05.10.2009 L’avenir étrange des cimetières

lundi 5 octobre 2009
par  Philippe Landru

Depuis maintenant pas mal d’années, on nous refait le coup à chaque Toussaint dans les journaux sur les progrès de la crémation. Il est indéniable que celle-ci a de plus en plus d’adeptes, même si les raisons économiques en sont le motif numéro 1. J’ai déjà abordé ce problème : je n’y reviens pas.

A un détail près néanmoins : les jeunes. Si on s’est fait à l’idée que papy et mamie allaient mourir, et que la crémation, tout compte fait, c’est pas si mal, il en est tout autrement quand il s’agit d’une personne morte avant quarante ans. Pour les parents, pour les proches, l’idée de la crémation est souvent tout simplement intolérable. Pour faire le deuil, il faut du concret, de la tombale, de la pierre... Il faut un endroit pour s’asseoir, pour parler, pour nettoyer inlassablement une dalle pourtant immaculée.

Désertées par les anciens qui lui privilégient, souvent par méconnaissance, la crémation, nos divisions de cimetières se couvrent de dalles dont on peut désormais égrener la litanie de la précocité : mort à 23 ans, à 32 ans, à 18 ans… On les reconnaît facilement ses tombes : pauvres vies fauchées jeunes, on tente de retracer tout un parcours qui n’eût pas lieu. Untel qui écrivit trois poèmes devient un « écrivain », l’autre, qui grattait sa guitare, devient un « artiste »… Objets familiers du quotidien déposés, photos souriantes, petites mosaïques, surnom... A vouloir individualiser, tout le monde fait pareil. Ces tombes se ressemblent toutes. Face à la souffrance et à la détresse, on ne saurait blâmer ce conformisme.

Mais les habitués du cimetière, face à cela, sont pris d’un trouble étrange. Si le phénomène se poursuit, les vénérables cimetières parisiens ne seront plus peuplés que de deux catégories de tombes : celles des vieillards du XIXe siècle, du moins ceux que l’ingratitude administrative n’aura pas foutu culs par dessus têtes dans un quelconque ossuaire de relégation, et celles des jeunots du XXIe siècle ! Pour avoir un avant goût du phénomène, il suffit de se promener dans les divisions centrales du Père Lachaise (la 39 par exemple), ou les divisions très bouleversées de Montmartre (la 24 ou 25).

Dès lors, on pourra affirmer qu’en deux siècles, l’espérance de vie en France a beaucoup baissé !!!


Commentaires

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05.10.2009 L’avenir étrange des cimetières
samedi 11 décembre 2010 à 22h27 - par  MARRY Ghislain - EVIGNY ( Ardennes )

Questions noires, ce soir.
J’aimerais connaître le sort réservé par les municipalités qui gèrent les cimetières aux dépouilles mortelles de ceux ou celles dont la concession (30 ; 50 ou 100ans) est arrivée à échéance et n’a pas été renouvelée par la famille, ou a été abandonnée.

Que deviennent les ossements exhumés ? Sont-ils jetés en vrac et anonymement à la fosse commune ? Sont-ils incinérés ? Sont-ils « étiquetés » et remisés dans un ossuaire ? Pendant combien de temps ? Reste-t-il in fine une trace de la personne exhumée autre que dans un registre administratif ?

Autant de questions qui me taraudent le cerveau en attente de réponses matérialistes.
Bonne soirée au coin du feu.

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dimanche 12 décembre 2010 à 00h49 - par  Philippe Landru

La situation dépend évidemment selon les endroits, mais globalement, la situation est la suivante : pour les concessions à perpétuité reprises (!), les restes sont placés dans une boite et conservés par le cimetière dans un ossuaire (ou columbarium). Ainsi, pour Paris, tous les restes « a perpétuité » de tous les cimetières parisiens sont conservés dans l’ossuaire du Père Lachaise (qui se trouve derrière le fameux monument aux morts de Bartholomé). Ces boites sont numérotées et donc individualisées, de manière à pouvoir, pour la famille, récupéré les restes bien après la reprise au besoin. Stricto censu, il n’existe plus de « fosses communes » dans le sens où on l’entendait jusqu’au début du XXe siècle, et les administrations de cimetières n’aiment pas que l’on utilise ce mot. En ce qui concerne les concessions qui ne sont pas à perpétuité, les restes sont crématisés et les cendres sont ensuite « dispersées »... Où ? Il y a de tout comme cas : des fosses de décantations, et, de plus en plus, maintenant que la législation le demande, sur des « jardins du souvenir ». Bon, dans les petits cimetières ruraux, il m’est arrivé de voir des solutions parfois plus expéditives (mais toujours très discrètes). De manière générale, vous remarquerez, quand vous vous déplacez dans les cimetières pas trop bétonnés, que le sol regorge de petits bouts d’ossements (il faut dire qu’il en est saturé), et finalement, ce n’est pas plus mal comme ça. N’oublions pas que pendant très longtemps, on ne déplaçait dans les cimetières que la couche la plus superficielle du sol. Bonne soirée au coin du feu.