LA PUSH (Washington) : cimetière Quileute
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Une fois n’est pas coutume, petite incursion dans le monde des vampires et des loups-garous, histoire, un tantinet, de démystifier le phénomène cinématographique du moment : Twilight.
Pour ceux qui auraient vécu en dehors de tout média durant ces derniers mois, Twilight est une saga romanesque écrite par Stéphanie Meyer, femme au foyer mormone s’ennuyant assez pour prendre la plume. La parution du tome 1 ayant été un énorme succès, plusieurs petits suivirent. Le cinéma s’en empara : deux volets ont déjà été tournés et le troisième sortira l’an prochain.
L’histoire : un énième récit de vampire tournant autour de la relation d’une humaine, Bella Swan, et d’un vampire, Edward Cullen. Tous deux aimeraient fortement copuler, mais une saillie risquant d’être fatale pour la chétive humaine, le vampire se sacrifie et l’abandonne en plan… à la merci de la séduction d’un jeune indien Quileute qui n’est autre, comme tous ceux de sa tribu, qu’un loup-garou… Vous suivez donc ?
Bref, c’est Roméo et Juliette chez Dracula. Tout est formaté pour les adolescent(e)s gentiment gothiques : la beauté ténébreuse du jeune vampire (son âge est à trois chiffres tout de même) ayant fait de Robert Patison, acteur interprétant le rôle, le nouveau chéri de ces demoiselles ; le masochisme sexuel omniprésent (on veut du cul, mais on peut pas, alors on va courir à la vitesse du TGV dans la forêt) ; le mal-être de la jeune fille incomprise.... Présenté ainsi, je me doute que je ne vais pas me faire que des amis. Bref, si la saga surfe sur le vampire « new age » (même pas peur des crucifix, même pas peur de l’ail…) initié par Anne Rice, il n’en a ni l’originalité, ni les trouvailles subtiles.
L’action de Twilight, et c’est là sans-doute sa seule originalité, a pour cadre la péninsule Olympique, dans l’état de Washington, là où les Etats-Unis annoncent déjà le Canada. Et pourquoi là bas ? Parce qu’il y pleut tout le temps, qu’il n’y a pas de soleil (les vampires de Stephenie Meyer ne meurent pas au soleil, mais ça les fait briller, et donc repérer). En raison du climat, la forêt primaire règne, ajoutant à l’obscurité générale… Et la forêt fournit du gibier à notre famille de gentils vampires qui se sont amendés, et qui vont saigner les biches plutôt que les humains (que les méchants lecteurs se rassurent : il y a aussi des méchants vampires qui n’ont pas tant d’égards).
Deux villages forment l’épicentre de ce récit : Forks et La Push (on prononce « la pouche » : c’est plein de légèreté) ! La première est un bourg sans histoire, la seconde une réserve indienne en bord de mer, où les habitants font sécher le poisson. C’est là que ça se complique : si les vampires ont droit de cité à Forks, La Push leur est interdit en vertu d’un ancien traité car c’est là que vivent les Quileutes, les fameux indiens loups-garous ! Bref, on se demande encore comment les simples humains arrivent à survivre en étant en plus au courant de rien, les niais… Quand elle a choisit les lieux, Stephenie Meyer ne s’y était jamais rendu… Alors c’est dire que ces deux bleds, qui vivaient tranquillement au rythme de la crise et des expropriations, a senti le filon… Et c’est à ce voyage que je vous convie aujourd’hui, car figurez vous que je me suis promené dans ces contrées. A l’époque, je ne connaissais vaguement que l’affiche du film. Et c’est là, devant tant d’ironie devant ce « chef d’œuvre », que les amateurs inconditionnels de la saga vont me maudire : c’est là bas, à quelques kilomètres de la maison des Cullen, que j’ai vu le film… C’est vraiment donner de la confiture aux cochons !
Alors, entre mythes et réalité, petit reportage sur les riantes contrées de Twilight. Pour ceux qui ne connaissent ni le roman, ni le film, vous pouvez aller directement à la dernière partie de l’article !
Forks tout d’abord ! Alors là, c’est étonnant comme le cinéma fait des merveilles. Non pas qu’il nous montre une jolie bourgade croquignolette, mais enfin… Le lycée, limite « fac » dans le film, est un vilain petit établissement (seul les extérieurs ont été filmés, les intérieurs ont été réalisés en studio). Forks est un village insipide comme il y en a tant aux Etats-Unis : une rue aligne quelques rares magasins, son supermarché, sa pizzeria, son burger, ses motels… Bref, on se demande vraiment comment des vampires cultivés et centenaires ne mourraient pas d’ennui et de neurasthénie dans un monde pareil ! Il faut dire que Forks est au milieu de Nowhere : la ville la plus proche, Seattle, est à bien des miles de cela… L’Amérique profonde dira-t-on, celle qui est frappée par la crise. Autour de ce « bourg-rue », des résidences dortoirs comme il y en a partout aux US.
