Quand la tombe raconte la mort : passage, déchirure, colère, résignation et au revoir

dimanche 15 juillet 2018
par  Philippe Landru

Etre nécrosophe, ce n’est pas seulement passer son temps à voir de magnifiques tombeaux et des sépultures de notoriétés, c’est avant tout arpenter, sur des kilomètres et des kilomètres, des mètres linéaires de dalles modernes sans aucun attrait, parfois difficilement lisibles, toutes plus ternes les unes que les autres. Dans ce royaume de la platitude, les plaques « post mortem » ont une place de choix : à l’image de ce que dénonçait avec humour Marie-Paule Belle, où est ce qu’on les enterre tous ceux qui sont méchants ? Ce ne sont que veuves éplorées, époux inconsolables, enfants désolés... Seuls échappent le plus souvent les tombes d’enfants, dont les témoignages, souvent naïfs, attestent d’une peine véritable capable d’émouvoir le plus endurci des taphophiles. Le phénomène n’est pas nouveau : les vieux ouvrages du début du XIXe siècle abondent d’épitaphes dont le lacrymal le dispute au mauvais goût. Les marbriers - et leurs clients - s’entêtent à nous faire croire que si le temps passe, le souvenir reste, alors que nous sommes bien placés pour savoir que ce n’est pas vrai. L’épitaphe, c’est comme les bouteilles de lait : on les achète à l’unité ou en packs de six ! On les choisit sur catalogues, on suit les modes... Au « A Lourdes, j’ai prié pour vous » des années 1910 a fait place l’inénarrable « Fauvette, si tu voles près de cette tombe, chante lui ta plus belle chanson » à partir des années 30, puis dans les années 90 des extraits plus ou moins malhabiles de chansons sans grâce.

Bref, au milieu de cet océan de bondieuseries et de platitudes que rien ne peut excuser, ni le manque de moyen financier, ni la gêne et la peine engendrées par le deuil (on a tous connu ça je pense), il arrive parfois qu’au détour d’une allée, entre deux chapelles, on soit frappé au cœur par une tombe, le plus souvent humble, qui détonne de la logorrhée funéraire habituelle : quelques photos ou dessins, une phrase gravée (ou même écrite au stylo parfois), un message simple…, un petit quelque chose qui fait que cette tombe devient unique, qu’elle prend sa véritable dimension mémorielle. Cet article à pour but de vous présenter quelques-unes d’entre-elles, véritable nectar pour le promeneur de cimetières. Certaines suscitent l’émotion, d’autres plongent le lecteur dans la rêverie. Toutes ont un point commun, chacune à leur manière : elles nous parlent vraiment de celui, celle, ou ceux qui reposent sous la dalle. Pendant un infime instant, elle ressuscite un défunt que nous ne connaissons pourtant pas. Elles offrent une très brève mais très intense intrusion dans un quotidien que l’on a pas connu, que l’on ne connaîtra jamais, mais que l’on se plait à imaginer, par transfert, par empathie parfois… C’est aussi à cela que servent les cimetières, faut-il le rappeler ?

Et puis il y a le rire, car on rit régulièrement au cimetière : comme vous le découvrirez plus loin, certains à leur insu, mais d’autres par un dernier pied de nez humoristique, ont souhaité faire sourire quiconque serait en vue de leur dernière demeure… Là encore, c’est une manière de retenir le temps.

Cet article à pour but de traiter de la représentation du moment précis de la mort de manière profane : il ne s’agira donc pas tant de représenter des grâces élevées dans le ciel par des anges et des divinités (grand classique des cimetières) que de voir comment la mort et le deuil ont été traités de manière la plus terre-à-terre (si je puis dire) possible. C’est assez paradoxal, et en même temps compréhensible tant elle effraie, mais la vision réaliste de de la mort est assez peu traitée dans les cimetières. Le vieillard rigide fait place à la vierge alanguie qui s’élève, au cercueil simple et brut de bois on préfère le sarcophage de porphyre… La réalité du quotidien fait place aux symboles, à la religiosité, à la mythologie. Par ces filtres, on tente évidemment de fuir la sinistre réalité du trépas et les conséquences psychologiques qu’il engendre sur les proches.

