Ne jamais oublier qu’en matière d’art funéraire, il s’agit non seulement de faire beau mais aussi de participer au travail de deuil des commanditaires. Une statue funéraire ne reflète pas la réalité historique mais l’image idéalisée qu’on veut donner du défunt.
En l’occurrence, l’aspirant HEULIN est représenté agonisant au cours de la bataille, appuyé sur un fût de canon, plusieurs symboles rappelant qu’il était marin et qu’il a eu la Légion d’Honneur (médaille + fourragère). Ce sont des symboles et uniquement des symboles. En réalité, Louis HEULIN est mort deux mois après la bataille, malade du typhus.
Le parallèle peut être fait avec la tombe de Miecislas KAMIENSKI à Montmartre. Les deux statues sont du même auteur, Jules FRANCESCHI ayant présenté la statue de KAMIENSKI au Salon de 1861 et celle d’HEULIN au Salon 1863. Au passage, drame dans le drame, la mère de Louis HEULIN mourra alors que la statue de son fils était encore au Salon, à Paris, et donc avant que le monument de son fils ne soit achevé à St-Lô.
Pour revenir au parallèle avec KAMIENSKI, celui-ci est représenté « mourant » au cours de la bataille de Magenta (4 juin 1859). En fait, il n’y est que blessé. Mais il devra être amputé et il mourra des suites de l’amputation deux mois plus tard à Milan. Sur la statue, il est représenté à son moment supposément le plus glorieux, quand il est frappé par la balle, non pas au moment où il expire. Et bien entendu, travail de deuil oblige, il est représenté avec ses deux bras, pas dans son état final.
Pour HEULIN, ce serait encore pire, on crée peut-être l’histoire, puisqu’il n’est pas certain qu’il ait été blessé au cours de la bataille qui lui a valu la Légion d’Honneur. Assurément, puisque la Légion d’Honneur à titre posthume n’est possible que depuis 1918, il était bien vivant lorsque le rapport le recommandant pour la Légion d’Honneur est parti. Le décret de nomination sera signé le 17 novembre 1860. Moins d’une semaine après, on apprenait sa mort...
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