LISBONNE (Portugal) : monastère de Batalha
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Je suis allé visiter le monastère de Batalha en 1996, époque où l’argentique était encore de mise. Plutôt que de scanner mes vieilles photos, j’utiliserai donc celle de l’ami Nicolas Badin.
Le monastère de Santa Maria da Vitória, plus connu sous le nom de monastère de Batalha, fut édifié pour commémorer la victoire des Portugais sur les Castillans à la bataille d’Aljubarrota en 1385. Il fut pendant deux siècles le grand chantier de la monarchie portugaise où se développa un style gothique national original, profondément influencé par l’art manuélin, dont le cloître royal, véritable chef-d’œuvre, est l’illustration parfaite. Le monument a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
En 1386, Jean Ier de Portugal, vainqueur d’Aljubarrota, lança la construction d’un monastère, en remerciement à la Vierge Marie. L’ensemble rappelle celui du monastère d’Alcobaça. La chapelle du Fondateur, chapelle funéraire, fut ajoutée par le roi Jean Ier et devint par la suite le Panthéon de sa dynastie, les Aviz. Quant à la Rotonde funéraire, communément désignée par le nom de Chapelles Imparfaites, elle est de l’initiative du roi Duarte Ier de Portugal. Le monastère fut restauré au XIXe siècle
- Le roi Duarte est le seul à reposer dans les chapelles imparfaites : tous les autres le sont dans la chapelle du fondateur.
- Vue toujours photogénique des chapelles imparfaites, un des clichés de Lisbonne.
A l’entrée du monastère se trouve la sépulture de Mateus Fernandes, architecte du monastère (+1515).
Y reposent :
João I (1358-1433), fils illégitime de Pierre Ier et grand maître de l’Ordre d’Aviz, il prit le pouvoir dans un pays instable politiquement et devint le premier roi de la maison d’Aviz. Il effectua le plus long règne de toute l’histoire du Portugal (de 1385 à sa mort), principalement marqué par la Conquête de Ceuta et par les nombreuses découvertes initiées par son fils Henri le Navigateur. Il repose avec son épouse Philippa de Lancastre (1359-1415). Commencé en 1426, ce tombeau représente la première expérience au Portugal d’un tombeau conjugal. Joao Ier est représenté portant son armure complète, une autre innovation du modèle des gisants médiévaux portugais.
L’infant Pedro de Portugal (1392-1449), leur fils. Régent de Portugal entre 1439 et 1448, il est connu pour ses nombreux voyages à l’étranger, qui lui valurent le surnom d’Infant des Sept parties du Monde.
L’infant Henrique o Navegador (1394-1460), frère du précédent, souvent considéré comme le symbole des grandes découvertes et la figure la plus importante du début de l’expansion coloniale européenne. L’historiographie actuelle réévalue le rôle de son frère Pedro dans ces découvertes. Lui-même n’a jamais vraiment navigué et n’a donc fait aucune découverte géographique. Son rôle dans ce domaine s’est uniquement limité à du mécénat. L’épithète de « navigateur » qui lui a été attribuée est donc purement honorifique. Il ne s’est jamais marié et n’a pas eu de descendance. S’il a clairement et sans doute à tort éclipsé la figure de son frère ainé, il n’en est pas moins vrai que de tous membres des familles royales portugaises, il est sans aucun doute le plus fameux alors qu’il ne régna jamais lui-même. Il incarne les débuts de l’âge d’or de la civilisation portugaise, mis en avant par la suite par le nationalisme lusitanien, et il existe sans doute au Portugal autant de rues qui portent son nom que de rues du général de Gaulle en France ! Tous les touristes le connaissent car il est la figure de proue du fameux Padrao dos descobrimentos près de la tour de Belém.
Il est d’ailleurs le seul membre d’une famille royale portugaise a posséder un des six cénotaphes du Panthéon national de Lisbonne.
L’infant João de Portugal (1400-1442), frère des deux précédents, et son épouse (et nièce) Isabelle de Bragance (1402-1465).
L’infant Fernando de Portugal (1402-1443), frère des trois précédents. Il batailla en terre africaine. À la mort de son père, il défendit auprès de son frère l’idée de nouvelle croisade en terre musulmane. Édouard Ier finit par céder et le Portugal décida d’envahir Tanger. Fernando fut alors fait prisonnier et servit de monnaie d’échange contre la restitution aux Arabes de Ceuta. Malgré les négociations, Ferdinand mourut en captivité à Fez après quinze mois de détention. Le gouverneur de Tanger le fit suspendre aux murailles de la ville. Ses serviteurs recueillirent son cœur et ses entrailles qui sont conservées à Batalha. Il fut par la suite béatifié.
Duarte Ier (1391-1438), fils aîné de João Ier, et donc frère aîné des quatre précédents, était épris de culture. Il écrivit des livres de poésie, sur la chasse et aussi un traité politique Le conseiller loyal. Son règne, entre 1433 et 1438, se révéla être un désastre après l’échec de l’attaque contre le Maroc qui conduisit à la promesse de livrer Ceuta aux maures et la mort de son frère en captivité. Son règne fut néanmoins marqué par le dépassement du Cap Bojador. Il mourut de la peste en 1438. C’est lui qui en 1437 commanda la réalisation des chapelles dites imparfaites pour lui et sa descendance, mais il y repose seul avec son épouse la reine Leonor d’Aragon (1402-1445).
Afonso V (1432-1481), roi de 1438 à 1481, second fils d’Édouard Ier, il n’avait que six ans lorsqu’il accéda au trône. La régence fut donc assurée par son oncle Pierre de Portugal, duc de Coimbra, qu’il limogea quelque temps après son arrivée au pouvoir. Son règne dut principalement marqué par la découverte du Cap-Vert, de l’Île de Gorée, de Madère et des Açores et par la prise d’Asilah et de Tanger. Il réclama également la couronne de Castille mais y renonça par le traité d’Alcáçovas. Il repose avec son épouse Isabelle de Coimbra (1432-1455).
João II (1455-1495), roi de 1481 à 1495, fils du précédent. Son règne fut principalement marqué par la découverte de l’embouchure du Congo, la croisade du Cap de Bonne-Espérance, la colonisation de Sao Tomé-et-Principe et la signature du traité de Tordesillas. Il fut enterré dans la cathédrale de Silves mais ses restes furent exhumés en 1499 et transférés dans son lieu de sépulture actuel. Il mourut sans descendance mâle légitime et fut le dernier roi de la dynastie Aviz.
L’infant Afonso (1475-1491), unique descendant mâle légitime du précédent dont la mort, à la suite d’une chute de cheval, mit fin aux espoirs des Aviz.
Depuis 1924, la salle du chapitre renferme la tombe du soldat inconnu qui contient le corps de deux jeunes soldats Portugais qui furent apportés de deux pays différents : en 1921, le corps d’un soldat inconnu, mort au cours de la Première Guerre mondiale, fut rapporté de France. On trouve dans cette salle Le Christ des Tranchées, seul vestige intact d’un calvaire situé à Neuve-Chapelle qui fut donné par la France au Portugal en 1958. Un second corps de soldat inconnu fut ramené du Mozambique. La « Flamme de la Patrie » brûle continuellement grâce à de l’huile votive venant d’oliviers portugais. Des militaires assurent une garde permanente.
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