SAINT-MAIXENT-L’ÉCOLE (79) : ancien cimetière
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Ironie du sort : j’ai passé douze mois d’ennui à Saint-Maixent, scientifique du contingent à l’ENSOA. Tous les jours je suis passé devant le cimetière : je m’intéressais déjà à la taphophilie à l’époque, mais de manière beaucoup plus superficielle. Je ne m’attendais pas à y trouver de notoriété particulière. Tous les jours pourtant, je me disais qu’il me fallait le visiter...Le temps passa sans que je n’y mette jamais les pieds !
26 ans plus tard j’y suis retourné, avec la ferme intention d’enfin le découvrir.
Le cimetière de Saint-Maixent-l’Ecole est fort ancien puisqu’il date du XIVe siècle ! Il se compose de deux parties "historiques", l’une consacrée aux catholiques et l’autre aux protestants. De 1881 à 1940, Saint-Maixent a accueilli une école militaire de formation d’officiers de l’armée de terre (infanterie, puis infanterie et chars). La commune est depuis 1963 le siège de l’École nationale des sous-officiers d’active, qui forme tous les sous-officiers de l’armée de terre française (la fameuse ENSOA où j’ai passé un an). Le cimetière reflète donc évidemment cette forte identité militaire de cette ville de garnison : y reposent bon nombre d’officiers et de sous-officiers.
Curiosités
Une commune aussi marquée par la présence militaire se devait d’avoir un carré consacré aux soldats morts.
Présence d’un imposant calvaire en fonte des fonderies Ducel.
A l’entrée du cimetière, l’imposante chapelle rouillée de Célestin Blot (+1840), qui créa une filature à Saint-Maixent, et de ses descendants.
Le 9 février 1895, un incendie eut lieu dans une boulangerie de la commune : les deux filles du couple de boulangers périrent carbonisés. Un monument par souscription publique fut élevé sur leur tombe.
Le cimetière de Saint-Maixent possède, comme c’est le lot et la spécificité de la quasi totalité des cimetières de Poitou-Charentes, de tombeaux à chevalet : les dalles funéraires (ou les sarcophages, parfois en berceau inversé) sont montées à leurs deux extrémités sur deux chevalets qui les tiennent à distance de la terre.
- Une lanterne des morts tient lieu de tombeau à un curé.
Le cimetière possède son lot de chapelles, parfois imposantes, des notabilités locales.
Si le colonel Denfert-Rochereau repose au cimetière de Montbéliard, c’est parce que son épouse en était originaire. Lui était né à Saint-Maixent d’une famille protestante d’origine charentaise installée ici : le cimetière de la commune abrite la tombe de plusieurs membres de sa famille, dont ses parents et ses grands-parents.
On trouve également dans ce cimetière la sépulture des parents du chirurgien Jean-Zuléma Amussat. Le cœur de ce dernier fut exhumé du Père Lachaise et apporté ici en 1857.
Une plaque, sur la tombe de famille Lemarchand, rappelle la mémoire de Christian Lemarchand, alias frère Bruno, un des sept moines assassinés en 1996 du monastère de Tibherine, en Algérie, durant la guerre civile. Il était né à Saint-Maixent et avait été ordonné prêtre dans l’abbatiale, comme le rappelle une plaque d’un des piliers de celle-ci.
- Les Proust sont nombreux dans la région : saluons au passage une Madeleine !
Célébrités : les incontournables...
Aucune
... mais aussi
Le sculpteur Eugène CAILBAULT (1854-1933), à la tombe très ornée.
Le général Louis-Eugène FAUCHER (1874-1964), qui durant l’entre-deux-guerres
dirigea la mission militaire française en Tchécoslovaquie de 1926 à 1938. Entré dans la Résistance, arrêté par la Gestapo et détenu au camp de Füssen-Plansee jusqu’à la fin de la guerre, il s’efforça par la suite de relancer l’amitié franco-tchécoslovaque, mais dut renoncer après la prise de pouvoir par le parti communiste à Prague, se consacrant désormais à l’aide aux exilés.
Jacques FOUCHIER (1913-1994) : maire centriste de Saint-Maixent,
député des Deux-Sèvres de 1958 à 1986 (où il fut un des ténors de la droite catholique, intervenant contre la Loi Veil sur l’IVG, ou contre la loi sur le divorce par consentement mutuel), il fut secrétaire d’État auprès du ministre de l’Agriculture de 1978 à 1981.
Le notaire Pierre-Henri GOGUET (1830-1886), maire de Saint-Maixent à deux
reprises entre 1870 et 1882, qui fut sénateur des Deux-Sèvres de 1882 à 1886. Ce fut sous son administration que fut organisée l’École des sous-officiers.
Léon LAUNOY (1876-1971) : pharmacien, zoologue et naturaliste, il fonda en 1906
le premier laboratoire de contrôle physiologique des médicaments. En 1926, il créa un cours de pharmacodynamie et de toxicité à la faculté de pharmacie de Paris. Il était membre des Académies de Médecine et de Pharmacie.
L’homme de cirque Charles SPESSARDY (Karl Spiessert : 1864-1921). Hongrois
fils d’un montreur d’ours dont il dut apprendre le métier, il monta avec son frère Paul la "Ménagerie des frères Spessardy", composée d’ours et de tigres, qui se produisit dans le monde entier durant la Belle Epoque ( en particulier à la cour de Russie pour le couronnement du tsar Nicolas II). Après plusieurs tournées aux Etats-Unis, il se lança dans l’exploitation de salles de cinéma, d’abord à Pithiviers puis à
Cholet. Il se fixa à Saint-Maixent où il mourut. Son fils Charles Spiessert poursuivit la vocation familiale en rachetant en 1928 le cirque Pinder qu’il dirigea jusqu’à sa mort en 1971. Il repose dans ce caveau avec son épouse Maria Adelaïde Morelli (1866-1935), fille d’un directeur de cirque anglais ; un de leurs enfants, Charles, mort à 9 mois, et Henri Louis Bonnin [1] (1874-1936). A l’origine, sa tombe comportait un buste le représentant et une statue représentant un tigre couché [2] On cherchera en vain le buste et le tigre.
- Le buste, désormais disparu.
Source : comme pour beaucoup de cimetière du département, on consultera l’excellent site des cimetières mellois qui apporte une quantité considérable d’informations et de photos.
[1] Charles fils et son frère Roger avaient tous les deux épousé des filles Bonnin.
[2] Dans ses Mémoires, Jean Richard, originaire du département et qui devait bien plus tard racheter le cirque Pinder aux héritiers Spiessert, raconte que, jeune, il se rendait très souvent sur ce tombeau au cimetière de Saint-Maixent car il était fasciné par ce tigre, voyant même dans cette fascination l’une des origines de son attirance pour le cirque. Il y précise qu’un bataillon de bigots le fit enlever car le sculpteur avait doté le félin d’attributs particulièrement virils !
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