SAINT-OUEN-LE-PIN (14) : cimetière

Visité en avril 2010
dimanche 2 mai 2010
par  Philippe Landru

Petit cimetière rural charmant entourant l’église.

C’est dans ce petit cimetière de Saint-Ouen-le-Pin, et non dans la propriété du Val Richer (comme semble l’indiquer Bertrand Beyern) qu’il faut aller chercher les tombeaux de plusieurs personnalités unies par des liens généalogiques.

Sous un austère tombeau monumental repose François GUIZOT (1787-1874). Élevé dans la foi protestante, Guizot fut professeur d’histoire à la Sorbonne et journaliste. De 1822 à 1828, il composa ses grands ouvrages historiques : Histoire de la révolution d’Angleterre, Histoire de la civilisation en Europe, et Histoire de la civilisation en France. Appartenant à l’école doctrinaire, député du Calvados à partir de 1830, il s’opposa à la politique de Charles X et participa à l’établissement de la monarchie de Juillet en 1830. De 1832 à 1837, il fut ministre de l’instruction publique (qu’il rénova en profondeur) et entra en 1836 à l’Académie française. Ambassadeur à Londres puis ministre des Affaires étrangères de 1840 à 1847 (c’est à lui que l’on doit l’Entente cordiale), il devint en 1847 Président du conseil pour à peine 2 ans. Il exerça une politique conservatrice favorable à la bourgeoisie. Sa chute, le 23 février 1848, entraîna celle du régime monarchique et vit la IIe République naître. Il se réfugia un moment en Angleterre et abandonna la politique pour se consacrer à l’écriture, dont ses Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps.

En 1836, il racheta les bâtiments à l’abandon de l’abbaye du Val Richer, dans la commune, car il recherchait une résidence dans sa circonscription électorale de Lisieux. Il fit restaurer les bâtiments restants et aménager autour de sa résidence un parc d’agrément. Etant protestant, il acheta également une partie du cimetière de Saint-Ouen pour y être inhumé avec les siens.

Cette « enclave protestante », qui se trouve à l’arrière de l’église, ne constitue pas stricto censu un enclos dans la mesure où il n’existe aucune séparation avec le reste du cimetière. Néanmoins, les nombreux tombeaux de la famille (une dizaine) sont rassemblés les uns près des autres. Afin de dénouer l’écheveau généalogique, nous présenterons ces personnalités par tombeaux, que nous avons numéroté arbitrairement.

Dans le tombeau de François Guizot (tombeau n°1) reposent également, parmi d’autres membres de la famille :

- Sa première épouse, Pauline de MEULAN (1773-1827), fille d’un receveur

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général de la généralité de Paris. Ruinée par la Révolution, elle publia des romans et divers ouvrages d’éducation. Elle signa également des articles dans les journaux, tels le Publiciste. Elle seconda son époux dans la publication de ses ouvrages. Elle fut inhumé à l’origine dans la 5ème division du Père Lachaise, mais ses restes furent ultérieurement rapportés dans le caveau familial, où elle cohabite donc avec la seconde épouse de Guizot, qui était sa nièce.
- Sa fille aînée Henriette GUIZOT-de WITT (1829-1908), qui fut romancière et essayiste. Elle fut l’auteur d’une oeuvre importante et édifiante à l’attention des enfants. Elle poursuivit également certains ouvrages de son père.
- Conrad de WITT (1824-1909), époux de la précédente, qui fut député conservateur du Calvados de 1885 à 1902. Il fut en outre maire de Saint Ouen le Pin et conseiller général du Calvados.
- Pauline de WITT-GUIZOT (1831-1874), seconde fille de Guizot, elle publia une Histoire de Guillaume le Conquérant, et collabora activement au dernier ouvrage de son père : Histoire de France racontée à mes petits enfants.
- Henri de WITT (1828-1889), son époux, également frère de Conrad (les deux frères de Witt avaient épousé les deux soeurs Guizot). Il fut l’auteur de plusieurs travaux historiques avant de devenir conseiller général, puis député du Calvados de 1871 à 1875. Il fut également Sous secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur (1874-1875).
- Marcel SCHLUMBERGER (1884-1953), ingénieur et industriel qui fut avec son frère Conrad (voir tombeau n°3) l’inventeur de la prospection électrique à des fins d’extractions pétrolières.
- Jean SCHLUMBERGER (1877-1968), frère du précédent : éditeur et écrivain (son oeuvre explora la psychologie très complexe de la famille ou d’un groupe social), il fonda en 1908 avec ses amis André Gide et Jacques Copeau la NRF (Nouvelle Revue Française). Il est célèbre pour avoir refusé le manuscrit d’un certain Marcel Proust : À la recherche du temps perdu.

Dans le tombeau n°2 :

- Marguerite de WITT (1853-1924) : fille de Conrad et d’Henriette, elle fut une féministe qui présida l’Union française pour le suffrage des femmes ainsi que la ligue internationale des droits de la femme. Avec elle repose son époux, l’industriel du textile Paul SCHLUMBERGER (1848-1926).

Dans le tombeau n°3 :

- Conrad SCHLUMBERGER (1878-1936) : fils du couple précédent, ancien élève de Polytechnique, il fut professeur de physique à l’École des Mines. Avec son frère Marcel (voir tombeau Guizot), il fut l’inventeur de la prospection électrique qui permit un essor remarquable de la prospection pétrolière. Ainsi fut fondées la Compagnie générale de géophysique, puis la Schlumberger Well Surveying Company.

Dans le tombeau n°4 :

- Geneviève SCHLUMBERGER (1910-1993), fille de Marcel (tombeau n°1) et son époux, René SEYDOUX (Seydoux Fornier de Clausonne : 1903-1973). Elle créa la Fondation René Seydoux pour le monde méditerranéen, désirant ainsi perpétuer et servir la conviction que René Seydoux portait en lui : l’existence d’une civilisation méditerranéenne commune et la nécessité du dialogue entre les hommes. Ils furent les parents des actuels entrepreneurs Jérôme et Nicolas Seydoux.

Dans le tombeau n°5 :

- Jacqueline DOLL (1908-1984), nièce de Conrad, Marcel et Jean par sa mère, et son époux Roger SEYDOUX (1908-1985), frère de René (voir tombeau n°4), qui fut fondateur de l’IEP de Paris en 1945. Diplomate, il fut Haut Commissaire puis ambassadeur de France en Tunisie, au Maroc, en URSS, et représentant permanent de la France aux Conseil de sécurité de l’ONU, puis au Conseil de l’OTAN.

Le reste du cimetière est veillé par une statue de Sainte-Thérèse (Lisieux n’est qu’à quelques kilomètres). On y trouve également la tombe de Lyne GUEROULT (+2005), qui fonda en 1988 une association destinée à assurer une retraite paisible...aux chevaux réformés de la garde républicaine !


Commentaires

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SAINT-OUEN-LE-PIN (14) : cimetière
mardi 16 juillet 2013 à 16h26 - par  cp

Carnet du « Monde » de ce jour, à propos d’un mort du 13 juillet :

« Eric SEYDOUX FORNIER de CLAUSONNE,

maître d’art sérigraphe, officier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Les obsèques auront lieu au Val-Richer, à Saint-Ouen-le-Pin, en Pays d’Auge, le vendredi 19 juillet, à 15 heures »

Né en 1946, Il était le fils de Roger Seydoux.

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samedi 29 octobre 2022

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