On enterre aussi les clowns : histoire du cirque vue par les cimetières
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L’histoire du cirque traditionnel en France peut également se lire à l’aide des tombes de ceux qui l’ont fait : c’est l’objet de cet article. Nous excluerons de cette étude le Nouveau cirque : ses auteurs, généralement plus jeunes, ne sont pas encore d’actualité dans un site sur les cimetières :-)
Plus récent qu’on ne le croit, le cirque traditionnel est constitué de grandes familles (dites circassiennes), liées entre-elles par de subtils liens généalogiques ou professionnels.
Les origines : Les Astley
Philip Astley, né en 1742 à Newcastle Under Lyne, est considéré comme le créateur du cirque moderne. Soldat dans un régiment de cavalerie légère, excellent cavalier, il vint à Paris en 1782 après avoir organisé plusieurs cirques en Angleterre, et ouvrit, le 16 octobre 1783, faubourg du Temple, une salle ronde comportant deux rangées de loges, éclairées par 2000 bougies et où l’on voyait, durant les mois d’octobre à janvier, des exercices de manège ainsi que des tours surprenants de force et de souplesse tant sérieux que comiques.
L’année suivante, ce manège ferma, rouvrit en 1785 pour refermer encore et rouvrir le 29 septembre 1788 avec son fils John Astley (1768-1821) pour directeur. Le 30 novembre suivant, il s’adjoignit Franconi père et sa troupe et ils donnèrent des représentations jusqu’au 3 février 1789.
- Le cirque Astley
Philip Atsley mourut à Paris en 1814 et fut inhumé au Père-Lachaise, dans la 23ème division. John le rejoignit en 1821. Leur tombe, provisoire, a disparu.
Les Franconi
Antonio Franconi (1738-1836) était né à Venise. Il avait 20 ans lorsqu’il vint en France et ce fut comme physicien qu’il parut devant le public. Il s’appliqua en même temps à dresser divers animaux et obtint un vif succès à Lyon et à Bordeaux. Dans cette dernière ville, il chercha même à introduire les combats de taureaux. Son cirque ayant été détruit au siège de Lyon, il revint à Paris en 1792 et reparut au faubourg du Temple avec toute sa famille composée d’écuyers et d’écuyères. Il reprit l’amphithéâtre de Philip Astley en association avec le fils de ce dernier. Après la Révolution, il laissa la direction à ses fils qui ouvrirent un nouvel établissement aux Capucines, mais réintègra en 1809 son ancien établissement du Faubourg du Temple, jusqu ‘à ce que celui-ci soit détruit par un incendie en 1826. Il fonda en 1775 à Rouen le premier cirque de conception circulaire, repris en 1820 par François Baucher.
- Le cirque Franconi
Antonio Franconi fut inhumé dans une chapelle de la 35ème division du Père-lachaise.
Antonio fut rapidement assisté de ses deux fils : Laurent (1776-1849) et Henri, dit Minette (1779-1849). Laurent Franconi fut instructeur d’équitation des Vélites de la garde consulaires, ayant parmi ses élèves Eugène de Beauharnais. Durant la Restauration, il enseigna l’équitation aux fils de Louis-Philippe. En 1834, Laurent Franconi s’associa avec François Baucher et Jules-Charles Pellier au manège du Pecq (Saint-Germain-en Laye). L’année suivante, ils étaient à Paris (manège Pellier-Baucher et chapiteau des Champs-Elysées). Henri, quant à lui, fut un dresseur d’animaux émérite. Adolphe Franconi, fils d’Henri, s’associa avec Louis Dejean en 1835 et ils ouvrirent leur chapiteau sur les Champs-Elysées, au Carré Marigny.
En 1844, l’administration du Cirque Olympique fit construire aux Champs-Elysées sur les dessins de l’architecte Hittorff, une nouvelle salle pour les spectacles d’été qui prit le nom de Cirque National.
L’épidémie de choléra de 1849 emporta tour à tour Laurent et Henri. Laurent fut inhumé dans la chapelle funéraire de son père tandis qu’Henri le fut dans une tombe immédiatement à droite de la chapelle Franconi.
C’est désormais Victor Franconi (1810-1897), le jeune fils de Laurent, qui reprit le flambeau, bien que son cousin Adolphe, qui mourut en 1855, ait lui-aussi sa place dans la dynastie d’écuyers des Franconi. En 1846, Victor Franconi s’installa définitivement à Paris où il fonda la même année l’hippodrome de la barrière de l’Étoile, situé à l’entrée de l’actuelle avenue Foch. Cet établissement brûla en 1848, mais fut aussitôt reconstruit. Victor vendit l’hippodrome en 1851 et obtint une concession au Champ-de-Mars où il organisa des courses et d’autres spectacles. Sous le second empire, Victor Franconi s’occupa également du dressage des chevaux à la maison de l’empereur.
