TULLE (19) : cimetière de Puy-Saint-Clair
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Très minéral, le cimetière de Puy-Saint-Clair est le grand cimetière patrimonial de la ville.
Curiosités
Le cimetière possède une chapelle dans laquelle repose Joseph Roux (voir plus loin).
On trouve sur certaines tombes du cimetières quelques beaux bas-reliefs, œuvres de sculpteurs locaux.
- Un tombe qui prend des allures de mini Tour Eiffel
Dans la partie militaire du cimetière, un monument signale une nécropole FFI où furent inhumés 22 soldats, dont 13 inconnus.
l’affaire du corbeau de Tulle
De 1917 à 1922, une vague de lettres anonymes signées « L’Œil de tigre » et dénonçant les faits et gestes des habitants de Tulle secoua la ville. Glissés dans les paniers des ménagères, abandonnés sur les trottoirs, les rebords des fenêtres et jusque sur les bancs des églises ou dans un confessionnal, ces dizaines de courriers qui dénonçaient l’infidélité des uns, la mauvaise conduite des autres, alimentèrent toutes les conversations et inquiétèrent les habitants, au point que l’époux de l’une des personnes incriminées se suicida. La suspicion s’installa dans la ville et la presse nationale s’y précipita, à la recherche d’un fait-divers susceptible de passionner les Français autant que l’affaire Landru qui venait de se terminer. Une enquête fut ouverte : on dépêcha le meilleur expert à l’époque Edmond Locard, fondateur du premier laboratoire de police scientifique, qui parvint à identifier l’auteure des lettres, Angèle LAVAL (1886-1967), une pauvre vieille fille frustrée, ignorée de son chef de bureau dont elle s’était éprise, en voulant désormais à la terre entière. Laissée libre dans l’attente de son procès, la jeune femme tenta de se soustraire à l’opprobre en se jetant dans l’étang de Rufaud avec sa mère. Elle entraîne sa mère dans une sorte de suicide collectif où seule la seconde avait vraiment l’intention d’en finir. Tandis que la mère coula à pic dans l’étang, Angèle fut secourue par des passants. Le procès au retentissement national se conclut finalement par une condamnation limitée, certains faits étant prescrits : un mois de prison avec sursis et cent francs d’amende pour diffamation et injures publiques et 200 francs d’indemnisation par la partie civile.
Un journaliste du Matin venu couvrir le procès d’Angèle Laval, décrivit l’accusée sur les bancs du tribunal en ces termes : « Elle est là, petite, un peu boulotte, un peu tassée, semblable sous ses vêtements de deuil, comme elle le dit elle-même, à un pauvre oiseau qui a replié ses ailes ». Si le journaliste n’emploie pas le mot « corbeau », la description y fit penser. Le terme de "corbeau" destiner à évoquer l’auteur de lettres anonymes était né ! L’affaire inspira à Jean Cocteau sa pièce de théâtre La Machine à écrire (1941), et fut surtout l’inspiration première du film Le corbeau d’Henri-Georges Clouzot qui pérennisa le terme. Bien que son scénario ait été écrit avant le début de la Seconde Guerre mondiale, le film sorti en 1943 connut un grand succès mais fut vivement critiqué, pour sa noirceur, sa misanthropie, vu comme de la propagande antifrançaise, une incitation à la délation. Le film de Clouzot fit l’objet en 1951 d’un remake signé Otto Preminger, La Treizième Lettre.
Angèle Laval retourna vivre recluse à son domicile, aidée financièrement par son frère, jusqu’à son décès, en 1967, à l’âge de 81 ans. Elle repose dans ce cimetière.
Les pendus de Tulle
Le souvenir de l’événement le plus tragique de l’histoire de Tulle s’inscrit dans son cimetière. Dans le contexte du débarquement en Normandie, après une offensive des FTP, les 7 et 8 juin 1944, au cours de laquelle les troupes allemandes perdirent au moins 35 soldats et tuèrent dix-huit garde-voies, l’arrivée d’éléments de la « Das Reich » contragnit les maquisards à évacuer la ville. Le 9 juin 1944, après avoir raflé les hommes de 16 à 60 ans, les SS et des membres du Sipo-SD vouent 120 habitants de Tulle à la pendaison, dont 99 sont effectivement suppliciés. Ils furent jetés dans une fosse commune à la périphérie de la ville. Dans les jours qui suivent, 149 hommes furent déportés à Dachau, où 101 perdirent la vie. Au total, les crimes de la Wehrmacht, de la Waffen-SS et du Sipo-SD firent donc 218 victimes civiles à Tulle.
Ca-et-là dans le cimetière, les caveaux de famille rappellent la mémoire des suppliciés.
On y trouve également la tombe du chanoine Jean Espinasse (1906-1993), qui faisait partie des otages, et avait assisté certains des pendus. Aumônier au lycée de la ville, seul clérical parmi les otages, il avait été épargné et avait été autorisé à leur porter un secours religieux.
Célébrités : les incontournables...
