LOYNES Comtesse de (Marie Anne Detourbay : 1837-1908)
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On peut dire qu’elle sait encore se faire désirer, la comtesse... Traquée depuis plusieurs mois, elle s’est enfin livrée après un énième ratissage de la division. Les photos permettent de comprendre pourquoi elle fut si dure à trouver : sa tombe et son identité sont totalement camouflés par une végétation des plus luxuriantes.
D’origine modeste, elle parvint grâce à sa beautée à devenir une demi-mondaine en montant sur la capitale. Elle eut pour premier protecteur Marc Fournier, directeur du Théâtre de la Porte Saint-Martin, qu’elle ruina, puis le prince Napoléon (le fameux « Plon Plon »), qui l’établit dans un magnifique appartement à deux pas des Champs-Élysées.
Elle ne tarda pas à y recevoir une assemblée exclusivement masculine où l’on voyait le Tout-Paris des lettres : Ernest Renan, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, Émile de Girardin. Gustave Flaubert tomba fort amoureux d’elle et lui écrivit des lettres enflammées.
Vers 1862, elle rencontra Ernest Baroche, maître des requêtes au Conseil d’État et directeur du commerce extérieur au ministère de l’Agriculture qui en fut extrêmement amoureux. Il mourut en 1870 en lui laissant la somme considérable de 800 000 francs.
Cette fortune permit à Jeanne de Tourbey d’épouser en 1872 le comte Victor Edgar de Loynes, officier carabinier démissionnaire. Ce mariage la faisait passer du demi-monde au monde tout court. Les époux ne tardèrent pas à se séparer, le comte partant pour l’Amérique où il disparut. La comtesse ne conserva que son nom.
Ses réceptions de la rue de l’Arcade, gagnèrent en prestige. Désormais, elle recevait tous les jours entre 5 et 7 heures. Sa surface mondaine s’accrut encore lorsqu’elle s’installa sur l’Avenue des Champs-Élysées
même. Aux célébrités du Second Empire succédaient celles de la Troisième République naissante, nouveau régime que la comtesse de Loynes n’aimait guère : Georges Clemenceau, Georges de Porto-Riche, Alexandre Dumas fils , et bientôt toute une pléiade de jeunes écrivains emmenés par Maurice Barrès.
C’est à cette époque qu’elle fut immortalisée par le tableau d’Amaury-Duval, que l’on peut voir aujourd’hui à Orsay.
Dans les années 1880-1885, elle rencontra chez Arsène Houssaye le critique Jules Lemaitre, de quinze ans son cadet, et qui allait devenir l’homme de sa vie. Sous son impulsion, il devait fonder, en 1899, la Ligue de la patrie française dont il devint le premier président. Ensemble, ils portèrent haut les couleurs du nationalisme. Ils mirent leurs espoirs dans le général Boulanger puis ils furent passionnément anti-dreyfusards, ce qui entraîna la rupture avec certains de leurs amis. Elle aida Charles Maurras et Léon Daudet à fonder l’Action française.
Avril 2009 : la stèle a été dégagée de la végétation qui empêchait son identification. Merci à Annie Spire pour la photo.
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