GENTILLY (94) : cimetière
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Rendons à Gentilly ce qui n’appartient pas au XIIIe arrondissement ! Il est vrai que si l’essentiel du cimetière se trouve sur la commune de Paris, et que bon nombre des anciens résidents du boulevard Kellerman y reposent de nos jours, c’est bien à la commune de Gentilly qu’appartient ce cimetière communal.
Enclavé entre les boulevards des maréchaux et le mythique stade Charlety, le cimetière de Gentilly offre le paysage connu –mais toujours surprenant- des nécropoles périphériques : celui de la dialectique d’un vieux cimetière de banlieue, qui garde parfois des traits villageois, et des tours modernes qui l’environnent. Il est tout en grimpette vers le plateau, partie moderne du cimetière, qui s’étale sur fond de stade.
C’est un euphémisme que de dire qu’il n’est pas le plus visité des cimetières « parisiens », même si on y trouve quelques monuments aptes à contenter le dénicheur de curiosités.
Curiosités
Le tombeau collectif de quatre des 35 fusillés de la cascade du bois de Boulogne, le 16 août 1944.
Gentilly fait partie de la « ceinture rouge » de la banlieue parisienne : un espace regroupe plusieurs tombes de maires communistes et de résistants locaux.
La tombe du général Léon Bouchez (1856-1940), reproduisant une assez longue citation de Pétain.
Le cimetière possède les sépultures des familles Herriot (46ème division) et Millerand (2ème division) mais les plus connus sont ailleurs : Edouard Herriot au cimetière de Loyasse de Lyon et Alexandre Millerand au cimetière de Passy.
L’ancienne – et abîmée- sépulture de la famille Dedouvre, dynastie de maîtres glaciers à Gentilly dont un maire de la commune.
Louis Millet, chef de plusieurs formations musicales, possède un médaillon en bronze par Paul Guibé.
Un médaillon en bronze par Charles Breton sur la tombe de Jules Amiot, « président de l’Association Amicale des Postes et Télégraphes ».
Un médaillon en pierre sur la tombe d’Alphonse Truffaut.
Un médaillon en bronze de Michel Konnert sur la tombe familiale (où il est inhumé).
Un médaillon en bronze sur la tombe d’Edmond Guion par Gaston Leroux.
Les célébrités : les incontournables…
Peu de star ici : même Raymond Souplex est condamné à l’oubli de ceux qui ne connurent pas la couleur !
… mais aussi
Le peintre Emile-Charles BITTE (1866-1895), sous un médaillon en bronze.
Le peintre Claude CHÉREAU (1883-1974) : ancien élève de Jean-Paul Laurens, ami de Carco, Dunoyer de Segonzac et d’André Billy, il évolua vers une peinture figurative de scènes paysagères et des paysages de la Seine à Paris ; il fut aussi un remarquable dessinateur de nus. Il fut en outre conservateur du Musée Ganne à Barbizon de 1937 à 1942.
La comédienne Madeleine CLERVANNE (Zoé Jeanne
Cretot : 1897-1975).
La comédienne Mony DALMÈS (Simone Etennemare : 1914-2006),
qui fut une des grandes sociétaires de la Comédie-Française, naviguant de Montherlant au Feydeau. Elle fut également l’une des rares comédiennes françaises à jouer sur Broadway. Elle fit beaucoup de théâtre, finalement peu de cinéma. Plus près de nous, elle avait triomphé dans les années 90 dans Le clan des veuves avec Ginette Garcin et Jacky Sardou.
La comédienne France DELAHALLE (1922-2004).
Hélène EDELINE (1919-2004), qui fut maire de Gentilly de 1962 à 1977 et sénatrice communiste du Val de Marne de 1975 à 1977.
Paulin ENFERT (1853-1922) : modeste employé d’une compagnie d’assurances, il rassemble en 1885 les enfants désoeuvrés du quartier pauvre de la Maison Blanche à Paris. Il leur parle, leur enseigne le catéchisme, leur propose des jeux. Il tient ses réunions sur les fortifications de Paris, près de la Porte d’Italie. Une roulotte de nomade sert d’abri en cas d’intempéries. Deux ans plus tard, Paulin Enfert crée le Patronage Saint Joseph de la Maison Blanche. Puis, le groupe s’étant agrandi, il loue un petit local sur l’avenue d’Italie. En 1889, un bienfaiteur, Monsieur Nolleval, lui assure la disposition d’un terrain de 2000 mètres carrés dans le triangle des rues Bobillot, Tolbiac et Martin Bernard. Paulin Enfert y réunit les enfants du quartier, y accueille aussi des orphelins et les met en apprentissage. En décembre 1891, des jeunes ouvriers membres du Patronage et de la Conférence de Saint Vincent de Paul, créée auparavant pour aider les pauvres du quartier, cherchent à aider les personnes défavorisées. L’un d’entre eux propose de leur donner à manger, comme on nourrit les oiseaux en leur donnant de la mie de pain. Ainsi est retenue l’appellation de la Mie de Pain, et est organisée la première soupe populaire pour Noël de cette année là. Par la suite, de nouveaux locaux ont été aménagés dont une salle de spectacle et un bâtiment pour la soupe populaire, d’accès libre pour tous.
L’architecte Eugène GUY (1844-1893).
L’abbé Georges HÉNOCQUE (1870-1959), aumônier dans le 13e arrondissement et résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut déporté à Buchenwald. Il a donné son nom à une place et à un square de l’arrondissement.