Aucun
... mais aussi
Le journaliste Antoine BOURDARIAS (1899-1970), qui fut correspondant du Populaire du Centre. Il fut une figure du communisme dans la région, avant de s’éloigner du parti.
Victor FOROT (1845-1933) : ingénieur des mines, surnommé le "baron de Danube" car il fut à l’origine de la construction de nombreux ouvrages sur le Danube, mais également en Méditerranée, au Tyrol, au Sénégal et en Normandie. Il fut également un érudit corrézien prolifique, spécialiste du Limousin, conservateur du Musée de Tulle et chargé de l’inventaire des richesses artistiques du département. Sa tombe est ornée d’un médaillon en bronze.
Paul LACROIX (1908-2002) : C’est en 1943 à Monaco que Paul Lacroix, Henri Mas et Henri Adams créèrent les Laboratoires ASEPTA qui à l’époque proposent un unique produit : une crème pour soulager les pieds échauffés que les croupiers du Casino de Monte-Carlo adoptent immédiatement ! Si son nom, Akileïne, vient de « achillea », plante de la pharmacopée grecque l’achillée, dont elle utilise les propriétés fortifiantes, il est aussi un clin d’œil au célèbre talon d’Achille. Convaincre passe par un argumentaire marketing (le premier slogan pour la crème miracle n’est autre que « Akileïne, le dentifrice du pied »…). Et la diversification : Asepta proposa rapidement des vaporisateurs de produits contre les cafards chez les droguistes. Bien évidemment, comme Biotherm ou Lancaster, à l’après-guerre, Asepta profita d’une période favorable à l’industrie. L’entreprise boosta son offre dermatologique en élargissant la gamme pour les pieds (y compris des diabétiques), les mains (Vita citral), les ongles et les cheveux (Ecrinal) et le visage (Coup d’éclat). Loin de Monaco qui fit sa fortune, Paul Lacroix repose dans sa commune natale.
Charles LOVY (1880-1903) : entré à l’âge de 13 ans dans les enfants de troupe, il devint sergent et fut envoyé dans l’Extrême Sud du Sahara oranais, zone frontalière stratégique et très sensible entre le Maroc et l’Algérie. Engagé dans le combat de Ksar el Azoudj, avec trois autres tirailleurs algériens, il parvint à ralentir une centaine de Berbères marocains et couvrir la retraite de leurs camarades. Il mourut frappé d’un coup de poignard entre les yeux. Enterré avec ses hommes dans l’oasis de Fendi, le corps du sergent Lovy fut transféré au cimetière de Tulle l’année suivante. Ses obsèques officielles firent l’objet d’une importante manifestation patriotique à laquelle assista le ministre Maurice Berteaux. On en fit un héros de l’épopée coloniale : une chanson sur l’air du Clairon de Paul Déroulède lui fut même dédiée. A Tulle, un monument fut érigé à sa mémoire, s’inscrivant dans la tradition patriotique de la Troisième République : glorifier un soldat, enfant du peuple, ayant offert sa vie en sacrifice pour la Patrie, jusqu’à en faire une sorte de saint laïc. Son nom fut donné à des rues de Tulle et de Brive.
L’auteur-compositeur Jean-Pierre MAGNAUD (1932-2013) (rien trouvé sur lui).
Jean MONTALAT (1912-1971) : maire de Tulle de 1959 à sa mort, député SFIO du département de 1951 à 1971, il a notamment fait connaître en 1964 la célèbre formule « La Corrèze avant le Zambèze [1]. Il décéda dans un accident de voiture.
Le zoologiste Remy PERRIER (1861-1936), qui enseigna à la faculté des Sciences de Paris. Il participa à plusieurs importants ouvrages collectifs sur la zoologie comme le Précis de zoologie ou plus généraux comme le Nouveau Dictionnaire des sciences et de leurs applications.
L’abbé Joseph ROUX (1834-1905), qui s’adonna à une œuvre littéraire : sensible à la langue limousine, il entreprit un dictionnaire de la langue d’oc (encore inédit à sa mort), puis l’adopta dans son œuvre poétique. Certaines de ses œuvres sont de véritables chansons de geste comme Archambaut de Comborn. Il s’affirma ainsi comme un des chefs de l’école félibréenne, alors en plein essor. Avec la création de la revue Lemouzi, Joseph Roux contribua à publier les œuvres des auteurs félibréens du Limousin et à les faire connaître du public. Il fut élu majoral du Félibrige en 1876. Il repose dans la chapelle du cimetière.
Le philosophe René SCHÉRER (1922-2023).
Photo Laval : Eric Remond via tombes-sepultures.com
[1] « Au moment où nous discutons de l’aide que la France apporte aux pays sous-développés et à certains pays voisins, la tentation est grande pour moi, député, maire de Tulle, alors qu’un slogan à la fois facile et pittoresque court les rues, à savoir « la Corrèze avant le Zambèze », de vous rappeler quelques arguments anciens » - discours de juin 1964 à l’Assemblée.
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