NICE (06) : cimetière de Caucade
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Beaucoup de photos de tombes manquent pour ce cimetière : quand je l’ai visité en 1998, j’étais encore à l’argentique et j’économisais les photos !... J’y retournerais, mais ci d’ici-là un ou une Niçoise veut compléter, ce sera volontiers...
Ouvert en 1867, situé à l’ouest de Nice, le cimetière de Caucade est le plus grand de la ville mais n’est pas le plus fameux, le cimetière du Château lui ravissant la notoriété (il est vrai que son site est plus attractif et ses mausolées plus imposants). Il se présente comme tous les cimetières de ce type : allées bordées d’arbres touffues mais divisions assez minérales. Dédié au Grand Duc héritier Nicolas Alexandrovitch, mort deux ans auparavant, le cimetière de Caucade témoigne de l’importance de la diaspora russe dans la ville, en particulier après la Révolution de 1917 : de nombreux tombeaux de l’aristocratie russe s’y trouvent.
Curiosités
La petite fille de l’écrivain russe Alexandre Pouchkine y fut inhumée (Elena Pouchkine-Rosenmeyer). Ses restes furent jetées à la fosse commune, mais un hommage lui fut rendu en 2007 et une plaque, fabriquée à moscou, fut déposée à l’emplacement de sa tombe.
Les célébrités : les incontournables...
CARTON Marcel
DESBOUTIN Marcellin
GOSCINNY René (ancienne tombe)
... mais aussi
Alfred AGOSTINELLI (1888-1914) qui fut le chauffeur, puis le secrétaire de Marcel Proust. Ce dernier tomba fou amoureux de ce monégasque d’origine modeste, mais ce ne fut pas réciproque, et Agostinelli finit par s’enfuir avec sa campagne de chez Proust. Il s’écrasa en mer pendant un vol en solitaire, au large d’Antibes. Proust s’inspira de lui et de son destin pour son personnage d’Albertine (carré 4).
La cuisinière Hélène BARALE (1917-2006), qui avait reprit le restaurant familial de la rue Beaumont, était une institution de Nice : cette spécialiste de la cuisine niçoise fit accourir dans son établissement le monde entier, et son livre de cuisine reste une référence pour la confection des raviolis, de la pissaladière ou des beignets de courgette ! Selon ses dernières volontés c’est un corbillard tiré par des chevaux, qui conduisit son cercueil jusqu’à l’église, puis au cimetière. Toutes les édiles des Alpes Maritimes assistèrent à ses obsèques .
BERVAL (Antonin Pasteur : 1891-1966) chanteur fantaisiste doté d’un physique avantageux, il se produisit à Paris et à Marseille dans les années 1920 (il joua le rôle principal de l’opérette Pas sur la bouche de Maurice Yvain). C’est surtout en tant que comédien que le grand public le connaît. Il tourna au cours des années 1930-1950 dans de nombreux films de « veine provençale » : Maurin des Maures (1932) , Justin de Marseille » (1934) de Maurice Tourneur, sur une musique de Vincent Scotto, aux côtés de Tino Rossi, jeune débutant, ou encore Une java (1938) de Claude Orval, avec Fréhel qui y chantait sa célèbre Java bleue…(bordure carré 40 face 42)
Laurent BOVIS (1899-1953) : mobilisé en août 1939 dans un bataillon de pionniers alpins, il prit part à la campagne de Norvège en avril et mai 1940. Replié en Grande-Bretagne avec l’ensemble du corps expéditionnaire, il s’engagea comme volontaire dans l’armée canadienne dès juin 1940. Il rejoignit les FFL et s’embarqua pour l’opération de Dakar en septembre 1940 avant de rejoindre le Cameroun. Il participa à la campagne d’Erythrée et des Somalis. En juin 1941, il prit part à la campagne de Syrie puis combattit en Libye. Après les opérations de Tunisie, il fut affecté à la 2e DB et, à ce titre, débarqua en Normandie en août 1944, prenant part à toutes les campagnes de son unité : Normandie, Paris, Vosges, Alsace. Il servit en Indochine et en Algérie après la guerre. Il fut fait Compagnon de la Libération (carré 3).
Le pilote de chasse Louis DELFINO (1912-1968), qui rallié à la France libre, fut envoyé par De Gaulle en URSS afin de compléter la formation et l’organisation d’une escadrille de pilotes français, qui allait devenir l’escadrille Normandie-Niémen, et dont il prit la tête. Il exerça après la guerre des commandements prestigieux. En 1965, il entra en politique et tenta, en vain, de ravir, sous les couleurs du gaullisme, la mairie de Nice à Jean Médecin (carré 40,deuxième rang face 28).
La chanteuse Lucienne DELYLE (1917-1962), qui fut remarquée à un radio-crochet par Jacques Canetti qui l’engagea : en 1942, elle enregistra ce qui restera son plus grand tube, la chanson devenue mythique Mon amant de Saint-Jean (à tel point que l’on croit que c’est une chanson beaucoup plus ancienne). Elle fut une chanteuse très populaire jusque dans les années 50, enregistrant d’autres tubes (Nuages, Sur les quais du vieux Paris...). Lucienne Delyle est une chanteuse intéressante dans la mesure où sa voix langoureuse et éthérée marque la transition entre la gouaille des chanteuses réalistes (Berthe Sylva, Fréhel), et les voix de music-hall et cabaret plus intimistes (Catherine Sauvage, Barbara...). Sur sa tombe est représenté son visage (carré 66).
La violoniste Gabrielle DEVRIES (1915-2001), qui fit une carrière de soliste internationale (carré 17, bordure face à 15).
