THANN (68) : cimetière
par
L’enclos Kestner justifierait à lui seul la visite du cimetière de Thann, mais d’autres tombeaux de personnalités et quelques belles œuvres attendent le taphophile dans ce cimetière, où le passé manufacturier et industriel de l’Alsace s’affiche clairement.
Curiosités
- Tombe du manufacturier Aimé Gerrer (+1928)
Célébrités : les incontournables...
Aucune
... mais aussi
l’enclos Kestner
Dans l’enclos familial Kestner reposent, côte-à-côte :
Philippe-Charles Kestner (1776-1846), industriel alsacien originaire de Hanovre qui fonda en 1808 les usines de Thann.
Le chimiste Charles KESTNER (1803-1870), son fils, qui fut associé à son père à
partir de 1823 et jusqu’en 1846, date à laquelle il devint le propriétaire et l’exploitant des usines de Thann, Mulhouse et Bellevue (commune de Chaux). Les établissements Kestner fabriquaient des produits chimiques, principalement des acides et des colorants destinés à l’industrie textile mulhousienne. Les innovations techniques et la qualité des productions de la maison Kestner furent rapidement reconnues. Soucieux du sort de ses ouvriers, il prit de nombreuses mesures sociales en faveur de ces derniers (participation aux bénéfices de l’entreprise sous forme de primes annuelles proportionnelles à l’ancienneté, prêts sans intérêts en vue de l’acquisition immobilière, pensions de retraite et de secours sans prélèvements sur le salaire, gestion d’une caisse d’épargne, création d’une cité ouvrière, mise en place d’une coopérative), ce
qui lui assura une grande popularité auprès des travailleurs alsaciens. En 1848, il fut élu représentant du peuple à l’Assemblée nationale constituante par ses concitoyens du Haut-Rhin. Il s’opposa au coup d’État du 2 décembre 1851, ce qui lui valut d’être arrêté et de devoir s’exiler pendant quelque temps en Suisse. Il continua toute sa vie à s’opposer, avec ses gendres, à la politique de Napoléon III. Un médaillon en bronze le représente, en partie dissimulé par la végétation.
Il eut avec son épouse cinq filles qui épousèrent toutes des républicains : quatre d’entre-elles reposent dans cet enclos avec leurs époux, à savoir :
- Eugénie Kestner (1828-1862), qui épousa Camille RISLER (1821-1881), un
associé de Charles Kestner, en 1848. Leur fils, Charles Risler, devint maire du 7ème arrondissement de Paris et épousa la fille du sénateur inamovible Léon Laurent-Pichat [1], tandis que leur fille, Mathilde Eugénie Risler (1850-1920), épousa Jules Ferry en 1875 ;
- Fanny Kestner (1831-1850), qui épousa Victor CHAUFFOUR, député du Bas-
Rhin de 1848 à 1851, qui siégea à l’extrême gauche sur les bancs de La Montagne, et fut un des adversaires déclarés de la politique présidentielle. Le coup d’État du 2 décembre 1851 mit fin à sa carrière politique. Lui même était le frère de Louis, qui fut député du Haut-Rhin en 1871, et d’Ignace, député du département en 1848.
- Mathilde (1832-1916), qui épousa Jean-Baptiste CHARRAS (1810-
1865), fils du général Joseph Charras. Ecarté de son poste à la Manufacture d’armes de Saint-Étienne en raison de ses opinions républicaines ; il fut envoyé en Algérie. Officier d’ordonnance du général Lamoricière, il participa en 1843 à plusieurs combats contre les troupes d’Abdelkader. Revenu à Paris au moment de la Révolution de 1848, Charras fut nommé sous-secrétaire d’État (puis ministre par intérim) à la Guerre. Au début de la IIe République, il fut élu député du Puy-de-Dôme (1848-1851) et siégea parmi des Républicains modérés. Pendant le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Charras figura parmi les premières personnalités arrêtées et dut partir en exil à Bruxelles. Il mourut en Suisse de la grippe à 55 ans sans sans avoir connu une III e République qu’il appelait tant de ses vœux. Libre-penseur, il fut inhumé sans cérémonie religieuse. Il repose sous un bas-relief d’Adam-Salomon.