Il existe pourtant des sculptures, mais aussi de nombreuses plaques-épitaphes, qui rendent compte de ce réalisme, et ce sont elles que nous présenterons dans cet article.


D’abord, il y a la vieillesse...


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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)

Là où les jeunes filles en fleurs, évanescentes, lascives voire érotiques, pullulent dans les cimetières, on représente peu les personnes âgées (en dehors des bustes de personnalités, parfois réalisés à un âge avancé). Il est vrai qu’il y en avait moins avant que maintenant, et atteindre les âges canoniques relevait de l’exception. Le(la) vieillard(e) ne faisait pas non plus partie des représentations prisées par toutes les grandes écoles artistiques qui se succédèrent depuis le XVIIIe siècle. En caricaturant un peu, on passait dans les représentations de la jeune fille de 16 ans au squelette ! Tout ce qui était entre les deux était nul et non avenu ! En outre, si l’on représentait parfois les hommes, c’était beaucoup plus rare des femmes. Et même les hommes : si l’on représente un vieillard, il est Chronos, Saturne, ou Dieu lui-même, mais quasiment jamais le petit papy du coin !

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(cimetière Sud de Saint-Mandé, Val-de-Marne)
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(cimetière d’Issy-les-Moulineaux, Hauts-de-Seine)

Il existe pourtant quelques belles représentations de femmes mûres, voire de vieillardes, mais ces représentations sont rarement « gratuites » : soit cette statuaire se drape derrière le prétexte de la religion ou de la mythologie (les Parques, par exemple), soit elle entre dans quelques catégories « acceptables » extrêmement codifiées : la mère du soldat mort par exemple (voir plus loin), ou la veuve éplorée.

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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière Saint-Pierre de Marseille, Bouches-du-Rhône)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)

Bref : si la mamie grassouillette est bonne pour vendre des confitures, du café ou des yaourts au chocolat, elle n’était pas plus glamour dans l’art officiel avant que maintenant !

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(cimetière de Nogent-sur-Seine, Aube)
Tombe du sculpteur Alfred Boucher qui a représenté sa mère.

La vieillesse fait évidemment d’autant plus peur que c’est la dernière étape avant la mort, dont la statuaire funéraire, très paradoxalement, s’affranchit tant.

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(cimetière Farkasreti de Budapest, Hongrie)
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(cimetière monumental de Rouen, Seine-Maritime)
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(cimetière de Trinquetaille d’Arles)
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(cimetière Saint-Pierre de Marseille, Bouches-du-Rhône)
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(cimetière de Saint-Paul-Trois-châteaux, Drôme)
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(cimetière Saint-Pierre de Marseille, Bouches-du-Rhône)

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(cimetière monumental de Turin, Italie)
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(cimetière Santa Maria del Pianto de Naples, Italie)
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(cimetière monumental de Milan, Italie)
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(cimetière Sainte-Croix du Mans, Sarthe)
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(cimetière de Châteaurenard, Bouches-du-Rhône)
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(cimetière de Neuilly, Hauts-de-Seine)

Le lit mortuaire


Espace intermédiaire entre la vie et la mort, il est un grand classique de l’art funéraire, particulièrement dans le monde latin (quasiment absent des cimetières septentrionaux). Intermédiaire dans la mesure où selon les représentations, l’allongé est à l’agonie ou déjà mort.

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(cimetière St Gabriel, Caen)

Certaines évocations du départ dissimulent, sous une apparence parfois religieuse (présence du Christ, des anges...), une représentation réaliste et profane du défunt dans son lit de mort.

