Le cimetière musulman de l’île Sainte-Marguerite (06)
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L’image est insolite. Des hommes en djellaba se chauffent au soleil dans une cour du fort de l’île Sainte-Marguerite entourée de hauts murs. Les femmes et les enfants sont à l’intérieur des baraquements. Venus d’Alger, ce sont des prisonniers de la guerre de conquête de l’Algérie.
Selon l’historien Xavier Yacono, entre juin et juillet 1843, 49 hommes, 113 femmes, 89 enfants et 39 domestiques ont été débarqués sur l’île, escortés d’un contingent de soldats. Ils constituent la smala de l’émir Abd El-Kader. Un chef de guerre qui a résisté longtemps à l’armée coloniale française. Ses trois épouses, ses deux fils, sa famille, ses proches et ses subordonnés ont vécu plusieurs années dans la prison du fort.
« Il y avait aussi des mamelouks égyptiens et des insurgés criminels algériens, environ 350 personnes en tout » précise Jacques Murisasco, président de l’Association de défense du patrimoine historique de l’île.
Beaucoup de ces prisonniers sont morts sur l’île, notamment les enfants car les conditions de vie étaient particulièrement difficiles : « Au début, ils étaient à l’intérieur du fort, à vingt par cellule. Ils ne sortaient pas et dormaient sur des paillasses. Il y avait beaucoup de maladies à cause de l’eau qui venait des gouttières et était stockée dans des citernes. »
En 1842, alertées par un médecin, les autorités ont amélioré leur sort. « Un mur de 5,60 m de haut a été construit autour de la cour pour les laisser sortir. Et ils pouvaient prendre l’eau du puits » raconte encore Jacques Murisasco.
Le cimetière musulman de l’île témoigne encore aujourd’hui de cette partie méconnue de l’histoire de l’île.
Ce carré de sous-bois cacherait environ 600 corps de prisonniers musulmans décédés au fil du temps. Les tombes sont reconnaissables encore aujourd’hui au cercle de pierres qui les entoure. Mais, selon Jacques Murisasco, il y en a des fausses et des vraies : « Le cimetière a été refait en 1979 par l’ONF. Ils ont déplacé les pierres de la plupart des tombes. Les vraies, une dizaine, sont celles dont le cercle est rempli de pierres. C’est la tradition chez les Algériens. Ils protégeaient ainsi les corps de l’appétit des charognards ».
Autre curiosité, la stèle patriotique à la mémoire des soldats morts pour la France qui trône dans le cimetière musulman : « Il n’y a aucun soldat ayant combattu pour la France ici. Et pourtant, les anciens combattants viennent tous les ans déposer deux gerbes » ironise jacques Murisasco.
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