AUXERRE (89) : cimetière Dunant
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Le cimetière d’Auxerre vaut vraiment le coup d’oeil : en premier lieu, il est l’un des plus vieux cimetière de ce type dans une grande ville puisqu’il date de la Révolution (ce qui fait qu’il est « plus ancien que le Père-Lachaise » comme le clament les brochures locales). Connu sous le nom de cimetière Dunant, il est en réalité la résultante de quatre cimetières distincts, séparés aujourd’hui par des bornes discrètes : cimetière des Capucins, nouveau cimetière, cimetière Legueux et cimetière Dunand ».
En janvier 1793, l’enclos des Capucins est vendu comme bien national au citoyen Legueux-Cochois, sauf le jardin qui doit servir au nouveau cimetière d’Auxerre. Les premières inhumations sont pratiquées en novembre 1793, et l’aménagement du nouveau site est complet dès avril 1794. Cet ensemble forme le « cimetière des Capucins ». De 1826 à 1828, c’est l’agrandissement du cimetière par l’achat de deux vignes à l’est de l’enclos, donnant naissance au « nouveau cimetière ». En 1837, la ville achète le reste de la propriété Legueux à son fils, à l’ouest du « cimetière des Capucins », créant ainsi le « cimetière Legueux ». En 1837 enfin, la ville reçoit en legs un verger situé à l’est du « Nouveau cimetière », qui constitue le « cimetière Dunand » du nom de Thérèse Dunand, sa légataire. Ce cimetière est divisé en trois parties délimitées par des bornes. Les tombes les plus anciennes se situent dans la partie gauche par rapport à l’entrée. L’église de l’ancien couvent des Capucins est détruite en 1841-1842.
Cet histoire composite explique la grande variété visible dans le cimetière : si certains périmètres sont veufs de végétation, d’autres au contraire sont très arborés. Un très grand nombre de tombeaux méritent une visite, beaucoup il est vrai concernant des personnalités peu connus en dehors de la ville où ils donnèrent leur nom aux artères.
Auxerre a su concilier les exigences d’un cimetière moderne (et ses inévitables reprises) et la conservation d’un riche patrimoine de tombes anciennes qui donne à cette nécropole une identité remarquable.
Célébrités : les incontournables...
C’est en vain qu’on cherchera la tombe de « Cadet » ROUSSEL (Guillaume Rousselle : 1743-1807) qui s’y fit pourtant peut-être inhumer. Jurassien venu s’installer à l’âge de vingt ans à Auxerre, il y devint huissier et fit, dit-on, construire une petite maison biscornue avec loggia. C’est en 1792 qu’un de ses compatriotes facétieux le brocarda dans une chanson de son invention sur l’air de Jean de Nivelle. Adoptée par les Auxerrois, la chanson fut portée par les volontaires auxerrois partis faire la guerre contre l’Europe coalisée : elle devint alors le chant de ralliement de l’Armée du Nord ! Ainsi fut immortalisée pour la postérité ce « cadet Roussel » qui mourut sans enfant en 1807 !
C’est sans doute à Auxerre, où « l’on mange des paupiettes », que sera inhumée, une fois qu’elle aura enterré toute la famille, « Tatie » Danièle Billard, rejoignant ainsi dans le caveau familial son « cher » Edouard.
... mais aussi
Paul BERT (1833-1886) : il est « la » personnalité du cimetière, non seulement parce que sa notoriété dépasse la ville d’Auxerre, mais également parce que son admirable gisant est une oeuvre de Bartholdi. Physiologiste, brillant élève de Claude Bernard, il devint un médecin réputé qui enseigna à la Sorbonne et qui devint membre de l’Académie des sciences. Il devint un spécialiste de l’effet de la pression atmosphérique et de la pression d’oxygène sur l’être humain, réalisant un scaphandre et conseillant les aéronautes. Pourtant, c’est un autre domaine qui le fit connaître, celui de la politique. Député républicain, ministre de l’Instruction publique et ministre des Cultes du gouvernement Gambetta, il fut avec Jules Ferry le père fondateur de l’école gratuite, laïque et obligatoire (ce qui explique que de nombreux établissements scolaires portent son nom). Il se fit également remarquer par son anticléricalisme, et c’est lui qui donna naissance aux bataillons de « hussard noirs de la république ». Dans le contexte politiquement correct de notre époque, il est intéressant de noter que ce républicain très honoré (il n’ait qu’à compter le nombre de rues qui portent son nom) participa très activement à la diffusion des thèses racistes et colonialistes partagés par la plupart à son époque, notamment par le parution des manuels scolaires. Fervent adepte de la colonisation, il fut nommé Résident général au Tonkin et en Annam mais y mourut peu après son arrivée du choléra.