Adolphe Franconi mourut en 1855 : il est inhumé dans la tombe immédiatement à droite de la chapelle Franconi, avec son père.
Après la Commune, Victor Franconi prit la direction du Cirque d’Hiver et du Cirque d’Été. Victor Franconi s’éteignit en 1897 : il fut inhumé dans la chapelle Franconi du Père-Lachaise.
Lui survécut son fils Charles (1844-1910), lui aussi écuyer et professeur, mais la période de gloire était terminée pour la dynastie.
Reste à préciser que la tradition du cirque n’est pas morte dans la famille : à Saint-Cloud, le cirque d’Alexandra Franconi perpétue aujourd’hui cette vocation.
Les Loyal dit Blondin
A l’époque où les Franconi entament leur dynastie circassienne, une autre dynastie voit le jour. Anselme Pierre Loyal, surnommé Blondin (1753-1826), un artiste ayant travaillé comme sellier et artificier chez les Franconi à Lyon, puis à Paris à la fin du XVIIIe siècle, crée un cirque avec ses quatre fils : Pierre (1791-1848) dit Blondin Ainé ; Pierre Claude (1795-1867) dit Blondin Cadet ; Antoine Joseph (1800-1853) et Xavier Joseph (1805-1849) dit Lami. À la mort d’Anselme Pierre, le Cirque familial fut co-dirigé par les 4 frères. Pierre Claude Loyal reprit la Direction du Cirque au décès de ses frères.
Si le nom de "Loyal" devient célèbre dans le monde de l’équitation et du Cirque, il s’impose réellement comme "emblème" du présentateur-régisseur de spectacle (le fameux "Monsieur Loyal", devenu générique) au cours de la génération suivante, en 1859, lorsque Théodore Loyal (1829-1869) puis ses frères Leopold (1833-1889) et Arsène Désiré (1838-1905) se succèdent au poste de régisseur attitrés des Cirques d’Éte, Hiver puis du Nouveau Cirque à Paris jusqu’au début du XXe siècle.
Pierre Claude LOYAL (1795-1867) fut inhumé dans le petit cimetière Saint-Jean de Caen (14) où son tombeau existe encore.
- Tombeau Loyal du cimetière St Jean de Caen
Léopold LOYAL (1833-1889) fut quant à lui inhumé dans la 92ème division du Père-Lachaise.
Une des filles de Pierre-claude, Olive Célina LOYAL (1833-1918) épousa Jean-Baptiste Théodore RANCY (1818-1892) : elle donna ainsi naissance à une nouvelle dynastie circassienne.
Les Rancy
La dynastie Rancy débute vraiment avec Jean-Baptiste Théodore Rancy (1818-1892). Fils d’un couple de danseurs de corde, il apprit avec eux le métier. Après avoir exercé plusieurs métiers, il intégra le cirque Franconi où il se fit remarquer pour ses talents de dompteur hippique (il fut même durant trois ans écuyer du tsar de Russie). En 1854, il intégra le cirque Loyal où il rencontra sa future femme. Il monta alors son propre cirque. En 1860, le cirque Rancy comptait 116 personnes et 75 chevaux. Il offrit un spectacle en Egypte dans le cadre de l’inauguration du canal de Suez : l’impératrice Joséphine et le Khédive y participèrent. Il licencia sa troupe en 1870 pour prendre sa retraite, mais l’ennui le gagna : il remonta alors une troupe et fit construire des cirques en dur un peu partout en Francen comme celui de Lille, de Rouen, ou encore d’Amiens qu’il inaugura avec Jules Verne. Théodore Rancy dirigea son cirque, désormais célèbre, jusqu’à la fin de sa vie, passant progressivement la main à ses enfants qui se marièrent dans le milieu.
Longtemps favorable à un enterrement à Chalais (16) où il était né, il changea finalement d’avis et selon sa volonté fut inhumé à Lyon (69), au cimetière de la Guillotière, dans un magnifique mausolée décoré de deux têtes de chevaux.
Ses enfants prirent la suite : Adèle et Sabine, écuyères ; Justin Théodore, caissier de cirque puis clown ; Napoléon, qui épousa Marie Gallici, issue d’une famille de magiciens, et surtout Alphonse (1861-1932), qui reprit la direction du cirque après la mort de son père. Les spectacles d’hiver sont donnés dans les salles de Lyon et de Genève, construites par son père.
Alphonse monte alors des pantomimes avec une distribution étoffée par les meilleurs artistes de l’époque. Il épouse la dresseuse Jeanne Bidel, fille du grand dompteur Jean-Baptiste François Bidel et de Marie Grenouillat.
