BRUXELLES (Belgique) : cimetière de Laeken
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L’histoire du cimetière de Laeken ressemble à celle de tous les cimetières urbains d’Europe : engorgements des vieux cimetières paroissiaux, volontés hygiénistes, création des grandes nécropoles « modernes » à l’extérieur des villes...
Le cimetière de Laeken demeure cependant le plus ancien des cimetières bruxellois encore en fonction puisqu’il est attesté sur les gravures dès le XVIIe siècle. A l’origine, Laeken était une petite bourgade rurale connue pour un pèlerinage à Notre-Dame. Il dut son succès, à partir du XVIIIe siècle, à l’installation des gouverneurs généraux autrichiens dans leur résidence proche de Schoonenberg, mais surtout, à partir des débuts de la monarchie belge, à l’inhumation de la première reine de Belgique, Louise-Marie d’Orléans, dans la chapelle Sainte-Barbe (correspondant à l’ancienne église, dont il ne reste que le choeur, au milieu du cimetière : voir plus loin).
Face à l’extension de la ville, le manque de place se fit sentir dès les années 1870 : l’ingénieur Emile Bockstael conçut un réseau de galeries funéraires souterraines. Ce type de galeries, assez classique dans l’Europe du sud, ne l’est pas du tout dans celle du nord. Ces galeries sont actuellement en réfection. L’ensemble fut complété, en 1932, par la construction d’un columbarium.
Aujourd’hui, le cimetière jouxte la nouvelle église Notre-Dame de Laeken, édifiée sur ordre du roi Léopold Ier pour servir, en particulier, de panthéon de sa dynastie. Son site verdoyant et la présence d’œuvres sculptées de qualité le voit régulièrement qualifier de « Père Lachaise bruxellois ». Avec un peu moins de 8 hectares, c’est un cimetière à taille humaine.
Lors de ma visite, le beau temps n’était pas au rendez-vous et les cryptes étaient en réfection : une partie du cimetière de surface était peu accessible.
Curiosités
La vieille église, délabrée, fut partiellement abattue : la partie du choeur conservée est refermée par une nouvelle façade reprenant un portail néogothique. Elle constitue désormais la vieille chapelle du cimetière. Derrière son chevet, la dalle du curé de Laeken Van Beneden (+1649) est sans nul doute la plus ancienne sépulture du lieu.
Des carrés militaires occupent une place conséquente et constituent la dernière extension de la nécropole.
Devant l’entrée du cimetière, un monument unique au monde, à savoir celui d’un « soldat inconnu français » (en terre belge !).
De nombreux monuments ont été réalisés dans l’atelier du sculpteur et tailleur de pierre Ernest Salu, situé juste à côté de l’entrée du cimetière et devenu aujourd’hui musée d’art funéraire.
Dans les galeries souterraines se trouve le monument funéraire du conseiller Bortier (+1830), une allégorie en marbre blanc de la Charité par le sculpteur Philippe Parmentier. Cette oeuvre se trouvait initialement dans l’église paroissiale de Laeken.
Parmi les œuvres d’art, ce cimetière à la particularité d’abriter un exemplaire en bronze original du Penseur de Rodin : elle orne la tombe du collectionneur et critique d’art Joseph Dillen (+1935).
Dans la chapelle Evrard-Flignot, un curieux phénomène se produit à chaque solstice d’été : pénétrant par une ouverture de la toiture du petit temple funéraire, le soleil y dessine dans la pénombre un cœur lumineux.
La fille du maréchal Masséna, mariée à un jardinier bruxellois, repose ici.
Parfois, la végétation et la pierre se mêlent de manière surprenante !
Dans la partie ancienne du cimetière se trouve un grand calvaire.
La statuaire est très présente dans ce cimetière, mais toujours sous des formes extrêmement classiques et conformistes : on ne peut pas dire que Laeken est le lieu de l’audace artistique !
Célébrités : les incontournables...
Exceptionnellement, je placerai dans cette rubrique les personnalités dont la notoriété dépasse les frontières du royaume belge. Cependant, les lecteurs belges de mon site étant nombreux, j’ai établi dans la catégorie « mais aussi » la liste la plus complète, à défaut d’être exhaustive, des célébrités belges inhumées à Laeken.
La star des lieux demeure incontestablement la mezzo-soprano connue sous le nom de Malibran, qui repose avec son époux, Charles de Bériot.
D’une notoriété moindre, mais pas totalement inconnus en France, reposent également ici :
Le cénotaphe du général BELLIARD
L’ingénieur Camille JENATZY (1868-1913), qui s’intéressa à la fin de ses études à la traction électrique pour les automobiles. Porteur d’une barbe rousse, mince et très nerveux, il était surnommé le « Diable rouge » en Angleterre (« Red Devil »). Arrivé à Paris, il entreprit de fabriquer des fiacres électriques. Dans ses efforts de publicité, il construit un bolide en forme d’obus, La Jamais contente, qui lui permit de dépasser le 29 avril 1899 pour la première fois les 100 km/h sur route à Achères, dans les Yvelines.
