MOUSSY-LE-VIEUX (77) : cimetière
par
Le petit cimetière de Moussy-le-Vieux à une caractéristique très particulière qu’il ne partage avec aucune autre nécropole : il est, par définition, le cimetière des « Gueules cassées ».
Les gueules cassées
L’expression « gueules cassées » désigne les survivants de la Première Guerre mondiale ayant subi une ou plusieurs blessures au combat et affectés par des séquelles physiques graves, notamment au niveau du visage. Elle fait référence également à des hommes profondément marqués psychologiquement par le conflit, qui ne purent regagner complètement une vie civile ou qui durent, pour les cas les plus graves, être internés à vie. Le mutilé se sentait exclu de par ses longs séjours qui le coupaient de ses activités d’auparavant dans les hôpitaux, luttant avec les procédés archaïques pour sauver son visage, source de pitié et de dégoût.
Bienaimé Jourdain et Albert Jugon, deux anciens blessés soignés au Val de Grâce fondèrent une association. La présidence en fut confiée au colonel Yves Picot (1862-1938) et la vice-présidence à Jourdain. Jugon, laissé sur le champ de bataille à moitié mort, avait dit à ses compagnons que s’ils avaient le temps de le sauver après les autres soldats moins blessés que lui, alors ils pourraient venir le rechercher. Il fit partie des 5 soldats blessés assistant au Traité de Versailles.
Les difficultés financières du début des années 1920 retardèrent la mise en œuvre du projet de construction d’une maison des défigurés de la face. Ce n’est qu’en 1927 que les gueules cassées purent acquérir un domaine, grâce à une souscription ouverte à la fin de 1925. Inaugurée par le Président de la République Gaston Doumergue en 1927, la Maison des Gueules cassées était un château, situé à une quarantaine de kilomètres de Paris, dans le village de Moussy-le-Vieux, en Seine-et-Marne. Elle accueillait les pensionnaires de manière définitive, pour les plus atteints d’entre eux, ou temporaire, pour les convalescents notamment. Cependant, ces maisons ne symbolisent pas seulement la fraternité unissant les défigurés, mais aussi une sorte d’exclusion à l’intérieur de la société, une non-intégration d’après guerre. Cette association fut financée par la Loterie Nationale. L’histoire de cette institution explique donc la tonalité particulière du cimetière.
Le cimetière
Les gueules cassées sont présentes de plusieurs manières dans ce cimetière :
A l’une des extrémités du cimetière, un monument commémoratif rappelle la mémoire des gueules cassées. Plusieurs identités y sont portées (avec mentions spéciales de décorations pour certains). Un monument similaire existe dans le cimetière de la Valette du Var (83), où se trouve le domaine du Coudon, qui appartient à l’Association.
La partie centrale du cimetière est occupé par des alignements de croix grises
similaires aux cimetières militaires. Un pupitre rend hommage « à tous les chirurgiens, médecins et infirmières , à l’ensemble du personnel médical, qui se sont dépensés sans compter pour leur donner le courage de »sourire quand même" (Sourire quand même est la devise des gueules cassées).
Parmi les personnes inhumées ici se trouvent les fondateurs de l’association, à savoir :
Le colonel Yves PICOT (1862-1938), qui fut grièvement blessé à la figure (un oeil fut arraché), à Belloy-en-Santerre, en janvier 1917. C’est à lui qu’on attribue la paternité de l’expression « gueules cassées ». Député de la Gironde de 1919 à 1932, il fut un éphémère sous-secrétaire d’État à la Guerre en 1926.
Bienaimé JOURDAIN (1890-1948) : sergent, il fut parmi les premières victimes de la Marne et reçut une première très grave blessure en septembre 1914, puis une vaste mutilation de la face en juin 1915. Il vécut cloîtré pendant cinq ans, d’hôpitaux en couvents... Il fut l’un des cofondateurs des « Gueules cassées » auxquelles il consacra le reste de sa vie. Pour couvrir les lourdes charges liées à ces aides sociales, Jourdain développa avec ses camarades des galas de bienfaisance, puis la souscription « La Dette » qui amena l’Etat à créer la Loterie Nationale, puis aux « Gueules Cassées » de lancer leurs fameux « Dixièmes ».
Albert JUGON (1890-1959) : son régiment replié en Argonne, se trouvait le 16 septembre 1914 à Ville-sur-Tourbe où il fut pris sous un violent bombardement. Horriblement blessé par éclats d’obus, il fut laissé pour mort sur le bord de la tranchée. Pendant plusieurs semaines, il resta entre la vie et la mort. Il fut l’un des cinq grands mutilés qui assistèrent comme témoins, à la demande de Clémenceau, à la signature du traité de Paix de Versailles le 28 juin 1919. Il fut l’un des trois fondateurs de l’association. Durant les vingt dernière années de son action, il accueillit dans les rangs des « Gueules Cassées » les nouvelles victimes de guerre venant d’Indochine et d’Algérie.
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