- tombe du dompteur Alexiano (Jean-Baptiste Grenouillat : 1846-1918)
- Il avait prit sa retraite à Aubervilliers, et c’est au cimetière du Pont-Blanc de cette commune qu’il repose. Il logeait dans la zone se situant entre Paris et Aubervilliers, à proximité des halles de la Villette, nécessaires pour nourrir les fauves. Sa soeur Marie avait épousé le fameux dompteur Jean-Baptiste François Bidel : leur fille Jeanne épousa le non moins célèbre Alphonse Rancy. Ainsi Alexiano devint-il parent de toutes les grandes familles circassiennes. Sa tombe se signale par un petit lion.
Ils ont trois enfants : Marcelle (1894-1963), écuyère, qui épouse Jean-Théodore Houcke (voir dynastie suivante), Albert (1896-1982) et André, tous dompteurs hippiques dans la grande tradition de la famille. Napoléon, le frère d’Alphonse, part monter son propre cirque.
Alphonse meurt en 1932 : il se fait inhumer au cimetière ancien d’Asnières, sa tombe étant ornée de son buste et d’un magnifique lion en bronze. Dans le même tombeau reposent également son épouse, son beau-père (François Bidel), ses trois enfants et son petit-fils, Gilbert Houcke.
Napoléon et son fils Henri sont inhumés quant à eux dans le tombeau du cimetière de la Guillotière de Lyon.
Quelques tombeaux intéressants encore cette dynastie :
J’ignore où repose André Rancy (à Boran-sur-Oise, où il mourut ?). Son
épouse, la dresseuse de lions Sarah CARYTH-RANCY (1897-1979) repose dans le caveau de sa famille (Joyaux) au cimetière Saint-Denis de Châteauroux (36), tandis que son premier époux, le dompteur Gino SPINY (Henry Pigault de la Mesnardiêre :1898-1932), mort dans un accident de voiture, repose au cimetière de Saint-Lactencin (36).
- Caveau Joyaux, à Châteauroux.
- Tombeau de Gino Spiny.
- Cimetière de Saint-Lactencin.
Sabine Rancy (1929-2010), écuyère et petite-fille de Napoléon, fut la la dernière de la famille à poursuivre l’aventure du cirque. Elle repose en Italie, à Cassino, dans le caveau des Larible, son dernier époux. Elle avait en un premier temps épousé son cousin, l’écuyer Dany Renz (Daniel Chagnon : 1929-1972). Ce dernier mourut accidentellement, écrasé par un éléphant. Il repose dans son caveau de famille du cimetière de Joinville-le-Pont (94).
jusqu’au décès accidentel de son mari Dany Renz (écrasé par un éléphant) en 1972
Les Houcke
L’ancêtre de cette dynastie circassienne est Jean-Léonard Houcke (1816-1863), originaire d’Hazebrouck, marié à l’écuyère Adèle René (1817-1882). Ce prénom “Léonard” sera donné comme « patronyme » à tous ses descendants pendant quatre générations, ainsi qu’a plusieurs des cirques que la famille dirigera pendant un demi siècle à travers toute l’Europe.En 1839, le couple travaille à Londres chez Astley, puis la famille parcourt l’Europe, travaillant pour Lalanne et Adolphe Franconi.
Jean Léonard quitte ensuite la France pour le Danemark, où il est considéré comme l’un des créateurs du cirque. En 1865, il parcourt l’Allemagne avec son propre cirque, et c’est sans doute là qu’il décède, puisqu’on perd sa trace à ce moment. Son épouse, et leurs 8 enfants, sont à Paris au cirque de l’Impératrice en 1867, sous contrat de 2 ans avec Dejean. Puis Adèle repart à Copenhague et rachète en 1869 le cirque Gautier, du nom d’une autre famille française : ce sont les débuts du grand cirque « Léonard ». Jules Léonard Houcke et Théodore Jean Léonard Houcke, tous deux excellents écuyers, reprennent la direction du cirque Léonard et parcourent l’Europe jusqu’à leur mort, en 1879 et 1881. Leur mère, Adèle René décède le 26 novembre 1882. Tous les trois reposent au cimetière du Passy à Paris.
- Le tombeau Houcke du cimetière de Passy dans lequel repose en particulier Adèle (+1882), Théodore (+1881) et Eugène (+1888)
Eugene Louis Léonard (1850-1888), autre fils de Jean-Léonard, débuta sa carrière dans le cirque familial, on le retrouve ensuite comme directeur du cirque de Christiania (ex Oslo) et de Copenhague. Il épousa Fanny Tourniaire (1851-1915), petite fille de Jacques Tourniaire, le créateur du cirque de Saint-Pétersbourg, ancien écuyer de Astley puis de Franconi. Celle ci lui donna trois fils, Jean Théodore Léonard (1878-1973), Lucien Jules Léonard (+1933) et Hippolyte Eugène Léonard (1882-1910), qui furent les seuls artistes mâles de la 3° génération. Après un séjour en Amérique où il perd ses deux frères, Jean-Théodore revient en France et épouse en 1914 Marcelle Rancy, liant ainsi les deux dynasties de cirque.
