AIX-EN-PROVENCE (13) : cimetière des Milles
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Les Milles est un ancien village situé à 6 kms au Sud-Ouest d’Aix-en-Provence (à laquelle il appartient). Il est tristement célèbre pour son immense tuilerie qui servit durant la Seconde Guerre mondiale de camp d’internement pour une dizaine de milliers de juifs de la région ; antichambre pour 2000 d’entre-eux vers Auschwitz.
L’ancien cimetière, qui se trouvait comme partout en France à proximité de l’église (un parking occupe désormais son site) fut transféré à la fin du XIXe siècle à la périphérie Ouest du village, là où il se trouve désormais.
Le site
Le cimetière se trouve à proximité immédiate de la Tuilerie qui servit de camp, séparé d’elle par la voie de chemin de fer. Quasiment en face du cimetière se trouve la gare, lieu de départ des internés vers Drancy. On y trouve un wagon du souvenir : datant des années 40, semblable à ceux utilisés à l’époque, il fut restauré et placé ici en 2015.
- Le wagon du souvenir et, juste derrière, la tuilerie du camp des Milles. Le cimetière se trouve de l’autre coté de la voie.
La Tuilerie, derrière la voie, ouvrit en 1882, à proximité de sites d’extraction de l’argile et de la rivière, nécessaire pour l’eau. Elle fut ravagée par un incendie en 1911 et rebâtie. Elle ferma en 1939 et servit dès lors de camp d’internement. Elle retrouva son tôle entre 1946 et la fin des années 90 avant de fermer définitivement. Abandonnée, elle fut consolidée et devint en 2012 un Site-Mémorial très didactique à destination du public. En raison de la disparition de la quasi totalité des camps d’internement (Pithiviers, Beaune-la-Rolande...) et le réaménagement de la citée de la Muette pour l’habitation HLM (ce qui était sa fonction première) ; elle est l’unique site d’internement français n’ayant subi quasiment aucune modification : on peut ainsi y voir à l’intérieur de nombreuses fresques et graffiti réalisés par les prisonniers... De nombreux intellectuels et artistes y furent effectivement internés, dont Hans Bellmer et Max Ernst.
Le cimetière se divise assez clairement en différentes unités au fur et à mesure de ses agrandissements : on distingue ainsi une partie ancienne, datant du début du XXe siècle, caractérisée par la présence de chapelles. La partie centrale est occupée par les tombes du XXe siècle. Une partie destinée aux sépultures israélites s’y trouve, dans laquelle je n’ai trouvé aucune trace mémorielle de la présence de prisonniers du camps morts lors de leur internement.
- L’enclave israélite.
Plus à l’Ouest, la partie la plus contemporaine (XXIe siècle) à dimension paysagère est encore largement vide.
Curiosités
On trouve dans ce cimetière un Jean Panzani, parfait d’homonyme du fondateur de la marque de pâtes éponyme, mais ce dernier naquit 20 ans auparavant et fut inhumé dans les Deux-Sèvres.
Dans ce cimetière reposent :
Le Compagnon de la Libération Yves EZANNO (1912-1996). Aviateur rejoignant le général de Gaulle dès le mois de juin 1940, il combattit en Afrique et au Moyen-Orient avant de rejoindre le front de l’ouest où il s’illustra au-dessus de la France et des Pays-Bas. Restant dans l’armée après 1945, il participa aux guerres d’Indochine, de Corée et d’Algérie. Parvenu au grade de Général de Corps Aérien, il se retira de l’armée mais conserva des fonctions au sein de l’aéronautique civile.
L’architecte Aimé GAZEL (1878-1953). Une place d’Aix porte son nom. L’unique médaillon en bronze du cimetière (de facture assez médiocre) honore son épouse.
l’actrice Suzet MAÏS (Suzette Roux : 1908-1989), qui connut la notoriété dans les années 30 mais qui tourna jusqu’aux années 60 et qui joua également au théâtre. Elle incarna le plus souvent les vamps , les pestes et les pimbêches. Le Dictionnaire des comédiens français disparus d’Yvan Foucart la dit reposer dans ce cimetière, mais les recherches dans les registres ne la retrouvent pas (ni à Roux, ni à Maïs).
Le peintre, publicitaire, illustrateur et décorateur de théâtre Marcel SAHUT (1901-1990), apparenté à l’école de Paris. Fils et petit-fils de tailleurs de pierre volvicois, il légua son œuvre personnelle et ses collections à la ville de Volvic qui ouvrit un musée qui porte son nom en 1988. C’est néanmoins ici qu’il repose.
L’historien Michel VOVELLE (1933-2018), membre du Parti communiste français, dont il resta proche tout au long de sa vie. Il étudia d’abord l’histoire religieuse de la France et s’intéressa notamment au phénomène de la déchristianisation en Provence, sujet de la thèse qu’il soutint en 1971. C’est par ce prisme qu’il devint ensuite spécialiste de la Révolution française, dont il choisit d’abord d’étudier les aspects religieux à l’aune de l’évolution des idées, de l’imagerie populaire et des croyances de l’époque. Ses positions reçurent la vive opposition du courant des historiens critiques de la Révolution mené par François Furet ainsi que celle de la droite française, en particulier dans le cadre des commémorations du bicentenaire de la Révolution. Professeur émérite à la Sorbonne, directeur de l’Institut d’Histoire de la Révolution française de 1981 à 1993, Michel Vovelle fut également président du conseil scientifique et technique du musée de la Révolution française. Il publia plusieurs ouvrages relatifs à la mort, où l’étude des cimetières n’est pas absente (La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, La Ville des morts, essai sur l’imaginaire collectif urbain d’après les cimetières provençaux, 1800-1980...). Il repose auprès de ses deux épouses successives.
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