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(cimetière du Vésinet)
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(cimetière monumental de Turin, Italie)
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(cimetière Poblenou de Barcelone, Espagne)

Les hommes sont le plus souvent les défunts, pleurés par leur épouse et leur famille (la perte des femmes est-elle plus réparable dans l’art funéraire ?), exception notable du magnifique tombeau de la famille Bains à Marseille (mais la femme est jeune, donc plus regrettable ?). Je ne connais qu’un seul tombeaux-lit mortuaire qui représente une défunte âgée pour une multitude d’autres où ce sont des hommes (de tous les âges). Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a là un clivage sexué dans la manière de concevoir la séparation. [1]

Bien évidemment, pour les sculpteurs, en particulier les artistes italiens, ces lits-mortuaires sont l’occasion de manifester leur virtuosité dans la représentation des plis (les robes, les draps, les rideaux, les baldaquins), comme l’attestent les illustrations suivantes, particulièrement celles du magnifique stagliano de Gênes.

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(cimetière monumetal de Milan, Italie)
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(cimetière Bellu de Bucarest, Roumanie)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)

On remarquera l’extraordinaire réalisme de cette représentation du stagliano. La suivante est traitée de manière beaucoup plus emphatique (même cimetière).

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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)

Le lit mortuaire en sculpture répond aux innombrables représentations (peintures, fusains, puis photographies) des défunts célèbres dans leur lit de mort (ou ce qui en fait office). Si cette démarche peut sembler macabre de prime-abord, elle dénote surtout une curiosité absolue, et fort ancienne, devant l’inconnu total du trépas. Elle est également la dernière empreinte visuelle que l’on peut garder du mort.

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Lord Byron
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Beethoven
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Bismarck
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Che Guevara
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Châteaubriand
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Chevreul
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Chopin
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Dali
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Goncourt
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Eiffel
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Hahnemmanh
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Zola
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Napoléon Ier
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Napoléon II « l’Aiglon »
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Napoléon III
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Antonio Machado
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Maurice Denis
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Paul Valéry
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Raymond Poincaré
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Mao Zedong
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Proust
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Richelieu
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Rodin
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Staline
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Rodolphe de Habsbourg
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L’abbé Bérenger Saunière
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Victor Noir
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Trotsky
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Sainte-Thérèse de Lisieux
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Jules Verne
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Ingres
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Hugo
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Mitterrand

Le « moment », ou la déchirure


L’âme qui s’élève portée par un ange : une représentation classique de l’art funéraire qui aura son article. Plus intéressante est la représentation de la même scène, mais finalement vue du coté mortel et séculier.

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(cimetière de Montjuic, Barcelone)

Ici, les activités du scientifique et de l’industriel sont évoquées par un bas-relief. C’est vers eux que, nostalgique, le défunt regarde lorsqu’il est emporté par une mort squelettique et grimaçante. Rien de bon dans ce départ, tout sauf chrétien.

Le même thème peut être traité de manière tellement violente qu’il en devient érotique, tel dans le célèbre Beso de la Muerte (baiser de la mort).

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(cimetière de poblenou, Barcelone)

Dans la crypte de l’église Saint-Sulpice à Paris, un Chronos aîlé (et non « Dieu le père », comme le prétendit le prêtre lors de la visite !) et un squelette grimaçant attendent le futur trépassé, vision finalement fort peu chrétienne de la mort.

Le fil de la vie rompu : un autre grand classique.

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(cimetière des Prazeres de Lisbonne, Portugal)
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(Père-Lachaise, Paris)

La mort peut être représentée sous la forme de l’inconnu : dans ce cas, la porte entrouverte (mais à travers laquelle on ne voir rien) est la symbolique la plus classique.

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(cimetière des Batignolles, Paris)
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(cimetière des Batignolles, Paris)
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(Père Lachaise)
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(Jerusalem und neue kirche friedhof I de berlin, Allemagne)
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(cimetière Mirogoj de Zaghreb, Croatie)
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(cimetière du Kerepesi de Budapest, Hongrie)
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(cimetière de Baume-les-Dames, Doubs)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière nouveau de la Croix-Rousse de Lyon, Rhône)

Evidemment, les habitués du Père Lachaise auront immédiatement pensé au monument aux morts du cimetière.