- Jean-Théodore Houcke
- Marcelle Rancy-Houcke
Jean-Théodore Houcke dirigea plusieurs cirques « Jean Houcke » et « Houcke-Rancy », fut régisseur du Bertram Mills circus de Londres, et successivement directeur de l’hippodrome de New York, de l’Olympia de Londres, du cirque royal de Copenhague, d’Amsterdam, de Stockholm puis de Constantinople, avant d’être à la fois à la tête des Arènes du Grand Palais, à Paris, et des cirques d’Amiens et de Rouen, fondés par les Rancy. Il mourut en 1973. Son épouse, Marcelle Rancy, est inhumée auprès de son père à Asnières. Auprès d’elle repose également le fils qu’ils eurent ensemble, Gilbert Houcke (1918-1984).
Bien qu’écuyer de formation, et grand spécialiste de “la poste” (debout sur deux chevaux côte à côte), il découvrit le dressage de tigres en 1943. Il révolutionna l’art du dressage des fauves en utilisant la douceur et non la force. A l’époque, les tigres naissaient dans la jungle, et non en captivité. Leur dressage en était plus long et plus difficile. Le danger était permanent. Il est plusieurs fois gravement blessé. Suite à une opération du coeur, il abandonne la piste pour s’occuper des fauves au zoo de Saint Vrain.
Les Medrano
Les cirques présentés jusqu’ici étaient fondées sur les traditions hippiques et de dressage : le cirque Médrano fut le grand cirque des clowns.
Tout commence avec l’écuyer belge Fernando Beert (1835-1902), qui ouvre en 1872 son propre cirque à Vierzon. En 1873, il installe son chapiteau à Paris et crée le cirque Fernando, qui fut d’abord ambulant, puis reconstruit en dur en 1875 au 63, Boulevard Rochechouart, à l’angle de la rue des Martyrs. Dès 1874, il engage l’acrobate aérien Geronimo Medrano (francisé en Jérome Medrano : 1849-1912) en tant que clown : ce dernier créé le personnage très populaire de « Boum Boum », en référence à sa célèbre exclamation « Boum boum ! » adressée au chef d’orchestre à la fin de son show.
- Le clown Medrano vu par Toulouse-Lautrec
Lorsque le cirque Fernando connut des déboires financiers en 1897, Medrano le rachèta, lui donna son nom et en devint le directeur.
Fernando Beert mourut peu de temps après et fut inhumé dans la 4ème division du cimetière Montmartre de Paris - France.
- Tombe Beert - cimetière Montmartre
Le cirque Médrano fut une source d’inspiration importante pour nombres d’artistes du quartier : Suzanne Valadon y fut écuyère, jusqu’à cet accident qui interrompit sa carrière équestre. Les peintres impressionnistes furent nombreux à célébrer l’endroit, Renoir et Degas, Georges Seurat, Toulouse-Lautrec... Vers 1905, c’est Picasso, accompagné de Fernande Olivier et de Max Jacob, qui fréquentait Médrano 3 ou 4 fois par semaine. Les jours de relâche, la salle était louée pour des conférences ou bien des réunions électorales : c’est ainsi que l’on put entendre Victor Schoelcher et Maria Deraisme pour une série de conférences anticléricales, Clemenceau y tint même une réunion électorale, des comités de grève tenaient là leurs assemblées...
- "Le Cirque", le plus célèbre tableau de G.Seurat, est une représentation du cirque Fernando.
Médrano fut le cirque des clowns les plus célèbres, qui commencèrent souvent leur carrière ici :
Footit (George Tudor Hall : 1864-1921) et Chocolat (Rafael Padilla : 1868-1917). De 1886 à 1910, ils formèrent un duo qui connut le succès. Footit, d’origine anglaise, était le clown blanc autoritaire et Chocolat, qui était noir, originaire de Cuba, était l’Auguste souffre-douleur. L’expression « Je suis Chocolat », signifiant « je suis berné », a été popularisée par les dialogues de leur numéro. Ils avaient entamé leur carrière au cirque Fernando où ils furent « croqués » plus d’une fois par Toulouse Lautrec. George Footit fut inhumé dans la 93ème division du Père-Lachaise de Paris tandis que Chocolat le fut au cimetière protestant de Bordeaux (33) - France.
