Les Garcia : Une dynastie au service de l’art lyrique
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Eclairage sur une dynastie pas forcément connue du grand public, mais dont les membres constituèrent l’élite musicale et culturelle de leur temps. L’article se propose pour l’instant comme une ébauche (il faudra localiser les tombeaux des autres enfants Garcia ou Viardot).
Manuel del Populo Vicente, dit Garcia du nom du second mari de sa mère, est né à Séville en 1775. Il fut ténor, compositeur et professeur de chant espagnol.
Il fit ses débuts à Cadix en 1798 dans une tonadilla [1] dont il écrivit quelques numéros. Il voyagea beaucoup (Turin, Rome, Naples et participa à de nombreuses créations, en particulier celle de Almaviva dans le Barbier de Seville à Rome en 1816. Il écrivit de nombreuses opérettes et opéras en espagnol, français ou italien, dont la plus fameuse est le Calife de Bagdad. Il devient un maître incontesté de chant et forme ses enfants et Adolphe Nourrit. Sa voix, que l’on ne connaît évidemment pas, était décrite comme puissante et virtuose.
Manuel Garcia mourut à Paris en 1832. Aujourd’hui, en bordure de la 25ème division, Manuel Garcia est bien oublié. Tous ceux qui vont visiter Molière et La Fontaine passe devant sa tombe sans y prêter aucune attention. Il est vrai que son identité est à peine lisible : dans quelques années, ce sera une tombe totalement anonyme.
- Son nom est toujours indiqué et sur la dalle, et sur le revers de celle-ci, mais l’écriture résiste de plus en plus mal au temps qui passe.
Manuel Garcia donna naissance à une fameuse dynastie d’artistes, encore représentée de nos jours, et dont cet article à pour but de retrouver la trace à partir des tombes. Avec sa seconde épouse, la soprano Joaquina Sitches, Manuel Garcia fut le père de trois enfants :
Manuel GARCIA Jr (1805-1906) : baryton, son père le destinait à une carrière de chanteur, mais il se tourna vers l’enseignement du chant dès 1829. Prenant la suite de son père, il fit des recherches sur les fonctions vocales et inventa le laryngoscope. Il fut professeur au Conservatoire de Paris en 1847, mais démissionna l’année suivante pour accepter un poste à la Royal Academy of Music de Londres où il enseigna jusqu’en 1895. Parmi ses nombreux élèves figurent, outre son épouse Eugénie Mayer, Jenny Lind, Christine Nilsson, Mathilde Marchesi et Julius Stockhausen. Il mourut à 101 ans et fut inhumé au Sutton Park St Edward the Confessor Churchyard de Guildford, dans le Surrey, au Royaume-Uni.
- Source : Find-a-grave
Manuel Garcia fils avait épousé la soprano de l’Opéra Comique Eugénie MAYER (1814-1880). Il est intéressant de noter que celle-ci, décédée 26 ans avant son époux, repose quasiment en face de son beau-père, dans la 26ème division du cimetière du Père Lachaise (un caveau "Garcia" que beaucoup, comme Paul Bauer par exemple, prennent pour le tombeau de Manuel Garcia père). Manuel et Eugénie eurent quatre enfants : j’ignore où furent inhumés Gustave (1837-1925), qui fut chanteur, et Eugénie (1840-1924). En revanche, les deux autres (à savoir Manuel -inspecteur des chemins de fer- et Maria (1842-1867), épouse Crepet, reposent avec leur mère dans ce caveau.
Maria Felicita GARCIA, dite la Malibran (1808-1836). Poussée à se plier à un enseignement des plus stricts dès son plus jeune âge, elle fit sa première apparition sur scène à l’âge de six ans, et son père l’engagea à tourner en Amérique en 1825. Elle se libéra de l’assujettissement paternel en épousant un Français, Eugène Malibran, qui lui donna son nom. Sa voix de mezzo-soprano la propulsa au sommet de la gloire, et malgré de nombreux adversaires, elle eut l’appui de compositeurs tels que Lizst et Chopin. Voulant respecter son public, elle se produisit sur scène après avoir fait une chute de cheval et mourut d’épuisement à l’âge de 28 ans à Manchester.
Elle avait épousé en 1836 le compositeur et violoniste belge Charles-Auguste de BÉRIOT (1802-1870). Ancien élève de André Robberechts, il gagna Paris, où il fut encouragé par Viotti, directeur de l’Opéra de Paris depuis deux ans, et se produisit en public avec succès. De 1824 à 1826, il fut violoniste de Charles X de France. A la fin de sa vie, il se fixa à Bruxelles où il devint professeur au Conservatoire.
J’ignore où repose leur fils, Charles Wilfrid de Bériot (1833-1914), pianiste virtuose et professeur de piano de Maurice Ravel.
Bériot fit rapatrier le corps de la Malibran à Bruxelles et lui fit construire un imposant mausolée dans le cimetière de Laeken, dans lequel il repose lui aussi.
