COMPIÈGNE (60) : cimetières
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Les cimetières de Compiègne ont connu une histoire similaire à celle de toutes les villes françaises.
Le cimetière de Clamart
Suite à l’interdiction de se faire inhumer dans les églises, Compiègne vit disparaître progressivement ses cimetières paroissiaux. Pour faire face aux besoins, on ouvrit à l’ultime fin du XVIIIe siècle un plus grand cimetière : le cimetière de Clamart. Rapidement débordé par la croissance urbaine, on élabora deux nouveaux cimetières urbains beaucoup plus grand : celui du Nord (ouvert en 1885) puis celui du Sud (en 1898). L’ancien cimetière de Clamart fut fermé en 1880, désaffecté et laissé à l’abandon. On en fit un parc après la Seconde Guerre mondiale : le parc Songeons.
On a laissé dans ce parc l’ancienne porte du cimetière, ainsi que deux tombeaux.
- Mort du major Otenin.
On y trouve également une pierre tumulaire à la mémoire du Major Otenin. François Otenin (1770-1814) était un militaire s’étant illustré pour avoir tenu tête, ne disposant que de faibles moyens, à l’armée prussienne lors de la défense de Compiègne en 1814. Lors du siège, il vit sur la terrasse du château une jeune recrue qui manœuvrait maladroitement son fusil. Il lui pris l’arme des mains afin de lui montrer la façon de s’en servir, mais à ce moment une balle l’atteignit en pleine poitrine. Compiègne ne fut pas prise et ne capitula que lorsque les coalisés furent entrés dans Paris. Il fut inhumé au cimetière de Clamart. Le Conseil municipal fit placée au cimetière le 21 mars 1865 une pierre tumulaire portant les inscriptions suivantes : « A la mémoire de François Ostenin, Major au 136e Régiment de Ligne, Officier de la Légion d’Honneur, Né à Beauzée (Meuse) le 19 février 1770, mort le 1er avril 1814 en défendant à la tête d’une très faible garnison la place de Compiègne assiégée par un corps d’armée de dix-huit mille prussiens. La ville de Compiègne reconnaissante. ». Avec le temps, la tombe disparut et on ne retrouva plus son emplacement. Lorsque le parc Songeons remplaça le cimetière, on y replaça une plaque relativement similaire.
Le cimetière du Nord
Le cimetière Nord est donc le plus vieux cimetière patrimonial de la ville. Il a plutôt fier allure, avec des allées boisées et quelques beaux monuments et chapelles des notables de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Y reposent :
Ferdinand BAC (Ferdinand-Sigismond Bach : 1859-1952) : fils d’un fils naturel de
Jérôme Bonaparte, né en Allemagne, il rejoignit la vie artistique parisienne où il s’imposa alors comme l’un des premiers dessinateurs et caricaturistes de son temps, aussi célèbre qu’Albert Robida, Job, Sem, Jean-Louis Forain ou Caran d’Ache. Il fut également écrivain, décorateur, peintre, ferronnier, paysagiste et lithographe français. Il donna son nom à un collège de Compiègne.
Georges BOURSON (1867-1936), propriétaire de la Gazette de l’Oise qu’il a imprimée et dirigée pendant plus de quarante ans.
Alphonse CHOVET (1831-1905) : Avocat, maire de Compiègne, il fut sénateur de l’Oise de 1888 à 1905. Le buste qui ornait sa tombe a disparu.
Jean LHUILLIER (1888-1954) : maire de Compiègne de 1940 à 1944, sous l’occupation, il eut l’intuition de faire vider le contenu du wagon de l’Armistice de 1918 avant l’attaque allemande de mai 1940. Table, chaises, encriers, tout a été emporté par camion. L’ensemble passa la guerre incognito dans les réserves du château impérial de Compiègne, si bien qu’on peut encore les voir aujourd’hui dans le wagon actuel, sur le site, qui est une copie de l’original, qui bien que non détruit par Hitler comme le raconte une légende tenace, connut bien des vicissitudes (voir à ce sujet le lien vers un très intéressant article sur le sujet). Sa tombe précise qu’il fut président des Amis de l’Armistice.
Le collectionneur Antoine VIVENEL (1799-1862) : né d’une longue lignée d’artisans compiégnois qui ont fait du bâtiment leur domaine d’élection, il devint entrepreneur de travaux après sa formation d’architecte. Il conduisit pour son propre compte de grands chantiers dans la capitale, dont les plus importants à mettre à son actif sont, entre autres, la reconstruction de l’Hôtel de Ville de Paris en 1835, l’édification des fontaines Molière et Saint-Sulpice, ou l’aménagement de la crypte des Invalides pour le futur tombeau de Napoléon. Ces contrats prestigieux le mirent rapidement à la tête d’une fortune considérable qu’il employa, pour l’essentiel, à réunir patiemment, de 1825 à 1848, une collection de plus de 4 000 objets d’art allant de l’Antiquité à l’époque contemporaine, collection devenu musée qu’il abandonna à la ville de Compiègne. Son trait de vie fastueux, sa générosité et également des procès contre lui eurent raison de sa fortune : ses obsèques furent prises en charge par la ville et l’inhumation fut faite dans le superbe monument que Vivenel avait fait construire lors du décès de son père en 1839.