Finalement l’art funéraire utilise toujours des symboles pour figurer le moment précis de la mort. Il existe pourtant une représentation très réaliste, et fort ancienne : la première esquisse du tombeau que Della Robbia avait fait pour le tombeau de Catherine de Médicis, où la souveraine est représentée avec le hoquet la mort. Jamais achevé car refusé par la reine, il fut supplanté par le gisant sans grâce de Germain Pilon que l’on peut voir à Saint-Denis.

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(Louvre, Paris)

Une fois mort, le corps, outre le squelette, peut prendre des aspects divers : celui du défunt sous le suaire (ce thème demandait des prouesses aux sculpteurs, devant à la fois représenter les traits du défunt mais aussi l’aspect vaporeux du tissus le recouvrant).

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(cimetière Montmartre, 7ème division)
tombe Cordier
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(cimetière du Vésinet)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)

Dans certains rares cas, le suaire donne naissance au fantôme : il en est ainsi de l’aube de cette jeune communiante (représentée de manière très réaliste) devenue suaire flottant dans les airs !

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(cimetière d’Asnières)
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(Père Lachaise, 53ème division)
tombe de Pierre Cartellier.

La mort « éthérée » plut à certaines époques (ce fut le cas, par exemple, dans les représentations Art Déco). Thanatos plus ou moins d’opérette, femme endormie, la mort est ici discrète, souvent au sein d’une composition plus vaste.

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(cimetière de Levallois-Perret)

Le masque mortuaire est une manière à la fois discrète et très réaliste d’évoquer le corps mort.

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(cimetière parisien de Pantin)
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(cimetière Montmartre, 5ème division)
tombe Kamienski
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(Père Lachaise, 25ème division)
tombe d’Anatole de Montaiglon

Les enfants peuvent être également concernés.

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(cimetière de Colombes)

Contrairement au sarcophage à l’antique, que l’on trouve partout, le simple cercueil n’est pas souvent représenté (sauf dans les grands catafalques, mais il est dans ce cas noyé dans la composition).

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(cimetière parisien de Pantin)
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(cimetière Rabelais1 de Saint-Maur)
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(cimetière d’Ixelles de Bruxelles, Belgique)
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(cimetière de Villecresnes, Val-de-Marne)

Ce cercueil qui fait si peur à tant de monde, fine paroi de bois qui nous sépare du mort ! Les cultures ne sont pas toutes les mêmes dans ce domaine : si on le dissimule aux regards en France, il s’expose communément à travers les vitres des chapelles au Portugal (les trois photos qui suivent proviennent du cimetière des Prazeres de Lisbonne).

Le cimetière est très peu évoqué, sinon de manière fortuite (vitraux) ou dans un sens chrétien (le Jugement dernier).

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(cimetière de Montjuic, Barcelone)
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(cimetière Montparnasse, Paris)
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(cimetière du Pré-Saint-Gervais)

La tombe isolée est plus fréquente que le cimetière : elle insiste sur l’individualité du mort (le cimetière ayant une dimension collective). Permanence du romantisme : elle est souvent ombragée par un saule.

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(cimetière d’Oulins)
tombe de Michel de Ré
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(cimetière de Locronan, Finistère)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)

Puis vient le deuil


On connaît tous désormais les étapes du deuil, élaborées par Elisabeth Kübler-Ross sans qu’il ait été cependant démontré scientifiquement. Il s’agit d’un cycle théorique composé de cinq étapes :
- Choc, déni : cette courte phase du deuil survient lorsqu’on apprend la perte. La personne refuse d’y croire.
- Colère : phase caractérisée par un sentiment de colère face à la perte. La culpabilité peut s’installer dans certains cas.
- Marchandage : phase faite de négociations, chantages…La pensée magique peut prendre le dessus. On cherche les moyens de faire « comme si » la mort n’avait pas frappé.
- Dépression et douleur : phase plus ou moins longue du processus de deuil qui est caractérisée par une grande tristesse, des remises en question, de la détresse. Les endeuillés dans cette phase ont parfois l’impression qu’ils ne termineront jamais leur deuil car ils ont vécu une grande gamme d’émotions et la tristesse est grande.
- Acceptation et résignation : Dernière étape du deuil où l’endeuillé reprend du mieux. La réalité de la perte est beaucoup plus comprise et acceptée. L’endeuillé peut encore ressentir de la tristesse, mais il a retrouvé son plein fonctionnement. Il a aussi réorganisé sa vie en fonction de la perte.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les tombes et les plaques des cimetières témoignent de cette succession de phases !

