SAINT-TROPEZ (83) : cimetière marin
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Saint-Tropez ! Tout un mythe, variable selon les sensibilités : le petit port charmant qui attira une école d’artistes autour de Dunoyer de Segonzac ? La retraite de la si fantasmée et si polémique BB ? L’improbable gendarmerie du maréchal des logis Ludovic Cruchot, toujours autant photographiée ? La clinquante station pour faux VIP et starlettes sans imagination, Has been ou never been, donnant en été, à des touristes en mal de rêve, reluquant des terrasses à des prix indécents, la sensation d’être "quelque chose"...
Le cimetière épouse toutes ces dimensions. Demeure le site, extraordinaire, faisant du cimetière de Saint-Tropez, au delà de tous les poncifs, l’un des plus beaux de France.
Si l’on s’intéresse à l’histoire des lieux d’inhumation de la ville, le cimetière ne s’est pas toujours trouvé implanté sous la Citadelle.
Sous l’ancien régime, les corps étaient enterrés derrière l’église, sur la place de l’Ormeau. Mais il ne s’agissait pas du seul lieu d’inhumation, la chapelle du Couvent tenue à partir du XVIIe siècle par les moines capucins abritait également des sépultures. Les recherches menées par Laurent Pavlidis, du service culturel, permettent de découvrir qu’en 1893, onze séculiers avaient été enterrés dans la chapelle. Quant à la chapelle de la Miséricorde était occupée par deux confréries : celle des Pénitents et celle des Boulangers. Chacune de ces associations avait un caveau dans la chapelle.
La situation change en 1776 lorsque Louis XVI, dans une ordonnance, interdit les inhumations dans les églises et ordonne le déplacement des cimetières situés dans l’enceinte des habitations. À Saint-Tropez, la décision est prise de transférer le cimetière à l’actuel Pré-des-Pêcheurs. Mais la terre à la fois rocheuse et peu profonde pose un lourd problème d’hygiène. Les riverains de la Ponche se plaignent. En 1783, les consuls envisagent un transfert de lieu.
Il fallut attendre 1791 pour qu’un lieu nommé Roqueplane, en contrebas de la Citadelle, propriété des frères Martin, notables de la ville, soit choisi puis aménagé. Le nouveau cimetière fut, par la suite, l’objet d’agrandissements au cours des XIXe et XXe siècles.
Le premier eut lieu en 1855, alors que le conseil municipal envisageait une extension vers le Sud-Ouest, les pêcheurs cèdent un terrain à côté du cimetière et reçoivent, en échange, le pré des pêcheurs. Le second en 1871 après une épidémie de variole. Le troisième en 1894 puis 1920, 1960 et enfin 1980 avec la création de la crypte. Mais déjà à l’époque du XIXe siècle, « les extensions successives permettent de se rendre compte du manque récurent de place » analyse Laurent Pavlidis.
Il existe en réalité deux cimetières de Saint-Tropez : le premier est la partie ancienne, à l’entrée, qui est de loin la plus esthétique, mais dans laquelle les "vedettes" sont peu nombreuses : c’est le cimetière des capitaines au long cours dont les tombes blanches se dessinent sur le fond azuréen de la Méditerranée. A ce cimetière ancien ont été ajoutées plusieurs extensions de tombes sans grâce (généralement des tombeaux massifs) dans lesquelles se trouvent l’essentiel des personnalités du cimetière.
Curiosités
Su la tombe d’un homme jeune, une vitrine contient toute une série de petits personnages.
Une tombe célèbre la mémoire du pilote Guy Lévy-Despas, alias Carlet, engagé dans la Royal Canadian Air Force, qui fut abattu après avoir décollé de Malte pour intercepter une formation ennemie attaquant l’île assiégée le 9 juillet 1942. Il disparut en mer.
Sur la tombe d’une jeune père, un casque de moto en granit témoigne d’une passion qui l’a peut-être tuée.
Peu de témoignages artistiques : on notera le petit visage rieur d’un enfant mort à 8 ans (tombe Calbat).
Célébrités : les incontournables...
Pierre BACHELET
Eddie BARCLAY
André DUNOYER de SEGONZAC
Roger VADIM
Le tombeau de famille Ollivier abrite, parmi d’autres membres de la famille, la fille de Liszt (voir l’article sur Emile Ollivier)
Derrière un gigantesque laurier rose, la très probable future tombe de Brigitte Bardot, auprès de ses parents.
... mais aussi
Alexandre de Paris (Louis Alexandre Raimon : 1922-2008), qui fut l’un des plus célèbres maîtres coiffeur français. Surnommé le « prince de la coiffure » et considéré avant tout comme un artiste capillaire, il fut l’un des fondateurs de la « haute coiffure ».
Il avait débuté sa carrière en 1938 comme apprenti dans le plus prestigieux salon de coiffure de Cannes. Il devient « premier garçon » du salon Antoine, puis se fit connaître en 1946 en réalisant la coiffure de mariage de la Bégum Aga Khan (Yvette Labrousse). Il inventa la même année le concept du chignon artistique et travailla pendant plus de quarante ans avec les plus grands maîtres
de la haute-couture. En 1952, Alexandre s’installa à Paris en association avec les sœurs Carita, puis il ouvrit son premier salon cinq ans plus tard en 1957 dans la même rue du Faubourg-Saint-Honoré. Jean Cocteau, son ami, dessina son logo et la typographie de son nom, le surnommant le « Sphinx de la Coiffure ». Il fut évidemment durant cinquante ans le coiffeur du Gotha.
Parmi ses nombreux coups d’éclat, il créa pour Elizabeth Taylor la légendaire coiffure qu’elle portait dans le film Cléopâtre.