- Tombe de Footit au Père-Lachaise
Le clown suisse Grock (Adrian Wettach : 1880-1959), l’un des plus grands artistes du XXe siècle, qui parlait 6 langues couramment et maîtrisait 25 instruments, connu pour ses numéros ponctués des fameux "pourquooâ", "sans blââgue", joua chez Médrano de 1904 à 1907. Il semblerait qu’il est été inhumé à Imperia-Oneglia mais que ses restes aient disparu - Italie.
Le clown belge Pipo (Gustave Sosman : 1901-1970), inhumé dans la 78ème division du cimetière de Pantin (93) - France.
Son compère, le clown RHUM (Enrico Sprocani : 1904-1953), fut considéré comme l’un des plus grands Auguste de son époque. Partenaire de Pipo, des Dario-Bario, ou encore du clown Porto, il fut l’ami de Jacques Tati avec lequel il tourna quelques films (Gai dimanche, Soigne ton gauche). Il repose dans la 4ème division du cimetière parisien de Saint-Ouen (93).
Les Fratellini intégrèrent le cirque Medrano en 1915 : Paul (1877-
1940), François (1879-1851) et Albert (1886-1961) étaient les fils du fondateur de cette dynastie, Gustavo (1842-1905), qui avait lui-même été formé à Florence, mais avait été également un patriote italien rebelle, compagnon de Giuseppe Garibaldi, qui prit part avec lui à l’unification de l’Italie.
Sa famille s’installa ensuite en France. Son fils aîné Luigi (1868-1905) devint clown, puis ses trois jeunes frères tournèrent ensemble pendant 31 ans, partout en Europe pour imposer leur génie comique. François jouait l’élégant clown blanc, Albert faisait l’Auguste souffre-douleur et Paul, qui arborait un habit et un chapeau claque trop grand pour lui, prenait partie pour l’un ou pour l’autre de ses frères, au gré des numéros. Ils se produisirent au cirque mais aussi au Music-hall, à la Comédie-Française. Ils jouèrent aussi dans l’opéra-ballet Le Bœuf sur le toit, écrit par Jean Cocteau et Raymond Radiguet sur une musique de Darius Milhaud. Devenus de véritables vedettes à Paris, ils firent l’objet d’un véritable culte de la part de spectateurs, qui se rendaient au cirque uniquement pour voir leurs numéros, dont certains duraient près de trois quarts d’heure. Ils furent prisés par les intellectuels, qui en firent parfois des personnages dans leurs œuvres. Les Fratellini se partagent entre plusieurs tombeaux : il ne s’agit pas ici de tous les répertorier mais de pister les plus fameux d’entre-eux.
Gustavo et Luigi, ainsi que la descendance de ce dernier, reposent au cimetière parisien de Pantin, dans une tombe devenue difficilement lisible. Une plaque plus récente y rappelle la présence de Alessandrina Proserpi (1877-1966), l’épouse de Gustavo.
- Tombeau Fratellini de Pantin
Paul, Albert et François reposent tous au cimetière du Perreux-sur-Marne, mais dans des tombeaux distincts : avec eux reposent une partie de leur descendance, comme par exemple Tino FRATELLINI (1947-1994), inhumé dans le tombeau de François. Albert repose à part avec son épouse.
- Tombeau de François au cimetière du Perreux.
- Tombeau d’Albert au cimetière du Perreux.
- Photo d’Albert sur sa tombe.
On se souvient évidemment également d’Annie FRATELLINI (1932-1997),
- Annie Fratellini et Pierre Etaix
petite-fille de Paul par son père Victor (1901-1978), clown lui aussi. Elle fit ses débuts en 1948 au cirque Médrano, où elle fut la première femme à jouer l’Auguste. Elle fut d’abord tentée de faire carrière dans la chanson et le cinéma (elle enregistra des disques et tourna dans une dizaine de films, dont Zazie prend le métro), mais son mariage en 1969 avec l’acteur Pierre Etaix, amoureux fou du cirque, lui permit de renouer avec son milieu d’origine : ils créent ensemble, en 1974, « L’École Nationale Du Cirque Annie Fratellini ». Elle fut inhumée au cimetière Montmartre de Paris. Pierre Etaix repose au cimetière de Germigny-l’Evêque (77).
Les clowns italiens Bario : Dario (1880-1962) et Manrico Meschi, dit Bario (1888-1974) jouèrent à plusieurs reprises à Medrano.
A leur suite parurent les enfants de Bario : Freddy (Alfredo Meschi : 1922-1988) et Nello (Léonello Meschi : 1918-2000), accompagnée de Henny Bario (Henny Sosman : 1923-2011), épouse de Freddy, magicienne, claquettiste et reine des marteaux musicaux, qui était elle-même la nièce du clown Pipo. Ils animèrent un certain nombre d’émissions de télévision, telle la Piste aux Etoiles ou le Club Dorothée. Freddy et Henny Bario furent inhumés au cimetière du Pré-Saint-Gervais (93), tandis que Nello le fut au cimetière de Dammarie-Les-Lys (77).
