Inhumation / Crémation : état des lieux 2014
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Tous les ans, à l’occasion de la Toussaint, des articles apparaissent sur la législation autour des obsèques. Cette année, celui de francetv info est assez complet et permet de répondre à des questions qu’on me pose régulièrement.
Je n’ai rien prévu pour mes obsèques, comment ça se passe ?
Aïe aïe aïe ! Il appartient à vos proches d’en décider, ou de s’affronter devant votre dépouille. Contacté par francetv info, Rémi Matalon, directeur d’une agence de pompes funèbres à Marseille, confie avoir vu, « pas plus tard qu’hier, une famille se déchirer sur le sujet ». L’épouse était favorable à l’inhumation, les enfants à la crémation. Dans ces cas-là, c’est au tribunal d’instance, saisi en urgence, de trancher.
S’il y a désaccord, en effet, la décision finale revient à la justice décide. « Le tribunal statue dans les 24 heures », précise le site Service-public.fr. Et « il est possible de faire appel de la décision du tribunal dans les 24 heures, devant le premier président de la cour d’appel. Celui-ci statue immédiatement. » Mais si vous voulez simplifier la vie de vos proches, passez un contrat obsèques ou faites connaître à votre famille vos dernières volontés, tout simplement.
Je peux prendre mon smartphone dans ma tombe ?
Vêtements, photos, alliance... La plupart des objets personnels sont autorisés. A quelques réserves près : évitez les bijoux hors de prix, voire l’argent liquide. Sources possibles de discorde familiale, ils ne seront pas simples à récupérer s’il y a querelle. Le reste s’accorde à la personnalité du défunt. « A Marseille, raconte Rémi Matalon, c’est assez fréquent que des gens morts de cirrhose se fassent enterrer avec une bouteille de pastis. Ou d’autres avec un paquet de cigarettes, bien qu’ils soient décédés d’un cancer du poumon. » Autre spécialité locale : le double capiton bleu et blanc... aux couleurs de l’OM.
Ce qui est interdit ? Les objets dangereux, nocifs, ou potentiellement explosifs. Pacemakers et prothèses fonctionnant à pile doivent être enlevées en cas de crémation, mais aussi, de plus en plus, en cas d’inhumation pour éviter de « se retrouver avec du lithium très polluant répandu en pleine nature », selon le site spécialisé Funéraire-info.
Si bon vous semble, vous pouvez donc emmener dans votre dernière demeure un grand cru, la peluche de votre enfance ou votre livre préféré. En cas de litige, la justice décide.
Peut-on écrire ce que l’on veut sur sa pierre tombale ?
Pas tout à fait, précise Notre Temps. Il faut l’autorisation du maire qui peut refuser « s’il considère que le contenu est de nature à troubler l’ordre public. Lorsqu’une langue étrangère est utilisée, il faut joindre à la demande d’autorisation une traduction en français ».
Méfiez-vous aussi de vos proches : Rémi Matalon se souvient d’une fille aimante qui avait gravé sur la tombe de l’auteur de ses jours « A mon père ». Avant de vouloir rajouter, quelque temps après : « Malgré tout. » Dans l’intervalle, elle avait appris que son géniteur avait reconnu un autre enfant, dont elle ignorait l’existence.
Qui paie, au fait ?
Qui paie l’enterrement si le défunt n’a pas souscrit de contrat ? « Les frais d’obsèques sont prélevés sur les biens de la succession, sauf si la valeur des biens est insuffisante », précise Service-public.fr. C’est alors aux descendants ou aux parents de payer. Pour les plus démunis, les frais d’obsèques sont pris en charge par la commune du décès.
Attention aux tarifs. Malgré les offres low cost ou la création de régies municipales, comme à Paris, les Français mettent de plus en plus la main au portefeuille pour inhumer leurs proches, selon l’UFC-Que Choisir. Celui-ci relève des variations considérables, d’une entrepris de pompes funèbles à l’autre, de 1 347 à plus de 6 649 euros. Pour l’association de consommateurs, « ce grand écart tarifaire est dû non seulement à un florilège de prestations non obligatoires mais aussi à des opérations aux prix disproportionnés ».
Peut-on fabriquer soi-même un cercueil ?
C’est une scène saisissante du film de Thomas Cailley, Les Combattants. Un menuisier meurt et ses fils, excédés par la mauvaise qualité du bois proposé par le cercueil, décident d’en fabriquer un qui fasse honneur à leur père. « Rien ne vous en empêche », confirme à francetv info Jean Ruellan, directeur marketing d’OGF, un des leaders des pompes funèbres en France. « Il suffit de respecter les normes. » En particulier les 22 cm d’épaisseur requis. Et de se souvenir d’un marin qui voulait être enterré entre quatre planches en teck, dont sont faits les ponts des bateaux.
Je peux me faire enterrer où je veux ?