... la colère

Bien des motifs peuvent justifier la colère sur les plaques : les horreurs des guerres au XXe siècle, qui mirent fin à des vies bien avant l’heure ; les morts accidentelles liées à la négligence des autres, ou encore le sentiment, sans que l’on sache les drames derrière autant de cas personnels, de souffrances vaines.

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(Cimetière de Villennes-sur-Seine)
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(cimetière Montparnasse, Paris)
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(cimetière parisien de Pantin)
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(cimetière paysager de Louveciennes)
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(Cimetière Montmartre, Paris)

Le souvenir génocidaire est entêtant dans les cimetières, et mieux que tout l’abandon des tombes, à partir des années 40, témoigne de manière à la fois silencieuse et assourdissante. Ces témoignages sont précieux, car ils constituent autant de gifles aux méprisables révisionnistes.

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(Cimetière de Puteaux)

Les fusillés de la guerre sont nombreux et souvent discrets dans les cimetières de Paris et de province, une autre saignée de ces temps obscurs. Ici, la reproduction intégrale de la dernière lettre d’un jeune fusillé (la stèle originale se trouve au Mont Valérien).

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(cimetière parisien de Bagneux)
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(Cimetière de Malakoff)

Cris de détresse et de colère.

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(cimetière de Crest)

Les exactions commises dans les cimetières peuvent également être à l’origine de colères.

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(Père-Lachaise, Paris)
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(cimetière de Vayres-sur-Marne)
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(Père Lachaise)

Cette chapelle, érigée par un fils désolé à la mémoire d’une mère chérie, à été trois fois l’objet de la convoitise des voleurs ; deux fois la porte a été fracturée et des ornements de l’intérieur ont été volés. Cette inscription a pour but d’avertir les amis de Monsieur Thomas Sale Pennigton que ce n’est ni l’indifférence, ni l’oubli de la mémoire de sa chère mère qui l’ont porté à retirer tout souvenir et tout ornement de l’intérieur de ce tombeau mais seulement l’horreur que lui inspire la violence dont il a été deux fois l’objet dans l’espace de trois mois

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(cimetière de Saint-Sauveur-sur-Ecole)
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(cimetière Duhamel de Mantes-la-Jolie, Yvelines)
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(Cimetière de Montignac, 24)

Dernières pensées désabusées d’un vieillard !

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(cimetière de l’Aveyron)

... le marchandage

On compose comme on peut avec la mort, et même si l’on sait que la pensée magique est irrationnelle, elle peut être salutaire dans les temps de détresse.

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(Père Lachaise)
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(cimetière d’Héricy, Seine-et-Marne)
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(cimetière de Saint-Tropez, Var)
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(cimetière du Kerepesi de Budapest, Hongrie)
Etonnante de simplicité et pourtant bouleversante : pardessus, canne et chapeau posés négligemment sur un fauteuil…Comment mieux évoquer l’absence ? Ce temps immobile où, après la mort, on n’ose toucher aux objets du quotidien laissés par le disparu pour vainement tenter de retenir le temps, comme s’il allait revenir...

Un autre temps : celui des clichés pris après la mort. A leur manière, ils sont un marchandage dans la mesure où, très souvent, on laissait penser que le défunt dormait. Il est intéressant de constater que dans nos sociétés où la violence est banalisée, ces images (le plus souvent de bébés morts) sont devenues pour beaucoup sinistres et impressionnantes là où elles étaient vues de manière plus sereine auparavant, en particulier dans les cultures méditerranéennes.