José THÉRY (Joseph Thery : 1868-1946), avocat, romancier et auteur dramatique, auteur notamment de La Bâtonnière (1938), histoire de la première femme ayant occupé cette fonction. José Théry a été l’avocat de Guillaume Apollinaire en 1911 à l’occasion de l’affaire des statues phéniciennes du Louvre. Il a collaboré au Mercure (rubrique des “Questions juridiques”) et à L’Œuvre. Sa tombe rend hommage à son fils Jean-Paul, jeune étudiant en droit mort à 17 ans en 1929. Elle est ornée par trois bas-reliefs : celui du centre est signé Auguste Maillard.
Le cimetière du Sud
Ouvert en 1898, le cimetière Sud jouxte la nécropole nationale de Royallieu. Même si les deux sont distincts, on peut accéder de l’un à l’autre à l’intérieur des deux cimetières.
- Une tombe collective contient « 137 internés du camp de concentration nazi de Royallieu, hommes, femmes, adolescents, de toutes nationalités et confessions torturés ou fusillés entre juin 1941 et août 1944 ».
Dans le beau tombeau Boyenval (une famille de tailleurs de pierres à l’origine) reposent Jean-Daniel JURGENSEN (1917-1987), engagé avec son épouse dans la Résistance gaulliste, il œuvra à l’unification des mouvements de la résistance non-communiste, notamment au sein du comité directeur clandestin du Mouvement de libération nationale (MLN). À la libération de Paris, il occupa l’hôtel de ville et prit possession du Pariser Zeitung pour y installer les journaux issus de la Résistance (Défense de la France, Franc-Tireur, Combat). Défense de la France parait ainsi au grand jour dès le 21 août 1944, cinq jours avant l’arrivée de la Division Leclerc. Délégué au titre du MLN à l’Assemblée Consultative Provisoire en novembre 1944, il continua à écrire dans Défense de la France, qui devint France-Soir quelques semaines plus tard. Il fut élu en 1945 au Conseil Municipal de Paris et au Conseil Général de la Seine, puis député de la Seine à la première Assemblée constituante sous l’étiquette UDSR. En même temps, il développa différents projets de presse, dont le magazine France et Monde, qui parut de 1945 à 1946 et dont la formule « à l’américaine » inspira plus tard celle de L’Express. Il fut l’auteur, avec Robert Salmon, d’un projet de constitution basé sur un système présidentiel qui inspira, plus tard, les rédacteurs de 1958. Il mena par la suite une carrière diplomatique : il fut en particulier ambassadeur en Inde, puis aux Pays-Bas, et élevé à la dignité d’Ambassadeur de France. Avec lui repose son épouse, la journaliste Rose VINCENT (Marie Rose Treffot-Jurgensen : 1918-2011). Enseignante, puis Résistante, elle devint journaliste et écrivaine après la Seconde Guerre mondiale. Elle fut l’auteur de nombreux ouvrages aussi bien dans son domaine de prédilection, l’éducation des enfants, que sur l’Inde, où elle vécut au quatre ans (elle apprit l’Hindi pour connaître cette civilisation, et débuta sa carrière d’écrivaine avec son premier ouvrage Mohini ou l’Inde des femmes), et de romans qui reçurent plusieurs prix.
Nécropole national de Royallieu
La nécropole nationale de Compiègne est édifiée par l’État français en 1921, à l’endroit où se situait, depuis février 1918, le cimetière militaire de l’hôpital militaire français n°16, installé à proximité. D’une superficie de 11 527 m2, elle contient 3 257 corps dont 264 en ossuaires. S’y trouvent également les tombes de 81 Britanniques (dont 26 n’ont pu être identifiés), onze Russes, un Belge (décédé le 21 juillet 1917), un Allemand (dans un des ossuaires) et trois Français tués au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Sont regroupées dans cette nécropole des tombes provenant des cimetières provisoires d’Attichy (841 Français, un Britannique tué en août 1914, un Russe et 31 Allemands), de Pierrefonds (600 Français, 72 Britanniques, 34 Allemands), de Choisy-au-Bac, Berneuil-sur-Aisne, Trosly-Breuil, Cuise-la-Motte et Saint-Crépin.
On y trouve la tombe [1] de Jean-Bertrand PÉGOT-OGIER (1877-1915). Né à Salamanque, mais fixé à Hennebont, dans le Morbihan, dès l’enfance, il partagea plus tard son temps entre Paris et les confins du Morbihan et du Sud-Finistère. Peintre, son œuvre, tantôt marquée par l’impressionnisme, tantôt par le synthétisme, fut consacrée à la Bretagne (il intégra l’École de Concarneau). Des expositions et sa participation régulière aux Salons jalonnèrent une carrière qui s’annonçait brillante, mais que la guerre vient brutalement interrompre. Il fut également coureur cycliste et remporta quelques championnats. Il mourut au front à Moulin-sous-Touvent (60).
Photo Bac : Beyern
[1] tombe 71, carré I
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