Autour d’une tombe par Charlotte Gainsbourg
par
La consécration de Charlotte Gainsbourg en février 2018, en tant qu’artiste féminine de l’année lors des Victoires de la Musique, célèbre son dernier album, Rest, sorti à la fin de l’année 2017. Ecrit en français (avec des refrains en anglais), Rest est un très bel opus mélancolique qui a les couleurs des deuils impossibles : celui de son père (Lying With You), chanson qui évoque crument le souvenir du cadavre et du bruit des clous enfoncés dans le cercueil ; et surtout celui de sa demi-sœur Kate Barry, disparue tragiquement en tombant de son balcon dans des conditions demeurées inconnues.
Le dernier morceau de cet album, Les Oxalis, évoque la visite de Charlotte sur la tombe de sa sœur, dans la XIe division du cimetière Montparnasse. Le clip - réalisé par elle- propose une série de photos du cimetière que les habitués reconnaîtront facilement.
La chanson évoque la tombe de sa sœur, mais également les deux tombes adjacentes... A ma connaissance, un précédent : je ne connais aucune autre chanson dont le thème principal est une tombe (je fais abstraction de la Supplique de Brassens).
Ayant beaucoup aimé cet album, et particulièrement cette chanson (et pas parce qu’elle évoque le cimetière Montparnasse), l’occasion était bonne de faire un petit article dessus (en outre, j’ai lu beaucoup de bêtises à la sortie de ce morceau, de certains "journalistes" croyant qu’elle évoquait le tombe de son père ! (elle apparaît toutefois à 2’21)
La photographe Kate BARRY (1967-2013) était la fille du compositeur britannique John Barry et de Jane Birkin. Elle fut en grande partie élevée par Serge Gainsbourg, puis à l’âge de treize ans par son beau-père, le cinéaste Jacques Doillon. Elle collabora à divers magazines et revues, et réalisa de nombreuses couvertures de disques. Plus effacée que ses demi-sœurs Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon, du moins sur la scène médiatique, elle mourut après avoir chuté de son appartement situé au 4e étage, rue Claude-Chahu à Paris 16e, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’un suicide ou d’un accident.
Elle repose sous une tombe simple mais constamment fleurie, décor changeant au rythme des saisons.
- Photo de Charlotte Gainsbourg par Kate Barry.
- Cette photo figure dans le clip de la chanson, posée sur un banc proche de la tombe.
Entre-nous s’immisceL’éclat de l’empyrée [1]Où pousse l’oxalis [2]Nos cœurs restent scellésEn allant sur ta tombeSais’tu sur qui je tombe ?Une certaine Miss RathlePourquoi son nom me parleDe mystères et de dramesSans savoir je fantasmeUn destin pourquoi pasQui se lierait a toiSa mère Marie-CamilleRepose a ses cotesElle survit a sa filleEncore 38 annéesD’elles deux je ne sais rienMais le dialogue muetFace a ta pierre scelléeM’inspire d’affabuler
La tombe à gauche de celle de Kate Barry est effectivement une tombe familiale Rathle. Y reposent "miss" Christiane Rathle (1933-1967) et sa mère, Marie-Camille Angelidis (1911-2005). On ne trouve quasiment rien sur cette famille sur le net, sinon une mention d’une chanteuse de négrospirituals des années 60 du nom de Christiane Rathle (est-ce la même ?). On apprend néanmoins qu’elle mourut à Villejuif et qu’elle était la fille de Ibrahim Rathle (qui ne semble pas reposer ici). Un rapide coup d’œil sur Facebook permet d’y trouver une Christiane Rathle Ibrahim (Ibrahim est son nom d’épouse) vivant au Caire... Bref, on se permet de faire comme Charlotte et d’affabuler ! J’ignore si cette famille, qui a sans doute des descendants (la tombe est bien entretenue, et le dernier décès pas si lointain), sait que sa tombe familiale passe désormais à la postérité !
Entre-nous s’immisceL’éclat de l’empyréeOù pousse l’oxalisNos cœurs restent scellésA ta droite ce visageProche de l’asphyxieLa tête dévisséeEn mal d’insufflerL’oxygène au trépasUne fois le parc closVeille sur elle du hautDes airs de l’au-delàUne faible inclinationJe tourne les talonsInaudible "salut"Sait-on jamais si tuM’entends a mon insuJe chercherai ton ombreEt parmi les vivantsEt parmi les décombres
Concernant la tombe de droite, c’est beaucoup plus simple : il s’agit de la tombe du sculpteur Robert JUVIN (1921-2005), qui se spécialisa dans le travail de la pierre et du béton ; connu pour ses reliefs muraux montés. Il fut en particulier l’auteur de l’une des seize sculptures en haut-relief du Mémorial de la France combattante du Fort Mont-Valérien. C’est l’une de ses œuvres, ce fameux "visage proche de l’asphyxie" qui orne sa tombe.
Entre-nous s’immisceL’éclat de l’empyréeOù pousse l’oxalisNos cœurs restent scellésTake one is overBid adieu to you old sisterUnder coverGoing soberOver and out
- Les trois sépultures, associées désormais par la musique.
Depuis 2023, cette tombe est également devenue celle de Jane Birkin.
Commentaires