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(cimetière parisien de Bagneux)
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(cimetière de Coux et Bigarogue)
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(cemeterio San Lorenzo del Campo Verano, Roma)
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(cimetière Montparnasse, Paris)
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(cimetière Saint-Véran d’Avignon)

... la douleur

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(Père-Lachaise, Paris)

Sobre, sous sa forme classique, le message à le mérite d’être clair. Il n’existe plus beaucoup de tombes de ce type dans les cimetières parisiens, là où naguère elles abondaient.

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(cimetière de la Colle-sur-le-Loup, Alpes-Maritimes)
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(Cimetière Montparnasse, tombe de Marie Dorval)
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(Père Lachaise)
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(cimetière St Pierre de Marseille)
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(Père Lachaise)
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(Cimetière Montmartre, Paris)
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(Père Lachaise)
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(Père-Lachaise, Paris)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
L’artiste est allé jusqu’à sculpter une larme qui descend du coin de l’œil)
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(Cathédrale de Chichester, Royaume-Uni)
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(cimetière des Chaprais de Besançon, Doubs)
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(cimetière de l’Ouest du Mans, Sarthe)
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(cimetière de Bressoux, Belgique)
On a beau me dire / Il faut bien que tu oublies / Est ce que je le peux ?. Issu d’une chanson composée en 1897 par Pierre Van Damme, sur des paroles écrites en 1853 par Nicolas Defrêcheux.
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(cimetière de Bram, Aude)
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(Père Lachaise)
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(cimetière de Bram, Aude)

La tristesse, dans les cimetières, peut apparaître parfois via des détails insignifiants.

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(cimetière de Villecresnes, Val-de-Marne)
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(cimetière de Fresnes, Val-de-Marne)
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(cimetière de Dourdan, Essonne)
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(cimetière Saint-Augustin de Morlaix, Finistère)

... l’acceptation et la résignation

Puis vient la résignation : sur les plaques, si les messages demeurent souvent mélancoliques, ils ont gagné en sérénité. D’autres, telles des maximes, rappellent l’inéluctabilité de la mort.

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(cimetière communal d’Ivry)
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(cimetière Montparnasse)
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(cimetière de Valmy, Paris)
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(cimetière des Landes de Chatou)
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(cimetière de Chassey-les-Montbozon, Haute-Saône)
Le bon Dieu que je connaissais à peine a voulu m’avoir car il aime dit-on le petit enfant qui ne l’a point offensé. Mes parents m’ont donné à lui le cœur navré de douleur, mais en même temps rempli de résignation
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(cimetière Rabiac d’Antibes, Alpes-Maritimes)
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(cimetière de Commugny, Suisse)
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(Père Lachaise, Paris)

(Petit moineau envolé à 18 mois)

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(Cimetière Montparnasse)

Avec le temps, la fatalité s’impose et peut donner lieu à des philosophies de la mort, certaines fort anciennes, mais que l’on trouve aussi sur des tombes contemporaines.

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(Père Lachaise, Paris)
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Cimetière des Batignolles
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(cimetière de Francheville, Rhône)
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(Cimetière du Vésinet)
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(Cimetière des Batignolles)
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(Père Lachaise)
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(cimetière du Montoir de Houilles)
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(Père Lachaise)
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(cimetière de Loctudy, Finistère)
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(cimetière Duhamel de Mantes-la-Jolie, Yvelines)
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(cimetière de Montbéliard, Doubs)
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(cimetière du Trabuquet de Menton, Alpes-Maritimes)

La brièveté de la vie est souvent mise en avant.

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(cimetière de Chatillon)
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(Cimetière Montparnasse)
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(Père Lachaise)
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(Père Lachaise)
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(Père Lachaise)
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(cimetière de la Guicharde de Sanary-sur-Mer, Var)

On fait des promesses de se revoir.