Peut-on être inhumé à Lourmarin (Vaucluse) parce qu’on aime Camus, au Père-Lachaise à Paris parce que fan de Jim Morrison ou au cimetière marin de Sète (Hérault) pour reposer à jamais près de la Méditerranée ? La réponse est non : on peut être enterré « uniquement dans la ville où l’on a sa résidence principale, dans celle où l’on dispose d’une résidence secondaire, ou dans celle où il existe déjà une sépulture familiale, détaille Le Monde. Les communes doivent aussi enterrer les personnes décédées sur leur sol, quel que soit leur domicile. »
Et s’il vous prend l’envie d’être enterré dans votre jardin ?
Les règles sont précises. « Il est possible de se faire enterrer dans une propriété privée, à condition qu’elle se trouve en dehors d’une zone urbaine et à plus de 35 m des autres habitations. Il faut au préalable une enquête hydrogéologique ainsi que l’autorisation du préfet de département. Si la lignée familiale s’y trouve déjà, la réponse sera généralement favorable », explique Le Monde.
Et je peux répandre mes cendres n’importe où ?
Déclinaison de la question précédente, version crémation. Car l’incinération est une option de plus en plus répandue, selon Jean Ruellan. « Actuellement, il y a un tiers de crémations, mais ça va augmenter. Dans nos contrats obsèques, en 2014, plus de la moitié des contractants demandent une crémation. En 2020, je pense qu’on aura passé le cap des 40%. »
Que peut-on faire des cendres ? Pas question, comme le relevait Slate en 2010, de les disperser n’importe où. Dans un cimetière, l’urne peut être inhumée dans une sépulture, déposée dans un colombarium ou scellée sur un monument funéraire.
Quant aux cendres, elles peuvent être dispersées au cimetière dans un espace dédié, ou en pleine nature, voire en pleine mer. « Ça se fait beaucoup », d’après Jean Ruellan, au point que les entreprises proposent même des « urnes solubles ». Pas question, en revanche, de les jeter dans un espace public. Ni de les garder : « La loi du 19 décembre 2008 n’autorise plus la conservation dans la durée d’une urne au domicile d’un particulier, car il y a eu de nombreux conflits à l’intérieur des familles », explique le magazine Lyon Capitale. Avec un bémol : « D’une part, la loi n’étant pas rétroactive, les familles qui ont conservé les cendres avant 2008 ne sont pas obligées de les restituer. D’autre part, la loi n’est pas très claire, car il est possible de conserver chez soi l’urne de manière provisoire en attendant d’en choisir la destination. »
Une crémation écologique, ça existe ?
Les obsèques qui respectent l’environnement, une tendance, un fantasme ou une réalité ? Jean Ruellan minimise et y voit plutôt un phénomène médiatique davantage qu’une demande effective. Mais le journal 20 Minutes s’est penché sur la question, notamment lors des crémations. Et il a constaté que seuls les crématoriums « les plus récents sont conçus pour réduire au maximum leur empreinte écologique ». Le gratuit souligne d’ailleurs que celui de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) est « un modèle du genre ».
L’article de 20 Minutes note aussi un décalage avec nos voisins : « Si ailleurs en Europe les crématoriums sont une source d’énergie qui permet d’alimenter les réseaux publics ou de chauffer piscines et écoles, la France est encore frileuse sur l’utilisation de ces calories d’outre-tombe. »
Etre enterrer sur internet, c’est possible ?
Les « cimetières virtuels » ou sites dédiés à la « mémoire des défunts » ont désormais quelques années d’existence. Dernière nouveauté en Suisse, exposée par Le Matin : la tombe du défunt comme support du mémorial en ligne. Depuis cette tombe, « des photos et vidéos de lui sont accessibles sur votre smartphone. Une fois scanné à l’aide d’un smartphone, le QR code en question permet d’accéder non seulement à une biographie du défunt mais aussi à des photos et à des vidéos de lui ».
Et sur les réseaux sociaux ? Facebook propose aux proches d’une personne décédée de transformer son compte en une page commémorative dédiée au défunt, explique le site Be Geek. Il offre aussi la possibilité, via l’envoi d’un formulaire, de fermer le compte d’une personne décédée. De son côté, Twitter a annoncé en août 2014 qu’il retirerait les photographies et les vidéos des morts si les familles en faisaient la demande.
C’est quoi, la tendance 2014 ?
Elle s’inscrit dans un temps plus long, marqué par « plus de personnalisation, plus de crémation, plus de laïcisation », résume Jean Ruellan. La part de la crémation, on l’a vu, ne cesse d’augmenter. « Et de façon concomitante, déclare-t-il, on observe une montée des obsèques civiles. Désormais une famille sur quatre ne souhaite aucune présence religieuse. » Enfin, conclut-il, « on a une forte demande de personnalisation, avec des choses ne se faisaient pas avant. On a maintenant des écrans, des diaporamas, de la musique dans les crématoriums ». Mais, rassurez-moi, pas encore de selfies lors des interrements ? Non, pas de selfies, du moins pas en France. Le deuil garde ses exigences.
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