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- Céline Kestner (1838-1893), qui épousa le chimiste Auguste SCHEURER (dit
Scheurer-Kestner), associé et successeur de Charles Kestner, en 1856. Frère du sénateur Jules Scheurer, républicain, opposant à l’Empire de Napoléon III, il fut élu député « protestataire » du Haut-Rhin, mais démissionna avec ses autres collègues le 1er mars 1871 pour contester l’annexion du département. Il fut alors élu député dans le département de la Seine en 1871 et devint sénateur inamovible en 1875. Vingt ans après, il était le dernier représentant de l’Alsace française au Parlement. En 1894, Scheurer-Kestner, premier vice-président du Sénat, était considéré comme une autorité morale en politique. Ami très proche de Georges Clemenceau et de Léon Gambetta, il fournit à ce dernier une partie des fonds nécessaires à la publication de La République française, journal qu’il dirigea de 1879 à 1884. Il s’engage dans la défense de l’innocence du capitaine Dreyfus. Leurs filles Jeanne [2] (1855-1935) et Suzanne (1862-1927) épousèrent, respectivement, Marcellin Pellet et Gustave Gobron ;
La dernière, Hortense (1840-1913), dont le jeune Georges Clemenceau était amoureux, épousa Charles Floquet et repose avec lui au Père Lachaise.
reposent également dans ce cimetière :
Jean-Pierre BAEUMLER (1948-2021) : maire socialiste de Thann de 1989 à 2014,
il fut député du Haut-Rhin de 1997 à 2002.
L’industriel Edouard BINDSCHEDLER (1831-1873) qui fonda en 1856 une filature de bourre de soie ; introduisant ainsi cette spécialité zurichoise en France. L’entreprise, équipée de 4400 broches et employant 350 salariés, devint, après sa mort, la Société de filatures de schappe de Thann et d’Aarau et resta en activité jusqu’en 1890.
Le prêtre Pierre BOCKEL (1914-1995), qui fut théologien et écrivain, aumônier de
la Brigade Alsace-Lorraine auprès d’André Malraux, fondateur et directeur de la revue Bible et Terre sainte, ancêtre de la revue Le Monde de la Bible, archiprêtre et chanoine de la Cathédrale de Strasbourg et Prélat d’honneur de Sa Sainteté. Il fut honoré par l’État d’Israël du titre de « Juste parmi les nations » en 1988. Il était l’oncle de Jean-Marie Bockel (dont c’est le tombeau familial).
Le résistant Paul DUNGLER (1902-1974)
Le sculpteur badois Karl HILS (1851-1914), qui réalisa des statues pour la collégiale Saint-Thiébaut de Thann.
Le prêtre Louis KAMMERER (1912-1994), qui publie d’abord une quarantaine d’articles relatifs à la liturgie et à l’œcuménisme, puis se tourna vers l’histoire. À côté de nombreuses publications érudites, son œuvre majeure – surnommée « le Kammerer » – est le Répertoire du clergé d’Alsace sous l’Ancien Régime (1648-1792), prolongé par un second volume, Le clergé constitutionnel en Alsace (1791-1802), deux volumes très utilisés par les historiens de l’Alsace.
Le curé Antoine WAGNER (+1845), assassiné.
Le peintre, graveur et sculpteur Charles WALCH (18961948) Il était
marqué depuis sa naissance par une malformation physique, le bras droit atrophié et la jambe droite plus courte que la gauche. Inhumé initialement dans la 31ème division du cimetière parisien des Batignolles, il fut transféré ici en 2004.
[bleu marine]le cimetière juif[/bleu marine]
Thann possède encore, comme c’est le cas dans de nombreuses communes de ce département, un ancien cimetière juif envahi par les herbes folles.
[1] De cette union sont issues deux filles, qui épousèrent l’avocat et homme de lettres Georges Claretie, fils de Jules Claretie, et Albert Canet.
[2] Elle repose dans cet enclos.
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