- Tombe de Freddy et Henny Bario - cimetière du Pré St Gervais.
- Tombe de Nello Bario à Dammarie-les-Lys (77)
le clown blanc Alex (Alexandre Bugny de Brailly 1897-1983), qui forma dans la Piste aux Etoiles un duo célèbre : lui jouait le clown blanc tandis que Francini était l’Auguste (ce dernier repose au cimetière de Peillac (56). Alex repose dans la 23ème division du cimetière de Bagneux (92) - France.
Achille Zavatta (1915-1993) travailla à plusieurs reprises chez Medrano : il est inhumé au columbarium du Père-Lachaise de Paris - France.
Malgré des affiches aussi prestigieuses, la désaffection du public contraignit Jérôme Medrano fils (1907-1998) à cesser ses activités le 7 janvier 1963. Fin 1963, l’ancien cirque Medrano, reprit par les Bouglione, rouvrit ses portes sous l’appellation de "Cirque de Montmartre". Le succès escompté ne fut pas au rendez-vous et le bâtiment fut démoli en 1973.
Au n°72 de la rue des Martyrs, un immeuble moderne occupe son emplacement : cette affreuse résidence s’appelle « le Bouglione », évocation presque cynique de l’ancienne fonction du lieu. Le café "Au rendez-vous des artistes", situé au n°1 boulevard de Clichy, juste en face de l’ancien emplacement de Medrano, rappelle la présence du cirque.
Le nom « Medrano » fut Repris par Jean Richard, en 1978 (qui mit le trio de clowns "les Bario" en vedette), puis par Raoul Gibault : désormais ambulant, il continue à sillonner la France, mais les heures de gloire du Medrano de Montmartre ne sont plus que du passé.
Jérome Medrano père et fils furent inhumés dans la 2ème division du cimetière Montmartre de Paris - France.
Le cirque d’hiver de Paris
Un lieu cristallise à Paris l’histoire du cirque en France : c’est le Cirque d’hiver. Situé rue Amelot, dans le XIe arrondissement, et a été construit en 1852 par l’architecte Jacques Hittorff. Il était appelé anciennement Cirque Napoléon.
Ce cirque fut édifié pour Louis Dejean (propriétaire du cirque d’été bâti dans les jardins des Champs-Élysées déjà conçu par Hittorff). Son plan est un polygone à vingt côtés, d’un diamètre de 41 mètres, avec une charpente en bois sans point intermédiaire. Il pouvait accueillir 4000 personnes à l’origine (actuellement 1650 personnes suivant les normes de sécurité incendie contemporaines). Les sculpteurs sont de James Pradier pour le bas-relief des amazones, et de Francisque Duret et Bosio pour les guerriers à cheval.
En 1870, Victor Franconi en reprend l’administration, suivi par son fils Charles de 1897 à 1907. À cette date, le Cirque d’Hiver devient un cinéma jusqu’en 1923 où Gaston Desprez le rend à sa destination première. Sous la direction Desprez, les Fratellini deviennent Directeur artistique. Il passe en 1934 sous la direction des frères Bouglione, qui est la famille toujours actuellement propriétaire.
De 1931 à 1958, le Cirque d’Hiver présente périodiquement des spectacles narratifs reprenant la tradition de la pantomime, oubliée en France depuis la Première Guerre Mondiale. Un certain Yul Brynner y fait ses débuts, en tant que trapéziste. Le petit écran choisit tout naturellement le Cirque d’Hiver en 1953 pour la réalisation de la fameuse émission de Gilles Margaritis La Piste aux étoiles, où s’illustre particulièrement le clown Zavatta.
En 2007, le cirque d’hiver appartient toujours à une nouvelle génération de Bouglione. Il est actuellement en travaux de réfection mais devrait rouvrir prochainement.
Quelques mots sur d’autres familles du cirque
les PINDER : Ce cirque fut fondé par deux frères anglais, George et William Pinder, brillants écuyers spécialisés dans la voltige équestre. Ils fixèrent leur cirque en France en 1855. Arthur, le fils de William reprit l’affaire mais mourut prématurément en 1924. Après la première guerre mondiale, la concurrence força ses fils, George et Herbert Pinder, à vendre le cirque. C’est Charles Spiessert qui le racheta, le modernisant grandement. Freiné par la deuxième guerre mondiale le cirque reprend ces activités en 1946. A partir des années cinquante, Pinder vécut ses plus belles années avec des spectacles sur 3 pistes.
