ANGOULÊME (16) : cimetière de Bardines
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De tous les grands cimetières urbains français, il est l’un des plus méconnus : on ne trouve quasiment rien sur lui sur Internet. Il ouvrit ses portes en 1808, ce qui en fait un quasi contemporain du Père Lachaise, à quatre ans près.
Aucune personnalité que je traque ne semble s’y être faite inhumer.
Curiosités
Le cimetière de Bardines a un aspect défraichi qui lui donne son charme, une sorte de caractère « old school » qui a mieux survécu ici qu’ailleurs : inscriptions sur les tombes en pleins et déliés, vieilles couronnes de fleurs en céramiques ou en perles de verre et barbotines dont certaines sont encore en très bonne état de conservation...
Le cimetière a conservé un très grand nombre de tombeaux anciens, parfois totalement illisibles. Ils forment sur plusieurs divisions un amas denses de pierres anciennes et de grilles rouillées. Il est probable qu’un relevé minutieux de ce qui est la partie la plus ancienne du cimetière révèlerait des trouvailles.
C’est un cimetière très minéral (on y trouve très peu d’arbres et de végétation) où les allées se croisent perpendiculairement. Les divisions reflètent le façadisme : en bordure d’allées, des chapelles familiales souvent étroites, témoignent des notabilités militaires, commerçantes et artisanales de la ville. A l’intérieur des divisions, le petit peuple se partage l’espace. Bardines témoigne, comme c’est le cas dans d’autres communes de province, du conservatisme tant politique que religieux : ici, on aime l’ordre et la respectabilité, loin des sursauts révolutionnaires de la capitale !
- Prototype des tombes les plus classiques à Bardines
- Chapelle à enfeux à 4 ou 6 emplacements, les plaques présentant les identités, souvent surmontées par un crucifix ou une couronne.
- Un accès à l’eau qui s’intègre parfaitement dans le paysage !
Le cimetière possède un carré militaire. S’y trouve un monument aux morts, érigé à l’initiative du général Philebert, délégué général du Souvenir français, et qui fut inauguré le 9 juin 1901, ainsi qu’en témoigne une plaque gravée qui porte également la signature « sculpteurs Verlet et Truffot » et une palme en bronze.
On y trouve également un carré israélite contenant les tombes d’un grand nombre de réfugiés de l’Est de la France, venus dans le Sud-Ouest pour fuir la France occupée par les Allemands, et morts -souvent de privations- dans les années 40. Un cénotaphe commémoratif fut ajouté en 2014.
- Une des victimes de l’explosion de la poudrerie de Saint-Chamas, dans les Bouches-du-Rhône, qui fit en 1936 53 morts et près de 100 blessés. Ce fut de fait, après la catastrophe de Courrières, la catastrophe industrielle la plus importante en France au XXe siècle.
Une dizaine d’anciennes chapelles reprises a été réaménagé en columbariums.
- Médaillon de l’abbé Blanchet
- Chapelle des négociants en Cognac Croizet-Eymard
Célébrités : les incontournables...
Aucune à ma connaissance.
Est-ce en ce lieu que repose le dessinateur, peintre et sculpteur de films d’animations René Laloux (1929-2004), auteur de la Planète sauvage et créateur d’Ernest le vampire ? Il se trouve dans l’un des cimetières d’Angoulême. Si un taphophile local à des informations, je suis preneur.
Vous trouverez ici plusieurs « Marcel Petiot », mais aucun n’est évidemment le célèbre criminel !
... mais aussi
L’imposant monument de la famille ALBERT, qui hésite entre le néo roman et le néogothique, abrite les dépouilles de Jean-Baptiste François (1759-1837) et de son fils Philippe (1788-1868), tous deux députés de Charente, le premier de 1815 à 1824, le second de 1830 à 1831, de 1834 à 1842 puis de 1846 à 1848.
Le sculpteur et ornemaniste Léon BALEYRE (1812-1873), qui participa à la restauration des tombeaux de Saint-Denis au milieu du XIXe siècle.