- C. Jenatzy à bord de la Jamais contente
À la mort de son père, il dut reprendre la manufacture de caoutchouc, ce qui ne l’empêcha pas de rester un excellent pilote de course. En 1909, il atteignit 200 km/h à Ostende à bord d’une Mercedes. Il mourut accidentellement à la chasse. A coté de sa tombe se trouve celle de son frère, Ferréol JENATZY (1881-1952), également coureur automobile. Le médaillon en bronze qui orne la tombe honore son père.
Le peintre Fernand KHNOPFF
Le peintre Xavier MILLERY (1845-1921), qui fut marqué à Rome par la peinture du quattrocento. Il laisse des compositions symboliques peuplées de figures allégoriques et mythologiques monumentales fort différentes. Souvent exécutées à la sépia sur fond d’or, ces compositions sont un véritable tribut à l’esthétique en faveur à la fin du siècle. Il fut l’un des formateurs de Fernand Khnopff.
Le peintre néoclassique François-Joseph NAVEZ (1787-1869), dont les portraits ne sont pas sans faire penser au style de David de qui il fut l’élève. Il réalisa aussi de nombreuses scènes mythologiques et historiques. Il fut également l’un des créateurs des la scène de genre à l’italienne. Directeur de l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles de 1835 à 1862, il forma de nombreux artistes, dont l’orientaliste Jean-François Portaels (son gendre) ainsi qu’Alfred Stevens.
La pianiste Marie PLEYEL
On signalera encore la présence du père de Marguerite Yourcenar dans ce cimetière.
... mais aussi
Jan BAES (1848-1914), architecte du Théâtre royal flamand de Bruxelles.
L’architecte Alphonse BALAT (1818-1895) (serres du palais de Laeken). Tombe signée E. Salu.
Jean-Valentin BENDER (1801-1873), Chef de Musique de l’Armée et du Roi Léopold Ier, compositeur de la marche du 1er Guides et celle du 1er Grenadiers.
Émile BOCKSTAEL (1838-1920), bourgmestre de Laeken et initiateur des galeries souterraines du cimetière. Le buste en marbre est signé Pierre Theunis.
Le peintre Ignace BRICE (1795-1866).
Comte Jacques COGHEN (1791-1858), vice-président du Sénat et le premier ministres des Finances de la Belgique indépendante. Tombe attribuée à Jean-Pierre Cluysenaar et gisant par Guillaume Geefs.
Dans la tombe de famille des barons d’ANETHAN reposent Jules-Joseph (1803-1888), président du Sénat et ministre de la Justice, Auguste (1829-1906), secrétaire du roi Léopold II et ministre plénipotentiaire, Victor (1831-1888), aide de camp du roi Léopold II et commandant de la place de Bruxelles, et Jules (1862-1904) (fils, d’Auguste), conseiller de légation.
Le peintre d’histoire Edouard DE BIEFVE (1808-1882), peintre.
L’architecte Léon-Jules de BLOIS (1840-1901).
L’architecte Louis DE CURTE (1817-1891).
L’écrivain Michel DE GHELDERODE (1898-1962).
François-Philippe DE HAUSSY (1789-1869), premier gouverneur de la Banque nationale.
Le compositeur Willem DE MOL (1846-1874), compositeur.
Marguerite DE RIEMAECKER-LEGOT (1913-1977), ministre d’état et première femme ministre de Belgique.
Goswin DE STASSART (1780-1854), ministre et premier président du Sénat.
Paul DE VIGNE (1843-1901), sculpteur (inhumé dans la crypte et donc inaccessible).
Adolphe DELHAIZE (1840-1899), fondateur des magasins Adolphe Delhaize et Cie.
Le sculpteur Mathieu DESMARÉ (1877-1946), auteur en particulier du monument au Soldat Inconnu Français qui se trouve devant l’entrée du cimetière.
Le général français François DESPREZ (1778-1833).
Le politicien unioniste Paul DEVAUX (1801-1880) et son fils Jules (1828-1886), secrétaire puis chef de cabinet du roi Léopold II.
Le maître de chorale Joseph DUYSBURGH (1846-1936).
André-Napoléon FONTAINAS (1807-1863), bourgmestre de Bruxelles.
L’historien Louis-Guillaume GALESLOOT (1821-1884).
Le lithographe et photographe Louis GHEMAR (1819-1873), célèbre pour ces reportages photographiques précurseurs. L’allégorie des sciences qui orne la tombe familiale a été faite sur des plans de Carrier-Belleuse.