Le gisant en bronze de Bartholdi représente Paul Bert drapé à l’antique, mourant dans les plis du drapeau tricolore. Sa tête est posée sur un oreiller réhaussé par une pile de livres. Sur le granit, les deux mots Sciences et Patrie résument la double activité de Paul Bert. A l’arrière plan figure le rayonnement du soleil de la science, de la république.
François Louis BOUDIN de ROVILLE (1772-1838) : général d’Empire, il fut fait baron par Louis XVIII. Inhumé dans les Vosges, son corps fut rapatrié à Auxerre en 1890.
le peintre et homme de théatre Henri BROCHET (1898-1952), directeur de la revue théâtrale « Jeux, tréteaux et personnages ». Avec lui repose son fils, le sculpteur et graveur François BROCHET (1925-2001) qui signa plusieurs statues qui ornent la ville. Il fut en outre l’auteur de l’oeuvre qui orne cette tombe.
Jean-Roch COIGNET (1776-1865) : capitaine, il participa à toutes les campagnes du Consulat et de l’Empire (seize campagnes et quarante-huit batailles sans avoir jamais été blessé !). Retiré à Auxerre, tenant un bureau de tabac, il commença à écrire ses souvenirs après le décès de son épouse, survenu en août 1848. Ceux-ci furent publiés à Auxerre entre 1851 et 1853 sous le titre Aux vieux de la vieille. Un téléfilm s’inspirant de sa vie fut tourné à la fin des années 60. Sur sa chapelle est reproduite la liste interminable des campagnes qu’il mena. Elle est ornée d’un coeur de violettes, symbole bonapartiste.
Le poète et romancier Joseph Henri DALBY (1889-1981).
L’architecte Charles DONDENNE (1833-1917).
Edme Charles LEPERE (1823-1885) : avocat et journaliste, il fut député de l’Yonne de 1871 à sa mort. Sur les rangs de la Gauche radicale, il fut appelé à trois reprises au gouvernement entre 1877 et 1880, en particulier en tant que ministre de l’Intérieur et des cultes. C’est lui qui signa les fameux décrets de mars 1880 obligeant la Société de Jésus à quitter la France et soumettant les congrégations à autorisation. Le buste en bronze qui orne sa tombe est d’Emile Peynot.
Maurycy MOCHNAKI (1803-1834) : journaliste et critique musical polonais, il fustigea le classicisme et défendit un romantisme révolutionnaire tant dans l’art qu’en politique. Il fut proche du jeune Chopin. Il mourut en exil à Auxerre où il fut inhumé. Sa tombe, par władysław oleszczyński, se trouve à l’entrée du cimetière.
Jean MOREAU (1888-1972) : maire d’Auxerre de 1941 à 1944 puis de 1947 à 1971, président du Conseil général de 1949 à 1958, il fut élu aux deux Assemblées nationales constituantes puis à l’Assemblée nationale en qualité de député PRL puis CNI de l’Yonne de 1945 à 1958. Il fut ministre à quatre reprises sous la IVe République.
La poétesse Marie NOËL (Marie Rouget : 1883-1967), dont l‘œuvre est marquée par une forte dimension spirituelle. Sa statue, oeuvre de François brochet, orne l’une des places de la ville.
L’architecte Charles Juvénal OSMONT-D’AMILLY (1844-1908).
Le statuaire Fernand PY (1887-1949), auteur d’une production essentiellement religieuse. Il fut le professeur de François Brochet.
Charles Hippolyte RIBIÈRE (1822-1885) : républicain, il fut préfet de l’Yonne de 1870 à 1873, puis sénateur de ce même département à partir de 1876. Il était apparenté aux Flandin de Domecy- sur-Cure. Dans le même caveau repose son fils, Marcel RIBIÈRE (1860-1922), qui fut lui aussi sénateur de l’Yonne de 1887 à sa mort.
Étienne Pierre Sylvestre RICARD (1771-1843) : ancien aide de camp de Suchet, il devint général, baron d’Empire puis comte et Pair de France à la Restauration. Son nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe de Paris.
Pierre-François SAVATIER-LAROCHE (1804-1879) : juriste, il représenta l’Yonne à l’Assemblée de 1848 à 1851. Après le coup d’Etat de Napoléon III, il se retira de la vie politique et publia plusieurs ouvrages.
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