Pourtant, des difficultés financières survinrent et le cirque allait fermer ses portes quand il fut racheté en 1971 par le comédien Jean Richard, devenant ainsi le cirque Pinder - Jean Richard. En 1983 il fut racheté par Gilbert Edelstein, collaborateur de Jean Richard, qui le possède toujours. Sa fille, Sophie Edelstein, travaille avec lui : elle fut médiatisée il y a peu de temps dans l’émission Incroyable Talent.
Georges Pinder fut inhumé au Brockley cemetery (Great London), tandis que William repose au West Norwood cemetery (Great London) - Royaume-Uni. Albert Pinder repose lui en France, à Montauban (82). Charles Spiessert fut inhumé au cimetière de Chanceaux sur Choisille (37), où se trouvaient ses quartiers d’hiver [1], et Jean Richard le fut au cimetière d’Ermenonville (60) - France.
- Tombeau de Charles Spiessert (1896-1971) - Chanceaux-sur-Choisille (37)
- Il posséda le cirque Pinder de 1928 à 1971. Dans ce caveau repose également son fils Willy (1929-2015), qui prit sa suite, mais fut contraint de vendre le cirque à Jean Richard.
- Très simple dalle de Jean Richard à Ermenonville
Les GRÜSS : Tout commence en 1854 quand André-Charles Grûss, alors tailleur de pierres, s’éprend d’une danseuse de corde, Maria Martinetti. Devenu écuyer, il est engagé au Cirque Martinetti, qui prend l’enseigne Grüss-Ricono à la suite du mariage de son fils Armand (hercule forain devenu écuyer à son tour) avec Céleste Ricono, issue d’une famille d’écuyers. Provisoirement Grüss-Robba (enseigne exploitée par Armand avec ses fils André et Alexis), le Cirque Grüss devient autonome en 1924.
Après la mort de son père, Alexis rencontre Lucien Jeannet, un dresseur de chiens, et fonde le Cirque Grüss-Jeannet à l’image des grands cirques américains. Avec une cavalerie de chevaux de race, et des invités comme le petit-fils de Buffalo Bill, il devient très populaire. Le 29 mars 1949, le chapiteau abrite Radio-Circus, une formule inédite alliant jeux du cirque et jeux radiophoniques. En 1961, Ben Hur, pantomime à grand spectacle, est ajouté au programme.
- Le clown blanc Alexis Gruss
Après la création du Grand Cirque de France (1965-1972), la famille Grüss revient à une formule plus légère. André confie la direction à son fils Alexis junior, qui crée l’enseigne. Ce dernier monte un premier spectacle, en 1973, avec sa femme Gipsy Bouglione, fildefériste hors pair. En 1974, sur l’invitation de Silvia Monfort, les Grüss s’installent dans la cour du Carré Thorigny. Le Cirque à l’Ancienne est né. Le 15 octobre s’ouvre l’école de cirque, et, l’été suivant, Alexis présente un nouveau spectacle avec cinq élèves. La réputation du cirque prend vite de l’ampleur, ses numéros équestres acquièrent une renommée jamais démentie. Devenu cirque national en 1984, il donne chaque saison un nouveau spectacle sur les thèmes les plus variés. La famille Grüss possède un caveau de famille au cimetière de l’Est de Reims (51) - France.
- Tombeau Gruss au cimetière de l’Est de Reims. Source : la vie rémoise
- Tombe d’Armand Gruss (1974-1994) à Sérignan-du-Comtat (84)
- Héritier de deux prestigieuses dynasties circassiennes, fils d’Alexis Gruss et de Gipsy Bouglione, il était clown, acrobate, musicien et écuyer. Il mourut à 20 ans à Sérignan-du-Comtat où venait de débuter la saison d’été du cirque familial.
Le tombeau de la famille circassienne CASSULI, dont l’ancêtre, l’écuyer Joseph Cassuli, avait créé, au milieu du XIXe siècle le grand cirque corse, se trouve dans le cimetière de Moissac (82). Ce cirque, qui se produisit dans les provinces françaises, en particulier dans le sud de la France, ferma ses portes en 1937 après près d’un siècle d’itinérance. Comme c’est souvent le cas dans les familles circassiennes, les Cassuli et les Gruss s’unirent puisqu’on trouve dans le tombeau de l’écuyer Philippe GRUSS (1935-1996), fils d’Alexis, et Jacky GRUSS (1955-2018), ancien écuyer devenu Monsieur Loyal.
