BERCHTESGADEN : Bergfriedhof
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Berchtesgaden est un village croquignolet jusqu’à sa caricature de la Bavière allemande, à quelques kilomètres de l’Autriche, dans un paysage alpin proprement époustouflant de montagnes boisées. Pourtant, on ne peut défaire l’association sans doute définitive de cette évocation charmante de l’ombre absolue d’Hitler qui y avait établi son nid d’aigle, et d’où il dirigea, une bonne partie de son règne impitoyable, les destinées du Reich et de l’Europe.
De fait, comme nous le verrons, cette présence est totale dans le « nouveau cimetière » (l’ancien fera l’objet d’un autre article). Durant le IIIe Reich, de nombreuses notabilités nazies y avaient établi leur résidence pour être plus près du pouvoir central. Certains reposent désormais ici dans un cadre bucolique, et ce contraste est d’ailleurs assez dérangeant.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, nonobstant l’intensité des bombardements de la région à la fin de la guerre, Berchtesgaden n’a pas tant changé que cela. Les svastikas ont disparu des murs, mais nombre d’hôtels qui accueillaient l’élite nazie en villégiature, de bâtiments ou de structures de protection militaire (Hitler était totalement paranoïaque, sans doute avec raison d’ailleurs) sont toujours là.
Le Bergfriedhof se trouve à la périphérie de la ville. Il est très représentatif des cimetières de la Bavière des montages : croix de bois à auvent pour les protéger de la neige ; nombreuses sculptures sur bois, le plus souvent religieuses et représentant le saint éponyme du défunt ; dimension minérale forte (nombre de « stèles » sont en réalité des blocs rocheux taillés), prégnance de la végétation domestiquée (pelouse, conifères, fleurs innombrables...).
Parmi les tombes de ce paysage faussement champêtre se dissimulent plusieurs personnalités dont la notoriété dépasse de très loin la Bavière.
Le général Rudolf SCHMUNDT (1896-1944), détaché auprès du Führer. Principal aide de camp de Hitler, Schmundt fut nommé chef du bureau du personnel de l’Armée de terre de 1942 à sa mort et exerça ainsi une influence décisive sur la politique de gestion du personnel de l’Armée de terre. Il fut l’une des victimes de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler. Selon ses dernières volontés, une cérémonie d’hommage se tint au mémorial de Tannenberg. Sa dépouille mortelle fut ensuite transportée à Berlin pour que le lendemain il soit inhumé, avec les honneurs militaires, à l’Invalidenfriedhof de Berlin. Cette tombe familiale, où repose son épouse et son fils, lui tient lieu de cénotaphe.
Magda SCHNEIDER (Maria-Magdalena Schneider : 1909-1996) : comédienne et chanteuse allemande, qui ignore encore qu’elle fut surtout la mère de Romy Schneider, qui avait d’ailleurs utilisé son nom comme pseudonyme ? Personne n’a également oublié qu’elle jouait sa mère dans la série des Sissi ou d’autres bluettes autrichiennes. La famille vivait dans le village voisin de Schönau am Königssee, et voisinait le cercle d’Adolf Hitler, dont Martin Bormann, qu’elle côtoya. Elle ne repose pas avec le père de Romy dont elle s’était séparé (Wolf Albach-Retty, qui repose au Zentralfriedhof de Vienne) mais avec ses parents et son troisième époux, le caméraman Horst Fehlhaber (1919-2010).
Fritz TODT (1891-1942) : ingénieur allemand de travaux publics ; figure national- socialiste importante, il fut le fondateur de l’Organisation qui porta son nom, chargée de la réalisation d’un grand nombre de projets de construction, dans les domaines civil et militaire, tant en Allemagne que dans les pays d’Europe sous domination nazie. La plus célèbre d’entre toutes fut le célèbre mur de l’Atlantique, dont témoignent encore aujourd’hui la multitude de bunkers plus ou moins échoués sur nos plages. De 1940 à 1942, il fut nommé ministre du Reich pour l’Armement et les Munitions. Il périt dans un accident d’avion. Une cérémonie mortuaire officielle fut organisée à Berlin, et il fut inhumé à l’Invalidenfriedhof de la ville. Les Alliés en 1945 ordonnèrent de détruire les monuments funéraires des anciens dignitaires du national-socialisme. Celle de Todt le fut, mais sa dépouille est toujours en terre au cimetière des Invalides. Pour lui aussi, cette tombe familiale tient lieu de cénotaphe.
Ce cimetière recèle cependant, malgré sa confidentialité énigmatique, une tombe bien plus chargée de symbole : celle de la plus jeune soeur d’Hitler, Paula (1896-1960). À la demande de son frère, elle changea son patronyme et se nomma Paula Wolff (Wolf signifie « loup » en allemand, le surnom donné à Hitler). Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle occupea un poste de secrétaire d’un hôpital militaire jusqu’à la fin du conflit, où elle fut arrêtée par des officiers de renseignement américains en mai 1945. Elle fut libérée, et partit s’installer à Vienne où elle travailla dans une boutique d’artisanat jusqu’en 1952. Revenue à Berchtesgaden où elle vécut en recluse dans un logement de deux pièces, elle décéda dans l’anonymat en 1960. Elle fut inhumée ici où son identité fut portée sur la croix sous laquelle elle reposait. En 2005, l’emplacement fut récupéré pour un couple, les Reis, qui s’y firent inhumer.
Toutes les sources corroborent l’idée que Paula Hitler repose toujours avec eux, sous la même croix (la plaque d’identité des Reis a simplement été vissé sur la précédente plaque). Une autre thèse, moins probable, indique qu’elle fut réinhumée dans un emplacement toujours vide juste devant sa tombe d’origine. Quoiqu’il en soit, sur la plaque des Reis a été gravé maladroitement avec un canif une croix signifiant sa présence que seuls peuvent détecter les initiés... historien pugnace ou nostalgique du Reich ?
- L’ancienne plaque
- La nouvelle plaque et la marque (à droite)
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