DIEULEFIT (26) : cimetière
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Le cimetière de Dieulefit ne possède pas de célébrités marquantes. Pourtant, il est l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de voir. Situé à l’entrée du village (sur la route venant de Montélimar), son site est remarquable et tient à l’histoire de ce bourg, comme nous allons le voir.
Village à la forte vocation artisanale (en particulier la poterie et le tissage), Dieulefit est depuis soixante ans une terre d’accueil (celui des réfugiés autrefois, des touristes aujourd’hui). Chanté par Brel, le village a également une vocation artistique : on ne s’étonnera donc pas de trouver dans les allées du cimetière les tombes plus ou moins signalées de poète, de potier ou de peintre plus ou moins reconnus.
Curiosités
Dieulefit est l’un des épicentres du protestantisme drômois. Encore aujourd’hui, la coexistence des deux communautés est lisible dans la ville : ainsi, le village possède ses quartiers catholiques (la Viale) et ses quartiers protestants (les Reymonds), même si évidemment les querelles religieuses se sont apaisées. Il en va de même du cimetière : la partie à l’entrée du cimetière est la partie protestante, séparée du cimetière catholique par un mur ouvert. Les inhumations plus récentes viennent brouiller cette ancienne distinction confessionnelle du cimetière.
Notre-Dame-de-la-Cale : cette église se situe à l’ouest de la ville, dans ce cimetière qui est attesté dès le Moyen Age, sur un site déjà occupé à l’époque romaine. Ses origines sont mal connues : elle est citée dès le XIe siècle, et on sait que des travaux y eurent lieu au XVe. Durant l’époque moderne, elle changea d’attribution : temple protestant au XVIe, elle redevint église catholique au XVIIe, mais perdit son privilège en raison de la construction de l’actuelle église Saint-Roch, plus centrale. Elle se dégrada ensuite. Les ruines visibles aujourd’hui sont celles d’une église reconstruite sous la Révolution. Elle fut amplement pillée, ce qui ajoute à la confusion. L’édifice actuelle est composite et donc très peu lisible. Il a été débroussaillé récemment. La présence de ces ruines en plein milieu du cimetière confère évidemment un grand charme à l’enclos.
Contre ces massifs contreforts se dressent encore, plus ou moins lisibles, des tombes vénérables.
La silhouette bonhomme en terre cuite de Robert Pasnik sur sa tombe.
De l’autre coté de la route, le cimetière privé des Morin, grande famille prostestante de drapiers de Dieulefit qui donna plusieurs maires et députés à la ville. Ils reposent sous les ombrages, et la lecture des plaques révèlent leurs unions matrimoniales avec d’autres grandes familles protestantes de France : les Monod, les Donnedieu de Vabres...
C’est ainsi que l’on trouve dans l’unique chapelle centrale :
Pierre Théodore MORIN (1782-1846) : maire de Dieulefit, il fut un député orléaniste de 1830 à 1834.
Théodore MORIN (1814-1890) : fils du précédent, maire de Dieulefit en 1847, il fut
député de la Drôme de 1848 à 1870, siégeant à droite sous la Deuxième République puis dans la majorité soutenant le Second Empire. À partir de 1833, il fut chargé d’affaires de la République de Saint-Marin.
Les célébrités : les incontournables...
Aucun
... mais aussi
Le chansonnier Jacques BODOIN (1921-2019), qui débuta sa carrière avec les Compagnons de la Chanson. Il fut pendant presque 40 ans un habitué du théâtre des Deux Ânes. Il créa pour la radio le personnage du cancre Philibert, et fut une voix pour la télévision, en particulier celle du chien Pollux dans le Manège enchanté. Ses sketchs connurent un grand succès, même s’ils ont bien vieilli depuis (La panse de brebis farcie). Il fut l’époux de la comédienne Micheline Dax. Son identité n’est pas indiquée sur le caveau de famille.
Le sculpteur Sylvain CANAUX (1935-2015), inspiré par l’art brut.
Le félibre Ernest CHALAMEL (1846-1921), "maitre en gai savoir", qui fut l’une des figures marquantes de la ville. A la fois potier et poète, il chanta en langue provençale les louanges de son "pays" et participa activement à la modernisation de la ville.
Henri CHOLLET (1917-2014), qui fut ambassadeur de France en Grenade et au Guyana (1975-79), à Singapour (79-82). Dans le même tombeau familial repose l’amiral Georges REBOUL (1918-2007).
Le dessinateur et aquafortiste Charles COMBE (1828-1877), qui illustra les félibres provençaux.
Le peintre Marc DJADEL (1938-2010).
Le potier Etienne NOEL (1885-1964), important dans la rénovation de cette activité artisanale dans les années 30.
Le compositeur Robert PLANEL (1908-1994) : issu d’une famille de musiciens de Montélimar, il reçut le Grand Prix de Rome, fut l’un des fondateurs de la Maîtrise de Radio-France et des conservatoires d’arrondissements de Paris. On lui doit de la musique de chambre ainsi que des pièces pour de nombreux instruments.
Marguerite SOUBEYRAN (1894-1980), issue d’une célèbre famille protestante à laquelle est également apparenté François Soubeyran, des Frères Jacques, fonda avec son ami genevoise Catherine KRAFFT (1899-1982) une maison d’éducation dans une ferme familiale de Dieulefit, Beauvallon. Elle suivit les cours de Piaget et fit de son école un lieu d’accueil pour les enfants en difficulté relationnelle, selon des principes éducationnels fondés sur la confiance. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’école devint un havre pour les réfugiés, en particulier des juifs et des intellectuels. C’est ainsi que l’école de Beauvallon accueillit, pour des séjours plus ou moins brefs, Louis Aragon et Elsa Triollet, les poètes Pierre Emmanuel et Pierre Jean-Jouve, le philosophe Emmanuel Mounier ou l’historien Pierre Vidal-Naquet... Tous se souvinrent de leur passage, et certains lui rendirent hommage dans leurs œuvres. A ces femmes il faut associer la figure de Jeanne BARNIER (1918-2002), secrétaire de mairie dans les années 40 qui falsifia un très grand nombre de documents d’identité afin d’en faire bénéficier les réfugiés. Toutes reçurent la médaille des Justes.
Le peintre grec Praxitèle ZOGRAPHOS (1906-1990), témoignant de l’attraction internationale qu’exerça Dieulefit.
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