Les BOUGLIONE : La Famille d’origine gitane Bouglione est composée de montreurs d’ours au XVIIIe siècle en Italie. C’est Sampion (1875-1941) qui développe progressivement l’affaire jusqu’à en faire, au début de ce siècle, une des principales ménageries itinérantes de France. Les quatre fils de celui-ci, Alexandre (1900-1954), Joseph (1904-1987), Firmin (1905-1980) et Sampion II (1910-1967) reçoivent leur formation dans la ménagerie paternelle. En 1924, il transforment leur zoo ambulant en cirque et se spécialisent : Sampion comme dresseur de chevaux, Firmin comme dresseur de fauves, Joseph comme dresseur d’éléphant et Alexandre comme administrateur de cirque.
La ménagerie se mue en cirque sous l’appellation Cirque des quatre frères Bouglione. Le modeste chapiteau des débuts s’agrandit suite à un magistral coup de bluff ; Ayant trouvé au fond d’une imprimerie tout un stock d’affiches du show européen de Buffalo Bill, Sampion qui manque d’affiches en fait l’acquisition et a l’inspiration de placer son spectacle sous l’égide du cow-boy américain : La Stade Circus Ménagerie Buffalo Bill. En 1928, à Paris, le Wild West Show est un succès. On a déguisé un vieux gitan en Buffalo Bill ... et le public oublie que ce dernier est bel et bien mort en 1917. Le Cirque part à la conquête de Paris où en octobre 1934, à l’exploitation du chapiteau, les Bouglione, sous l’impulsion de son nouveau directeur Joseph Bouglione, ajoutent celle du Cirque d’Hiver.
Joseph a quatre fils, ce sont les Bouglione Juniors : Firmin II, Emilien, SampionIII et JosephII. A ces quatre garçons viennent s’ajouter trois filles, Odette, Josette et Sandrine (qui épousa un Gruss), formant ainsi la cinquième génération. En 1962, l’ancien cirque Médrano rouvre ses portes sous l’appellation de Bouglione Juniors puis de Cirque de Montmartre. On a vu qu’il fut finalement démoli en 1973. Le chapiteau continue sa tournée en France et en Belgique. Sampion meurt en 1987. La dynastie continue, et le cirque avec elle. Il existe plusieurs liens généalogiques entre les Gruss et les Bouglione. Les Bouglione possèdent leur tombeau de famille au cimetière de Lizy-sur-Ourq (77) - France.
Les AMAR : Le cirque Amar est un cirque fondé par Ahmed Ben Amar el Gaid (1860-1913). Ami des bêtes et grand expert en chevaux, il sortit pour la première fois d’Algérie pour aller vendre des purs-sang en Angleterre. À la suite de ce voyage, il mit au point un spectacle coloré, avec des danseuses du ventre, les Ouled Nails, qu’il intitula « la grotte algérienne », et partit à la conquête de la Métropole. Il eut six garçons dont plusieurs décidèrent de perpétuer la tradition familiale. Quelques années plus tard, Ahmed conçut un spectacle inédit avec trois de ses fils, sans danseuses, mais avec une fosse aux lions où il fit descendre ses trois fils, Ahmed, Abdelah et Mustapha « le plus jeune dompteur du monde »... Il s’agissait en fait d’une petite ménagerie mais qui permit au nom Amar de commencer à se faire connaître, notamment lors de ses prestations dans diverses foires, comme la Foire aux Pains d’Epices à Paris en 1909. Après une interruption due à la Première Guerre mondiale, le nom commença à se faire une bonne réputation : l’établissement grandit, et dès 1926, « Le Grand Cirque Ménagerie Amar Frères » devint célèbre au-delà des frontières.
Le fils aîné, prénommé comme son père Ahmed, était dresseur d’éléphant ; le cadet, Mustapha, était dompteur de tigres et Ali, le troisième frère, avait connu la gloire comme dresseur d’ours blancs. Avec l’arrêt des voyages, pendant la seconde guerre mondiale, trois cirques se dressèrent autour de Paris. « Le Grand Cirque » de Mustapha, le « Cirque international » d’Ali et le « Nouveau cirque de Paris » dirigé par Ahmed et Chérif. Cependant, la mort successive des frères Amar eut le dernier mot. En 1968 Mustapha Amar se résigna à abandonner la direction du cirque. L’enseigne du cirque AMAR fut reprise par la famille Bouglione. J’ignore où se trouve le tombeau de la famille Amar [2].
Bibliographie :
wikipedia (articles Medrano, Cirque Amar...)
un bon article sur les Franconi
un sur les Medrano
un sur les Rancy
un sur les Houcke
un sur les Bouglione
[1] Dans ce cimetière se trouveraient également les tombes des dresseurs d’éléphants Angelo Tassi et Gosta Kruse, mais je n’ai trouvé aucun tombeau avec ces noms lors de ma visite. Les parents de Charles Spiessert reposent quant à eux à Saint Maixent l’École (79)
[2] Un correspondant m’indique que Mustapha Amar, dit Phapha, serait inhumé au cimetière de Villefranche-sur-Mer
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