SAINT-POINT (71) : cimetière

Visité en mars 2008
mercredi 31 décembre 2008
par  Philippe Landru

Tout amateur de la poésie d’Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) se doit de faire le pélerinage dans la Macônnais, où le poète puisa une grande partie de son inspiration.

Après une enfance passée dans cette région, Alphonse de Lamartine entama une carrière littéraire. Il entra à l’Académie française en 1829 et, à la suite d’un voyage effectué en Orient pour se consoler de la perte de sa fille, se lança dans la politique, laissant sa foi de côté. Député de 1833 à 1851, d’abord monarchiste puis rallié progressivement à la République, il fut l’une des personnalités de premier plan de la révolution de 1848 mais ne mena pas la politique conservatrice voulue par l’Assemblée : l’échec retentissant aux élections présidentielles mit définitivement fin à sa carrière.

Il fut le poète lyrique aux élans parfois exagérés, l’essence même du romantisme dans la littérature française. Plaçant le « moi » au centre de son art, s’inspirant d’un amour malheureux vécu lors d’une saison aux thermes, Lamartine écrivit ses plus beaux vers avec Le Lac. « Un seul être vous manque ... » devint une citation référence. Ses Méditations poétiques furent l’objet d’admiration de la nouvelle génération de poètes.

« Son cercueil, amené par le train, partit de Paris le 3 mars à trois heures de l’après-midi pour arriver en gare de Mâcon le lendemain à sept heures. Un service funèbre eut lieu en l’église Saint-Vincent, où le corps fut apporté, depuis le fourgon mortuaire, par un groupe d’ouvriers typographes. Une foule immense remplissait l’église et garnissait la place d’Armes, parmi laquelle des représentants de l’Académie française et des écrivains parisiens... Vers neuf heures, le service funèbre terminé, un long cortège se mit en route vers Saint Point. Il avait neigé dans la nuit, mais le soleil brillait. Les cloches de Prissé, de Saint Sorlin, de Milly, de Bussières, sonnaient le glas au passage tandis qu’à l’embranchement de tous les chemins, des groupes compacts de paysans mâconnais venaient rendre un dernier hommage à leur illustre compatriote. Les femmes pleuraient. Les hommes étaient graves. Les compagnies de sapeurs-pompiers formaient la haie d’honneur. On fit une halte devant Monceau, puis à La Roche-Vineuse où s’étaient rassemblés ceux de Milly et de Bussières et où le curé donna l’absoute. Enfin, vers midi et demi, on atteignit Saint Point. Le cercueil fut déposé devant l’entrée du château avant d’être porté à l’église où le curé célébra l’office des morts tandis que la cloche sonnait le glas. La foule remplissait le vieux cimetière et le parc du château. Dans la chapelle du tombeau familial, on avait tendu un drap noir sur lequel on lisait l’inscription : »Ses bienfaits ne sortiront pas de nos cœurs."

Le cimetière et l’église de Saint-Point

On accède au cimetière par un raidillon qui grimpe jusqu’à la porte. Le tombeau de Lamartine lui fait face. Le fronton porte l’inscription biblique : « Speravit anima mea » (Mon âme a espéré). A l’intérieur, on voit sur un autel de pierre un buste du poète, et devant l’autel un gisant de Mme de Lamartine. Sur le socle de cette statue sont écrits ces mots : « Il est plus doux de s’associer aux deuils des grands hommes qu’à leurs gloires. Leurs douleurs sont à ceux qui les aiment, leurs gloires appartiennent à tous. Adam Salomon, 1864 ». Cette chapelle funéraire contient dans son caveau les corps d’Alphonse de Lamartine, de sa mère Mme des Roys de Lamartine, de sa belle-mère Mme Birch, de sa femme, de sa fille Julia, de son fils Alphonse mort à l’âge de 19 mois, et de sa nièce Valentine de Cessiat de Lamartine, la dernière à avoir été inhumée dans le caveau en 1894.

A gauche et en contrebas de ce tombeau, le caveau moderne des familles de Noblet-d’Anglure et de Montherot, descendants directs de Suzanne de Lamartine, sœur du poète, qui épousa Jean-Baptiste de Montherot, ainsi que la tombe de Marc LARREGUY de CIVRIEUX, jeune poète mort sur le front en 1916. Pacifiste et admirateur de Lamartine, on retrouva sur lui le voeu d’être enterré près du poète, choix que son père exauça. Les poèmes du jeune poilu furent édités en 1922 sous le titre de La muse de sang.

Le tombeau jouxte quasiment la petite église de Saint-Point, dont le souvenir est évidemment intimement attaché à Lamartine : à l’intérieur de l’édifice, on peut voir une stalle en bois teinté acajou dite « banc de Lamartine ». Elle avait servi auparavant au châtelain de Saint Point.