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(nouveau cimetière de Chiswick, Grande-Bretagne)
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(cimetière de la ville basse de Provins)
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(Cimetière de Cluny)

Nous te rejoindrons, mais pas tout de suite

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(cimetière de Saint-Jean-Cap-Ferrat)
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(cimetière Montparnasse)
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(cimetière de Lurs, Alpes-de-Haute-Provence)
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(cimetière d’Ivry, Val-de-Marne)

Les étapes franchies les unes après les autres, le temps vient d’aller visiter la tombe ; nouveau lieu qui constituera le périmètre désormais étroit de sa relation au défunt jusqu’à ce que, n’en déplaise aux plaques qui veulent nous faire croire le contraire, l’oubli -ou le décès des proches- ne deviennent la règle.

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(cimetière Stagliano de Gênes, Italie)
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(cimetière de la Chapelle d’Abbeville, Somme)

La tombe isolée peut également prendre une dimension politique. La visite de la veuve de guerre (avec ou sans son orphelin), ou la mère sur la tombe d’un fils, fut après 1919 un thème majeur de la statuaire funéraire, et se déclina de multiples façons : sur les monuments aux morts, mais également sur les tombes individuelles.

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(cimetière de Malakoff)
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(cimetière d’Issy-les-Moulineaux)
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(cimetière Montparnasse, Paris)
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(cimetière de Pierrefitte)
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(cimetière des Lilas)
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(cimetière de Pont-Aven)
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(Cimetière de l’Est, Lille)
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(cimetière d’Issy-les-Moulineaux)
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(Père-Lachaise, Paris)

Toutes ces illustrations sont évidemment authentiques et non trafiquées (je le précise car il en existe de cette sorte qui circule sur le net). Si vous possédez vous-même des photos qui mériteraient d’être ajoutées à cet article, n’hésitez pas à me les faire parvenir. Merci d’avance.


[1J’ai exclu de cette étude le célèbre tombeau Pigeon du cimetière Montparnasse qui n’est pas à proprement parler un lit mortuaire.


Commentaires

Logo de Anne Jourda-Dardaud
Quand la tombe raconte la mort : déchirure, résignation et au revoir
vendredi 14 septembre 2012 à 11h40 - par  Anne Jourda-Dardaud

Très beau travail, passionnant, on a vraiment l’impression de déambuler à travers les allées d’un cimetière...
En écho à votre travail, je vous invite à visiter mon blog de généalogie et d’histoire familiale où je relate ma visite au cimetière monumental de Milan, ainsi que celle dans un autre, trouvé par hasard à Berlin
http://memoirevive-coteblog.blogspot.fr/2011/07/ultime-case.html
http://memoirevive-coteblog.blogspot.fr/2012/07/letzte-wohnsitze-ou-genealogie-et.html

et n’hésitez pas à me donner votre avis !

Bien cordialement,

Logo de Sophie B.
Quand la tombe raconte la mort : déchirure, résignation et au revoir
jeudi 6 septembre 2012 à 12h31 - par  Sophie B.

Merci pour ce reportage fouillé et d’un très grand intérêt.
Travaillant sur les rites et les monuments funéraires de l’Antiquité grecque, je consulte très régulièrement votre site.
Bravo pour toutes les recherches que vous menez et nous exposez.
A bientôt.

Logo de Thierry.v
Quand la tombe raconte la mort : déchirure, résignation et au revoir
samedi 1er septembre 2012 à 17h04 - par  Thierry.v

Encore un très beau reportage, qui ne peut laisser indifférent.
Je l’ai consulté pour la première fois cette nuit alors qu’une insomnie passagère m’empêchait de dormir, on ne peut pas dire que ça a facilité le sommeil !

Je poste ci-dessous une modeste contribution photographiée ce matin même sur une tombe du cimetière des Longs-Réages à Meudon, il est vraiment lamentable de devoir en arriver à écrire ce genre de chose.
Malheureusement votre article montre que ce n’est pas un cas isolé et ceci est réellement regrettable !
Philippe, si bon vous semble vous pouvez utiliser la photo.

Une chose est certaine, merci beaucoup pour ce nouveau voyage.

http://img39.imageshack.us/img39/2236/img1643tp.jpg

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