Elle repose dans une chapelle néoclassique monumentale attribuée à l’architecte Tilman François Suys, ornée d’une sculpture en marbre la représentant par Guillaume Geefs. Sur sa tombe, on peut lire ce quatrain de Lamartine :
Beauté, génie, amour furent son nom de femme,Écrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix.Sous trois formes au ciel appartenait cette âme.Pleurez, terre ! Et vous, cieux, accueillez-la trois fois !
Pauline GARCIA, plus connue sous son nom d’épouse de Pauline VIARDOT (1821-1910). Le peu de souvenirs que l’on garde de cette mezzo-soprano, comparé à la notoriété unique qu’elle eut en son temps, en dit long sur le fait que contrairement à l’adage populaire, le temps passe mais le souvenir ne reste pas ! Elle fut l’élève de son père, et elle n’eut rien a envier à Maria, sinon sa beauté (Berlioz disait d’elle qu’elle était une « belle laide » et Heine comparait son physique à un « monstrueux paysage exotique ») ! Tous s’accordaient en revanche sur le fait qu’elle était une femme irrésistible, d’une très grande intelligence et d’un esprit subtil. Pauline Viardot fréquenta toute l’élite culturelle de son époque : Sand ou Delacroix, Musset, Saint-Saëns, Dickens ou Tourgueniev, avec lequel elle eut une relation passionnée. Ses professeurs furent prestigieux : Liszt pour le piano, Reicha pour la composition... Meyerbeer écrivit pour elle le rôle de Fides dans les Prophètes ; Saint-Saëns, Brahms, Schubert ou Fauré lui écrivirent également des rôles. Elle voyagea, notamment à Saint-Petersbourg à plusieurs reprises, et son rôle fut important dans la progression de la connaissance de la musique russe en France.
Elle avait épousé le directeur du Théâtre Italien Louis VIARDOT (1800-1883), mariage de raison plus que mariage d’amour : ils reposent tout deux sous une tombe originale, une stèle grossière de granit dissimulée derrière un aucuba, dans le centre de la division.
Ne quittons pas de suite le cimetière Montmartre : dans la 32ème division repose une autre vieille famille de Montbéliard marquée profondément par la musique : les Duvernoy.
Dans le tombeau repose un grand nombre de personnalités marquantes :
Frédéric DUVERNOY (1765-1838), attaché à la Comédie italienne, cor solo à l’opéra, il fut professeur au Conservatoire de sa fondation à 1815 et publia de nombreuses compositions pour son instrument.
Son frère Charles (1763-1845), premier clarinettiste au Théâtre de Monsieur et au Théâtre Feydeau, qui fut professeur au Conservatoire national de musique dès sa fondation en 1795. Lui aussi laissa quelques compositions.
Charles François DUVERNOY (1796-1872), fils de Frédéric, fut artiste de l’Opéra-comique et professeur de déclamation lyrique. Trois de ses enfants reposent avec lui, à savoir :
Charles (1830-1902), qui fut chanteur,
Alphonse (1842-1907), pianiste et compositeur, professeur de piano au Conservatoire, auteur d’un ballet, d’œuvres symphoniques, de musique de chambre et d’opéras (La Tempête, Sardanapale),
Edmond (1844-1920), pianiste et professeur de chant au Conservatoire.
Quel rapport avec les Garcia me direz-vous ? Les deux familles étaient liées : Alphonse Duvernoy avait épousé en 1881 la musicienne et peintre Marianne VIARDOT (1854-1919) [2], fille de Louis et Pauline Viardot, qui est également présente dans ce tombeau. Ensemble, ils eurent une fille, Suzanne DUVERNOY (1882-1970), musicienne également, qui repose ici aussi.
Suzanne épousa Louis Beaulieu avec lequel elle eut une fille, Claude Beaulieu, épouse Brach-Papa. Chanteuse, elle devint pédagogue et enseigna dans son petit appartement du Marais jusqu’à un âge avancé. Parmi ses nombreux élèves figure le baryton-basse Laurent Naouri, ou les sopranos Céline Ricci et Lorraine Ouvrieu. Décédée en 2012, Claude Beaulieu-Brach fut inhumée dans le tombeau de Pauline et Louis Viardot, ses arrières-grands-parents.
C’est enfin à Montparnasse, dans la 12ème division, que se trouve une autre fille de Pauline Viardot : Claudie (1852-1914). Elle repose auprès de son époux, l’éditeur Georges Chamerot (1845-1922).
[1] Petite pièce de théâtre courte et légère, parlée et chantée, dont la plus grande vogue se remarque dans la seconde moitié du XVIIIe s. On la représentait comme intermède entre les actes d’une tragédie, d’une grande comédie, ou à la fin d’une fête.
[2] Les témoins de leur mariage n’étaient autre que Tourgueniev et Gounod ! Elle avait été fiancée auparavant avec Gabriel Fauré.
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