L’architecte Charles GIJS (+1906).
Iwan GILKIN (1858-1924), poète et dramaturge.
Le baron Henri GUILLAUME (1812-1877), ministre de la Guerre en 1870.
Le Prince Charles de GUROWSKI (1846-1846), infant d’Espagne, mort à quatre mois.
L’architecte Gustave HANSOTTE (1827-1886).
Charles-Joseph HERRY (1805-1879), bourgmestre de Laeken.
Victor JAMAER (1825-1902), architecte de la Ville de Bruxelles (inhumé dans la crypte et donc inaccessible).
L’architecte Félix JANLET (1808-1868).
L’architecte Léon JANLET (1839-1919), fils du précédent mais dans une tombe distincte.
Le lieutenant-général André JOLLY (1799-1883).
Sadi KIRCHEN (1877-1934), avocat de la cour d’appel de Bruxelles qui défendit, entre autres, Edith Cavell pendant la Première Guerre Mondiale.
Le politicien Charles LIEDTS (1802-1878).
Arthur MEYER, baron van Eppinghoven (1852-1940), fils naturel du roi Léopold Ier.
Le philanthrope Ferdinand NICOLAY (1777-1854).
Charles NIELON (1795-1871), général qui participa à la révolution belge de 1830 et à la campagne des Dix-Jours.
Le sculpteur Philippe-Joseph PARMENTIER (1786-1851) (tombe reprise en 1981).
Le politicien Henri Louis François PARTOES (1790-1873) et son fils, l’architecte Joseph PARTOES (1811-1858).
Le jurisconsulte et écrivain Edmond PICARD (1836-1924).
L’architecte Joseph POELAERT (1817-1879), dont le monument est un rappel en réduction du portail du Palais de Justice de Bruxelles qu’il a conçu.
Marie POPELIN (1846-1913), la première femme docteur en droit de Belgique (inhumé dans la crypte et donc inaccessible).
Le peintre Jean-François PORTAELS (1818-1895).
Frédéric de REIFFENBERG (1793-1890), Conservateur en chef de la Bibliothèque Royale, professeur aux Universités de Louvain (Etat) et de Liège.
Gustave ROLIN-JAEQUEMYNS (1835-1902), diplomate et ministre de l’Intérieur puis des Travaux Publics.
Nicolas-Jean ROUPPE (1769-1838), premier bourgmestre de Bruxelles.
Le sculpteur Ernest SALU (1909-1987), cénotaphe des autres membres de cette lignée d’artistes qui oeuvra beaucoup dans le cimetière, et dont les ateliers servent désormais de musée funéraire à Laeken.
Le chirurgien Louis SEUTIN (1818-1895), qui inventa le bandage amidonné.
Le collectionneur et écrivain belge Charles de SPOELBERCH de LOVENJOUL (1836-1907), grand spécialiste de Balzac et de George Sand. Sa bibliothèque est conservée par l’Institut de France.
Le général Emile STORMS (1846-1918), qui commanda la 4ème expédition internationale africaine.
Le compositeur Jules-Emile STRAUWEN (1863-1943).
Les architectes Tilman-François SUYS (1783-1861) et son fils Léon SUYS (1823-1887), auteur de la Bourse de Bruxelles.
Les médecins Raoul (1878-1967) et Jean TITECA (1905-1988).
Le peintre et dessinateur Henri VAN CUTSEM (1839-1904).
L’historien, poète et critique d’art André VAN HASSELT (1806-1874).
Jules VAN PRAET (1806-1887), secrétaire des rois Léopold I et II.
Le politicien Guillaume VAN VOLXEM (+1868).
Philippe VANDERMAELEN (1795-1869), considéré comme « le plus grand cartographe du XIX siècle ».
François VAXELAIRE (1840-1920), directeur du Bon Marché.
Le général Léon de WITTE de HAELEN (1857-1933), général.
François-Jean WYNS de RAUCOURT (1779-1857), bourgmestre de Bruxelles.
Photos : celle de la crypte est signée Evrard G. et la tombe Evrard-Flignot est signée Arielle Souffriau.
Bibliographie : il existe un guide assez complet, mais désormais daté et plus édité, sur les cimetières de Bruxelles et en particulier celui de Laeken : c’est le Guide des cimetières de Bruxelles, édition Collet, 1998, par le journaliste Jacques Noterman. Malheureusement, ce dernier passe son temps à y éructer sur la gouvernance belge, et ses lancinantes considérations sur la vie politique belge n’ont rien à faire dans un tel guide.
On pourra surtout consulter la petite brochure très bien faite sur les cimetières par Marcel Celis, dont on peut trouver un exemplaire sur le net.
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