Le cimetière de Picpus est un haut lieu de mémoire. Il rappelle la folie qui peut gagner les hommes lorsque l’histoire s’emballe... Il souligne que ceux-là mêmes qui se réclamaient des valeurs fondamentales humanistes ayant forgé notre République, ont pu devenir, pour certains et pour un temps (heureusement assez court) des loups pour l’Homme.
Quelque chose me gêne... Au regard du site internet et du livre de Lenôtre, il apparaît que 159 des 1306 victimes étaient nobles, « contre » (si j’ose dire), plus de 600 roturiers, le reste se partageant entre militaires et ecclésiastiques dont on ignore apparemment l’ordre. Tous égaux devant la mort mais pas tout à fait dans la sépulture...
Pour tout dire, je trouve en effet assez choquant la captation de cette nécropole nationale, car c’en est bien une, par quelques familles de « haute noblesse » qui, certes, ont contribué à sa préservation (par l’acquisition du terrain et la protection du site), mais qui s’arrogent de ce fait un droit exclusif et sélectif d’inhumation dans ce lieu. On sait que l’acquisition de ce terrain ne se fit pas dans une absolue clarté (ce qu’on peut comprendre, néanmoins, au regard de l’époque). Signalons au demeurant que l’inhumation (récente) de certains corps est illégale, la loi stipulant clairement que « toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite » ce qui n’est pas le cas, que je sache de l’enclos de Picpus (cf par exemple l’inhumation de François de POLIGNAC (1887-1981) : député du Maine-et-Loire de 1928 à 1940).
En dépit de ce « droit de propriété » apparemment incontestable, je trouve peu admissible d’interdire (sauf erreur de ma part) l’accès aux fosses à d’éventuelles descendants de victimes « roturières », et tout simplement au public en général. C’est un peu comme si seuls les Juifs descendants des victimes de holocauste avaient le droit d’aller se recueillir à Auschwitz... à condition toutefois que ce soient leurs ascendants ou ancêtres qui y aient péris.
Et je ne parle même pas du fait encore plus choquant de devoir payer 3 € pour aller se recueillir sur les tombes du cimetière « des familles », monnayant ainsi (au sens propre du terme) le fait d’aller, par exemple, se recueillir sur la tombe de Lafayette, qui n’était, d’ailleurs, qu’allié par le mariage à des victimes de la Terreur... Que dirait-on s’il fallait payer pour aller sur la tombe du Général de Gaulle ? Avec plus de 1500 visiteurs par jour (si j’en crois toujours le site), cela fait tout de même plus de 1,5 million d’Euros par an... Il n’y a pas besoin d’autant pour entretenir ces lieux... Peut-on savoir à qui profite ce « produit » ?
Ne serait-il pas temps de transmettre à l’État ou à la Ville la propriété pleine et entière de ce cimetière, pour qu’il assure la parfaite neutralité d’un lieu où repose pèle-mêle, sans distinction d’origine, de statut et de responsabilité dans le drame, plus d’un millier de victimes des heures sombre de la Révolution.
Peut-être ne publierez-vous pas ce commentaire parmi ceux, laudatifs, qui précèdent... mais si vous le faites, j’attends vos explications et vos arguments...
Un citoyen ordinaire.
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