Evidemment, le village vit depuis plus d’un an à l’heure Twilight : on mange, on dort, on boit Twilight. Dès l’arrivée dans la bourgade, des panneaux indiquent la couleur ! On pénètre dans Forks par l’officine du shérif (il doit être constamment importuné dans la mesure où c’est le métier du père de l’héroïne). Devant l’office de tourisme, la Chevrolet rouge de la jeune fille (en fait, c’est « une » Chevrolet rouge, pas celle du film). L’office de tourisme propose évidemment des circuits « Twilight » : la maison de Bella (parmi d’autres maisons assez semblables), le lycée, l’hôpital ou travaille le père Cullen, et clou de la visite : la maison Cullen ! Alors là, les amateurs vont être déçu : si dans le film elle apparaît telle une propriété aux lignes modernes perdue au plus profond de la forêt, il s’agit en réalité d’un Bed & Breakfast en plein milieu de la ville. Magie du cinéma…
Les motels de la ville ont senti l’opportunité : tous y déclinent le thème. Alors si vous voulez une chambre « Edouard » ou une chambre « Bella » pour évidemment plus cher seulement, vous aurez une chambre standard avec en plus un poster de Robert Patison et des abats jours « romantiques ». On ne saurait les blâmer : tant qu’il y aura des gogos ! D’autres motels jouent une autre carte, mi marketing / mi agacé, mais sacrément plus drôle du genre « ici, Edward Cullen n’a pas dormi » !
Et puis il y a « The » boutique : en plein cœur de Forks, les industriels du cinéma n’ont pas manqué d’installé une boutique (sombre et gothique, évidemment) vendant les produits dérivés du livre et du film. Une petite photo avec Edward ? Un porte-clé Bella ? Du chocolat Jacob ?
Prenons maintenant la direction de La Push… Evidemment, on traverse des paysages aperçus dans le film, en particularité la forêt. Arrivée à La Push, c’est rebelote : un panneau indique le plus sérieusement du monde la frontière entre le monde des vampires et celui des loups-garous. Une épicerie met à disposition, en tête de gondole, des gousses d’ail « arme anti-Cullen ». Bref, si vous êtes un vampire, vous n’êtes pas le bienvenu. La réalité rattrape pourtant le touriste : dans le film comme dans la vraie vie, La Push est une réserve indienne, celle des Quileutes. Et dans la vraie vie, les Indiens, c’est souvent pauvre. De fait, le village, bien plus petit que Forks, offre un paysage de quelques maisons souvent faméliques et de caravanes. A l’extérieur, les Indiens font invariablement sécher le poisson. Quelques maisons affichent des messages peu encourageants (du genre « go home »). On ne sait si c’est le fait d’avoir été catalogué comme des loups garous ou l’afflux de touristes qui les font réagir ainsi. Mais La Push a un atout : un littoral que je vous laisse découvrir, très photogénique, surtout le soir : sur la plage, des troncs rapportés par les flots sont venus mourir, réserve de bois flotté typique de l’état de Washington. Dans le roman et dans le film, La Push est la « base de loisirs » de la jeunesse oisive de Forks, qui vient y faire de la planche. On imagine qu’en cas de vent, ce doit être effectivement le sport national !
J’en imagine déjà certains qui doivent se dire : mais quel rapport avec son site ? Pourquoi ce triste-sire passe tant de temps sur un film qu’il n’a apparemment pas aimé ? J’y arrive : la visite de cette zone (qui n’était que de passage à l’origine) m’a permis de visiter un vrai cimetière Quileute (je sens les frissons des amateurs de films d’horreur –dont je suis- qui savent tous que les anciens cimetières indiens, y a mieux pour construire son home-sweet-home si on veut pas retrouver son salon envahi de poltergeists, démons biscornus ou chiots revenus d’outre-tombe prêt à dévorer toute la petite famille) !
Il règne dans le cimetière Quileute de La Push une ambiance sereine pourtant : si les tombes les plus anciennes sont matérialisés par des stèles, les plus récentes sont généralement de simples tas de terre surmontés d’une croix et d’une infinité de babioles rappelant le souvenir du défunt.
Une bonne partie du cimetière, sans doute la plus vieille, est recouverte par les herbes qui dissimulent les tombes. Fait marquant et classique dans tous les Etats-Unis : l’attachement patriotique au drapeau américain (après-tout, ne sont-ils pas les natives de la première puissance économique du monde ?). Autre indice alarmant, celui d’une espérance de vie inférieure à la moyenne : beaucoup de tombes de personnes jeunes, voire d’enfants.
Beaucoup de militaires également, l’armée étant aux Etats-Unis un moyen d’ascension sociale pour des populations qui restent majoritairement marginalisées. L’acculturation des Quileutes, outre le drapeau, se singularise par le grand nombre de témoignages d’attachement au christianisme : les croix, mais aussi les chapelets déposés en grand nombre.
Quand à l’« indianité » des résidents, elle se signale par quelques signes finalement assez discrets : quelques dreamcatchers, quelques pétroglyphes, et même un petit totem.
Alors évidemment, la question se pose : a-t-il rencontré vampires ou plutôt loups-garous dans le cimetière Quileute ? Bah vous n’avez qu’à aller au cinéma pour le savoir…
Merci à Marie pour le complément de photos.
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