Henri COUDREAU (1859-1899), qui explora la Guyane, qu’il cartographia, et des affluents de l’Amazone.
Sic Transit ! Le mausolée imposant de Charles HORRIC de BEAUCAIRE (1854-1913), qui fut diplomate à Copenhague, et sur lequel est gravée l’impressionnante collection des décorations internationales qu’il reçut, abrite un personnage dont plus grand chose ne subsiste de la renommée !
La famille LAROCHE-JOUBERT [1] possède plusieurs tombeaux dans ce cimetière. Grande famille de papetiers d’Angoulême, on trouve ici la présence de :
- Jean-Edmond (1820-1884), qui développa considérablement la fabrique familiale et dont le dynamisme contribua à faire de la Charente un des premiers département papetiers français, tant par la qualité que par la quantité. Il fut en outre, de 1868 à sa mort, député bonapartiste de la Charente.
- Edgard (son fils : 1843-1913), qui remplaça son père tant à la tête de l’entreprise qu’à la députation (il fut député conservateur du département de 1884 à 1906).
- Edmond (1879-1958), fils du précédent, qui fut député de 1924 à 1928. Il était le grand-père de Patrick, époux en première noce du grand reporter Martine Laroche-Joubert, et père de la productrice de télévision Alexia Laroche-Joubert.
Le général Antoine-Louis LIÉDOT repose sous un monument offert par la ville. Il servit en Algérie de 1832 à 1842 et y fut blessé. Il participa à la guerre de Crimée, puis à la campagne d’Italie. Général de brigade en 1868, il combattit lors de la guerre franco-allemande de 1870 et fut tué à la bataille de Sedan, le 2 décembre 1870.
Jean MARROT (1821-1893) : avocat à Angoulême, maire d’Angoulême de 1870 à 1874, préfet de la Corrèze en 1877, il fut député de la Charente de 1881 à 1885, siégeant à gauche.
Le général Jacquelin MARTIN de BOURGON (1794-1848), qui fut mortellement blessé en juin 1848 en s’élançant à l’assaut des barricades dressées par les ouvriers. Son épitaphe proclame qu’il mourut « pour la défense de l’ordre social et des libertés publiques dans les fatales journées de juin 1848 » !
Le peintre et sculpteur René PAJOT (1885-1966), qui repose sous un buste dont il fut l’auteur et qui représente son beau-père, le musicien Léopold TEMPVIRÉ (1847-1925), fondateur de l’école nationale de musique d’Angoulême, et qui repose également dans ce tombeau. Dans le socle du monument se trouvent une équerre et un marteau.
Le banquier Robert PAUWELS (+1933), qui fut le premier époux de Lucie Valore, qui épousa par la suite Maurice Utrillo. Les parents de Lucie Valore (Lucien et Catherine Veau) reposent également dans ce caveau.
L’officier d’artillerie Joseph Odillon PUEL (1846-1911), qui était par sa mère le petit-fils du roi Christian VIII de Danemark, et qui fut dans sa jeunesse le protégé du général prussien Helmuth Karl Bernhard von Moltke.
L’industriel Lazare WEILLER (1858-1928), issu d’une famille juive alsacienne, qui fut député (1914-1919) puis sénateur (1920-1928) du Bas-Rhin. Il fut un inventeur et un pionnier dans plusieurs domaines (téléphonie, aviation…). Il repose auprès de sa première épouse, sa cousine Marie-Marguerite Jeanne Weiller, qui mourut en couches, et pour laquelle il avait fait ériger dans ce cimetière une chapelle dans lequel se trouve un audacieux par Raoul Verlet qui choqua les esprits pudibonds de son temps : un couple de jeunes gens enlacés comme après l’amour dans des draps froissés. Il était le grand-père de l’épouse du Grand-Duc du Luxembourg.
[1] Ce double-patronyme est issu du mariage en 1807 à La Couronne (Charente) de Jean Baptiste Laroche dit Bel Air, papetier, avec Marie Joubert.
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