Sous le carrelage de cette chapelle, fermé par une grosse dalle au milieu de la partie antérieure, se trouve le caveau des seigneurs d’avant la Révolution. A ce caveau se rattache un fait dont l’authenticité semble au moins douteuse, et que Lamartine lui-même raconte, dans le Manuscrit de Ma Mère. Voici ce qu’il dit : « Une jeune marquise de Saint-Point, dont on avait pris l’évanouissement prolongé pour la mort, venait d’être ensevelie dans un cercueil ouvert sous la voûte du caveau, et la pierre qui le ferme sous les pieds du prêtre dans le chœur était scellée sur son sépulcre. Le soir de son enterrement, le sonneur de cloches, en venant tinter l’angélus, entendit des gémissements sous les dalles. Il s’enfuit éperdu et alla raconter au château sa terreur. Le mari et les serviteurs éplorés accoururent. La voix souterraine frappa leurs oreilles : on enleva la pierre scellée, on descendit dans le caveau, on trouva la morte vivante. On la rapporta dans les bras des siens à sa demeure ; jeune et belle, elle donna de longues années de félicité à son mari avant de redescendre pleine de jours dans son sépulcre. J’avais souvent entendu dans mon enfance le sonneur lui-même et sa vieille femme raconter ce miracle, dont ils avaient été les témoins, et dont les anciens du village se souvenaient comme eux ».

A droite de la porte latérale de l’église, à l’extrémité des 2e et 3e marches de l’entrée et contre le mur de la chapelle Sainte-Catherine, se dresse une pierre tombale portant l’inscription suivante :« ICI REPOSE LE CORP DE M. VINCENT GENILLON ENCIENT CURE DE S. POIN AGE DE 91 (ans), 1848. » Ce prêtre était curé de Saint-Point au moment de la Révolution. Après avoir prêté le serment constitutionnel, il s’était lancé dans le trafic des biens ecclésiastiques et autres biens confisqués par la Nation et avec deux associés, il avait acheté l’abbaye de Cluny ! Pour tirer parti de cette dernière acquisition un peu encombrante, le trio commença par vendre des meubles, décorations et objets d’art ; puis ne trouva rien de mieux que de faire démolir la célèbre église abbatiale pour bâtir à la place une rue et des maisons ! Retiré à Saint-Point après la tourmente révolutionnaire, il rendit là le dernier soupir en 1848, muni des Sacrements de l’Eglise, après avoir légué 600 francs à l’église de Saint-Point et 800 francs à l’Hospice de Cluny, et après avoir demandé, en signe de repentir et de pénitence pour ses erreurs et ses mauvais exemples, d’être enterré sous les marches de la petite porte de l’église, de façon à être foulé aux pieds par ceux qui entrent.

L’esplanade sur laquelle se trouve l’église est l’ancien cimetière de Saint-Point. Il est considéré par les Beaux-Arts comme site classé, servant de cadre digne d’être conservé à l’église et au tombeau de Lamartine. Il a été utilisé comme cimetière jusqu`en 1896, puis fut remplacé par un nouveau cimetière. Ce petit cimetière est magnifique : de cette esplanade, la vue sur le paysage alentour est particulièrement bucolique.

Quoique désaffecté, il a conservé plusieurs tombes anciennes qui en font un lieu charmant. Parmi elles, celle du tailleur de pierre Jean-Baptiste DUPORT (1806-1877), immortalisé par Lamartine dans Le tailleur de pierre de Saint-Point, auteur de plusieurs stèles au style similaire dans les villages de la région.

Bussières

On ne saurait terminer ce voyage au pays de Lamartine sans mentionner l’existence d’un autre personnage important dans l’oeuvre du poète. Dans la petite commune voisine de Bussières, le prêtre François DUMONT (1767-1832), précepteur et ami de Lamartine, lui inspira le personnage de Jocelyn. Son épitaphe a été rédigée par le poète : A la mémoire de F. Dumont, curé de Bussières et de Milly pendant près de quarante ans, né et mort pauvre comme son divin maître. Alphonse de Lamartine, son ami, a consacré cette pierre près de l’église pour perpétuer, parmi le troupeau, le souvenir du bon pasteur, 1832. Plusieurs plaques rappellent ce souvenir littéraire.



Commentaires

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SAINT-POINT (71) : cimetière
samedi 14 août 2010 à 17h29 - par  Jacquotte

Un très bel hommage à Alphonse de Lamartine ! A Mâcon, tout prêt de Saint Point, nous possèdons aussi de beaux restes, notamment une célèbre statue sur le quai qui porte également son nom.
Votre « pélerinage » est intéresant pour celui qui ne connait pas la région (aussi pour les autres ..).
J’espère que vous visiterez aussi des cimetières alsaciens, où reposent beaucoup de mes ancêtres.

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