Le zouave JACOB (Auguste Henri Jacob : 1829-1913) :
cet ancien zouave des troupes impériales connu un énorme succès durant le Second Empire en s’improvisant guérisseur par imposition. Un grand bagou permit à ce charlatan d’obtenir une clientèle solide. Encore aujourd’hui, des esprits crédules viennent fleurir sa tombe dans l’espoir d’une hypothétique guérison. Il reste que face aux tours du XIIIe arrondissement, son buste en bronze, œuvre de A. Fossé, est l’un des plus photogéniques des cimetières parisiens.
Gérard LACAZE-DUTHIERS (1876-1958) : issu d’une
famille de vieille noblesse, il collabora dès 1911 à « L’Idée libre », revue publiée par André Lorulot, puis à de nombreuses publications de la presse libertaire. Il adhéra en 1914 à l’Union anarchiste, donna des cours de philosophie à l’Ecole de propagande anarchiste puis devint membre du groupe L’Action d’art, animé par André Colomer. En 1931, il créa la Bibliothèque de l’artistocratie qui publia jusqu’en 1948, malgré des démêlés avec la censure, quelque 128 ouvrages d’art et de littérature. Individualiste et un pacifiste, l’Académie française l’honora, pour l’ensemble de son œuvre, de son Grand Prix en 1946. Outre sa participation à la presse libertaire et à « L’Encyclopédie anarchiste » de Sébastien Faure, il fut l’auteur de plus de 40 livres et brochures.
Robert LYNEN (1920-1944) : enfant vedette du cinéma
français, il entama sa carrière avec Harry Baur dans Poil de Carotte en 1932. Il tourna quelques films, dont le Sans Famille de Marc Allégret, puis s’engagea dans la Résistance dès 1940. Arrêté par la Gestapo, il est condamné à mort et exécuté à la forteresse de Karlsruhe. Inhumé en fosse commune, il fut transféré dans le carré militaire du cimetière en 1947.
Le Compagnon de la Libération Robert MARCHAND (1915-1942).
Jules MURACCIOLE (1906-1995) : journaliste, il
s’engagea dans la Résistance dès l’armistice et publia de Londres le premier Journal Officiel de la France Libre. Il prit ensuite part aux campagnes de libération en Afrique, puis en Syrie. En Libye, il participa également aux combats de Bir-Hakeim et d’El Alamein. Gaulliste convaincu, il fut un rouage essentiel du retour de De Gaulle au pouvoir. De 1962 à 1981, il assure la revue de presse du matin à Matignon. Il était Compagnon de la Libération.
Le médecin PAULIN-MERY (César Paulin : 1860-1913), qui fut député du XIIIe arrondissement de 1889 à 1902. Boulangiste, nationaliste, xénophobe et antisémite, une rue du XIIIe arrondissement porte néanmoins encore son nom. Sa tombe est orné d’un buste en marbre.
Le poète Achille PAYSANT (1841-1927).
Pierre PÈNE (1898-1972) : ingénieur en chef des Travaux publics,
ancien combattant de la Grande guerre, il fournit des renseignements et prit part dès 1940 au sauvetage et à l’évasion de pilotes alliés au profit du réseau Centurie. A partir de 1943 il devint chef de l’Armée secrète (AS) pour l’Aisne, puis également pour les Ardennes. Il exécuta et fit exécuter de multiples sabotages et parachutages et fournit des renseignements militaires sur les troupes allemandes. De 1946 à 1952 Pierre Pène fut Gouverneur du pays de Bade. En 1953, il fut chargé de mission à l’ONU. Il occupa également les fonctions de Conseiller du Gouvernement du Prince de Monaco jusqu’en 1960. Il fut crématisé au Père Lachaise et ses cendres furent rapportées ici.
Les architectes Simon (1847-1902) et Marcel (1880-1956) REMOISSONNET, qui œuvrèrent dans plusieurs communes de la petite couronne parisienne. Ils reposent sous un tombeau ouvragé orné d’une belle mosaïque.
Raymond SOUPLEX (Raymond Guillermain : 1901-1972) :
d’abord chansonnier, il apparut dans des cabarets et cafés-théâtres parisiens, dont le Caveau de la République et le Théâtre des Deux Ânes. C’est durant cette période qu’il rencontra Jane Sourza qui devint sa complice pendant de nombreuses années et non sa compagne comme on a pu le croire longtemps. Avec cette dernière, il interpréta le rôle d’un clochard philosophe dans l’émission radiophonique humoristique Sur le banc, qui connut un immense succès. Bien qu’il ait tourné une trentaine de fois pour le cinéma, il restera sans doute connu uniquement pour avoir été l’acteur principal de la série télévisée policière française Les Cinq Dernières Minutes, où il incarnait l’inspecteur (puis commissaire) Bourrel. L’acteur et son personnage sont restés fameux en raison de l’exclamation : « Bon dieu ! Mais c’est bien sûr ! », entendue à la fin de chaque épisode lorsque la résolution de l’énigme s’impose à l’enquêteur et que celui-ci s’adresse directement au téléspectateur pour l’inviter à le suivre dans ses raisonnements.
Le boxeur Robert TARTARI (1929-2004), qui fut champion de France
en 1954 (38e division).
Merci à J-Y Le Rouzic pour les photos Tartari.
Merci à Claude Schwab pour les photos Pene et Dalmès.
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