MANOSQUE (04) : ancien cimetière
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Bien que de taille respectable, les célébrités ne se pressent pas dans l’ancien cimetière de Manosque.
L’endroit est pourtant joli : typiquement méridionaux, les sévères tombeaux de famille sont tempérés par la blondeur de la pierre, et par l’inspiration presque déjà italienne de certains caveaux.
Ceci étant dit, peu de tombeaux singuliers en ce lieu où le conformisme prévaut. Deux exceptions cependant :
le tombeau Antonini se distingue : un ancien sous-officier d’artillerie s’est fait inhumer sous une tour portant canons et tas de boulets.
Sur le tombeau Coupier et Robert est visible une pendule sous laquelle est gravé "l’heure fatale, sombre, a tour de rôle, sonne pour tout le monde".
Fort de cette absence de rivalité, on peut donc considérer que le cimetière de Manosque est l’écrin personnel de l’écrivain Jean GIONO (1895-1970). Issu d’une famille modeste, Jean Giono fut employé de banque lorsque survient la Première Guerre mondiale. Profondément choqué par les combats au front, il devint l’une des principales figures du pacifisme dans les années 30. La publication de Colline en 1929 fut saluée par tous, notamment par André Gide. Dans son oeuvre, Giono prône la révolte contre la ville, la société industrielle capitalistique, et vante les valeurs rurales. D’abord extrêmement populaires chez les jeunes, ses idées suscitèrent hostilité et méfiance lors de la Libération, à cause de leur proximité avec celles du maréchal Pétain. Resté pacifiste et très éloigné de toute idée proche de la Résistance, la mémoire de l’écrivain resta après-guerre entachée par cela, même s’il n’abandonna pas l’écriture, et produisit certaines de ses oeuvres les plus fortes - les plus pessimistes aussi - auxquelles le public réserva un bon accueil. Giono a également réalisé certains films : citons Crésus avec Fernandel et Un roi sans divertissement, Grand Prix du Cinéma français de 1963.
Il repose dans le caveau de famille, avec pour épitaphe (dont il fut l’auteur) : "Où je vais personne ne va personne n’est jamais allé, personne n’ira. J’y vais seul, le pays est vierge, et il s’efface derrière mes pas". La dernière personne inhumée dans ce caveau fut sa veuve, Elise Giono, décédée en 1997 à l’âge de 101 ans.
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