier avec sa pièce Les J3. Il a présidé la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) de 1946 à 1955 avant de diriger de 1955 à 1967 le Conservatoire national supérieur d’art dramatique.
Le dramaturge Octave FEUILLET (1821-1890), qui vécut à Saint- Lô sous la tutelle d’un père tyrannique. Il édita de nombreux romans dans la Revue des deux mondes, et connut son plus grand succès en 1858 avec Le Roman d’un jeune homme pauvre. Il eut les faveurs de la cour du Second Empire, et se réinstalla à Paris avec sa famille après la mort de son père. Il entra à l’Académie française en 1862 et, en 1868, devint bibliothécaire du palais de Fontainebleau. Feuillet tient le milieu entre les romantiques et les réalistes. On l’appela, non sans une pointe de mépris, le « Musset des familles ». Il repose avec son épouse (et cousine) Valérie DUBOIS-FEUILLET (1832-1906), fille d’un ancien maire de la ville de Saint-Lô et romancière elle-même. Leur tombe est une dalle tristement contemporaine.
Le maître imprimeur René JACQUELINE (1889-1957).
L’architecte (et maire de Saint-Lô) Jean-Baptiste QUEILLÉ (1819-1893).
Le peintre miniaturiste Daniel SAINT (1778-1847), considéré comme l’un des plus grands de son époque. Ancien élève de Jean-Baptiste Regnault, il réalisa de nombreux portraits de la famille Bonaparte (Joséphine, Napoléon I, ou la Reine Hortense), des souverains de la Restauration (Prince Eugène) et de la monarchie de Juillet (Charles X). Il revint à Saint-Lô en 1842 après une carrière à Paris. S’écartant de la méthode d’Isabey qui procédait par le pointillé et de celle d’Augustin qui avait recours au glacis, il employa les hachures obtenant ainsi des effets de vigueur dans les tons et de relief dans le modèle.
[1] Il est chargé du service personnel du pape.
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