Il repose dans sa ville natale de Saint-Tropez.
Geneviève de COLMONT (+1973), figure tropézienne qui en 1936 avait descendu les rapides du Colorado en kayak.
Le compositeur Louis DUREY (1888-1979), qui fut l’un des membres du Groupe des Six. Il avait découvert l’univers musical après avoir écouté Claude Debussy, et sa formation fut essentiellement autodidacte, même s’il suivit les cours de la Schola Cantorum. Il composa sa première œuvre en 1914. En 1917, avec Georges Auric, Arthur Honegger et Erik Satie, il fonda le groupe Nouveaux jeunes qui devint par la suite le groupe des Six dont il était l’aîné. En 1921, il ne participa pas pourtant à l’écriture collective de la musique pour « les Mariés de la tour Eiffel » de Jean Cocteau signant ainsi sa séparation effective avec le groupe et la fin de ce dernier, qui acheva de se dissocier en 1924. Il séjourna quelques années à Saint-Tropez où il se maria et composa son unique comédie lyrique : l’Occasion en 1923. Au milieu des années 1930, il rejoignit le parti communiste français et participa activement à la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période, il fit un important travail musicologique de reconstitution de chants anciens de Clément Janequin, Orlando Lassus et autres compositeurs. Il fut également critique musical dans les années 1920, activité qu’il retrouva après-guerre pour le compte du journal L’Humanité. Sa tombe, tout au fond du cimetière (caveau Grangeon-Durey-Vacek), était on ne peut plus discrète, et seule une plaque quasiment illisible le signalait au visiteur ! Il semble qu’une tombe plus repérable ait été aménagée récemment.
Le peintre tropézien Emile GAUD (1920-2007). Sa tombe est magnifique : la stèle reproduit son profil sur fond du village tandis que la dalle figure dans le minéral les oscillations du sable recouvert de quelques gros coquillages.
L’endocrinologue Alfred GILBERT-DREYFUS (1902-1989), membre de l’Académie de Médecine.
Le peintre Henri MANGUIN (1874-1949), ancien élève de Moreau, ami de Matisse, Rouault et Albert Marquet, il fut fortement influencé par l’évolution fauviste dont il fut l’un des principaux créateurs, mais revint plus tard à une peinture plus assagie, fortement marquée par l’influence de Cézanne.
Le peintre Auguste PÉGURIER (1856-1936), considéré comme le "premier peintre de Saint-Tropez, qui peignit justement ce cimetière à une époque où il avait une toute autre physionomie. Je n’ai pas retrouvé sa tombe.
La peintre et illustratrice Annette POLONY (1925-1989).
La peintre Stefa PRUSSAK-BRILLOUIN (1890-1966).
Le comédien Philippe ROULEAU (1940-2009), au visage si familier. Fils de l’acteur-metteur en scène Raymond Rouleau et de l’actrice Françoise Lugagne. Présent au cinéma, c’est surtout la télévision qui lui donna des rôles dans les années 70-80, et on se souvient de lui pour sa participation à des séries télévisées telles Médecins de nuit ou Châteauvallon. Il repose sous un tapis de galets blancs, son épitaphe proclamant "en voiture pour les anges".
Alexandre SANGUINETTI (1913-1980) : militant de l’Action française dans l’entre-deux-guerres, il s’engagea en 1943 dans l’Armée d’Afrique. À la Libération, il côtoya à nouveau l’extrême-droite française. Il milita alors pour l’Algérie française et fit partie des organisateurs du retour au pouvoir de Charles de Gaulle lors de la crise de mai 1958. Il fut alors chargé de la lutte contre ses anciens amis, qui avaient lancé l’OAS. Sanguinetti participa à la fondation du Service d’action civique (SAC), sorte de police parallèle du gaullisme. Elu en 1962 député à Paris, ministre des Anciens combattants dans le troisième gouvernement de Pompidou, il fut ensuite nommé président de la Société du tunnel sous le Mont-Blanc puis devint secrétaire général de l’UDR en 1973-1974. Soutenant Michel Debré pour l’élection de 1981, il démissionna en décembre 1978 du RPR. Il aurait eu connaissance de quelques aspects de l’affaire Robert Boulin.
Le Compagnon de la Libération Henri SIMON (1896-1987), ancien poilu de la Première Guerre mondiale, qui organisa un réseau de résistance dans les Bouches-du-Rhône et mis en place la libération de Marseille.
Le metteur en scène d’opéras Jean-Marie SIMON (1936-1991), qui fut également décorateur pour le théâtre et le cinéma.
Justin TUVERI (1898-2007) : celui qui fut l’un des derniers combattants de la Première Guerre mondiale, mort à 109 ans, n’émargeait pas dans la liste officielle des derniers poilus, car il avait combattu sur le front italien. Il s’était réfugié en France dans les années 20 pour fuir le fascisme.
Le peintre Alfred VACHON (1907-1994).
Charles VILDRAC (Charles Messager : 1882-1971) : poète et dramaturge français, il fonda avec Georges Duhamel le groupe de l’Abbaye, une expérience communautaire en bord de Marne ouverte aux artistes (1906-1908) d’où naquit "l’unanimisme", dont Jules Romains devait écrire plus tard le manifeste. La première pièce de théâtre de Vildrac, Le Paquebot Tenacity, eut, en 1920, un grand succès et reste la plus connue de ses oeuvres pour adultes. A partir de 1924, il écrivit des contes et des romans pour les enfants, dont le plus connu est certainement L’île rose.
Sources pour l’historique du lieu : article de Laura Fournier du 02 novembre 2008 - Varmatin.com
Merci à Patrick de Graide pour la nouvelle photo Durey.
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