Yves FARGE (1899-1953) : journaliste devenu pacifiste, il quitta le parti socialiste après les accords de Munich. Il entra dans la résistance et, dès 1941, collabora aux premiers journaux de la Résistance. Il contribua à la fondation du mouvement Franc-Tireur et écrivit pour les Editions de Minuit et Les Lettres françaises. Il fut chargé par Jean Moulin de la mise au point du projet d’organisation militaire du massif du Vercors et fut traqué par la Gestapo et la police de Vichy. Au mois d’avril 1944, sur proposition du CNR et du Front national, il fut nommé par le général de Gaulle Commissaire de la République pour la Région Rhône-Alpes : il dut alors jeter les bases de la future administration, désigner et mettre en place les préfets, maintenir les liaisons avec les maquis, relancer la reprise économique et assurer le ravitaillement avant même la libération complète du territoire qu’il a en charge. Il organisa les secours après la terrible invasion du plateau et de Vassieux-en-Vercors par les parachutistes allemands le 21 juillet 1944. Le 21 août 1944, douze jours avant la libération de Lyon, il parvint à se faire remettre les clés du Fort Montluc par le général allemand qui tenait la garnison de la ville, sauvant ainsi, in extremis, 800 otages risquant d’être fusillés. Après la libération, le 3 septembre 1944, il assure pendant un an ses fonctions de Commissaire de la République avant de reprendre son métier d’écrivain et de journaliste et la peinture. En juillet 1946, il fut envoyé comme délégué du gouvernement pour assister aux expériences atomiques qui se déroulaient sur l’atoll de Bikini. A son retour, il fut nommé ministre du Ravitaillement. Il reçut en 1952 le Prix Staline pour la Paix (devenu ensuite le Prix Lénine pour la Paix). Il décéda à Tbilissi en Géorgie dans un accident automobile. Il était Compagnon de la Libération (Bordure du carré 38 face à la 36).
Le peintre niçois Joseph FRICERO (1807-1870), auteur de portraits délicats et de paysages très variés, car il voyagea beaucoup. Il avait épousé la fille naturelle du tsar Nicolas Ier de Russie (carré 4 face au carré 6).
Le sexologue allemand Magnus HIRSCHFELD (1868-1935), qui fut un des pères fondateurs des mouvements de libération homosexuelle. Il lutta contre la persécution des homosexuels en vertu du paragraphe 175. Il défendit la thèse du caractère inné de l’homosexualité - ce qui par conséquent devait plaider contre sa condamnation pénale. C’est dans sa maison que fut créé, en 1897, la toute première organisation politique mondiale en faveur de l’égalité des droits hétérosexuels - homosexuels. En 1934, il dut fuir l’Allemagne en raison de l’arrivée des Nazis qui détruisirent toutes ses archives : il mourut à Nice peu de temps après (carré 9).
Fernand ICART (1921-2008) : chef d’entreprise reconnu et acteur économique de premier plan, ce Républicain indépendant puis UDF fut député du département de 1963 à 1981. Entre 1977 et 1978, il fut ministre de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire (bordure du carré 54).
José LUCCIONI (1903 - 1978) fut un ténor dramatique avec beaucoup de puissance dans le registre supérieur. On retiendra de lui, particulièrement, les rôles de Samson, Don José et Otello, mais il était aussi à l’aise dans les rôles plus lyriques comme Werther, des Grieux et Nadir. A la fin de sa vie, il était directeur de l’Opéra de Nice (carré 68).
Le chef de bataillon et Compagnon de la Libération Jean MAGNE (1916-1958), qui participa à la libération de la France, tant dans l’aviation que dans l’Armée de Terre, aux combats en Indochine et qui mourut en Algérie, sa jeep ayant roulé sur une mine. Inhumé dans un premier temps à Aïn Temouchen, son corps fut ensuite rapatrié dans ce cimetière (carré 32 militaire).
L’industriel Jean MANTELET (1900-1991). L’anecdote est connue, peut-être mythique : c’est parce qu’il se plaignait que la purée confectionnée par sa femme contenait de trop gros morceaux de pommes de terre que Jean Mantelet inventa en 1932 la moulinette à légumes. Distingué par le concours Lépine, il décida de commercialiser son invention : c’est ainsi que naquit la société Moulin-légume, qui se diversifia ensuite dans l’électro-ménager, et devint en 1957 l’entreprise Moulinex. Cette entreprise, que Jean Mantelet dirigea jusqu’à sa mort, connut un énorme succès dans le contexte des Trente Glorieuses et l’équipement des ménages (symbolisé par le fameux slogan : Moulinex libère la femme). Le succès s’expliqua également par des produits de qualité, où le design tint un rôle important, à usage facile et à des prix inférieurs au marché. Pourtant, à la mort de son fondateur, la crise commença pour Moulinex, due en particulier à la concurrence asiatique. Elle fut finalement racheté et absorbé en 2001 par SEB, qui ferma les usines Moulinex (carré 66, contre le mur).
- Louis NUCERA (1928-2000) : Employé de banque, journaliste, attaché de presse dans une maison de disque, directeur littéraire chez Lattès, écrivain, il publie son premier roman L’obstiné en 1970. Au travers de son œuvre, il retrace la vie des immigrés italiens (Le ruban rouge), évoque ses amitiés avec Cioran, Kessel, Picasso, Cocteau, Brassens ou Moretti (Mes ports d’attache), ou raconte son enfance niçoise (Avenue des Diables bleus). Il fut aussi l’auteur des Contes du Lapin agile. Louis Nucera a reçu le prix Interallié en 1981 et le Grand Prix de littérature de l’Académie française en 1993 pour l’ensemble de son œuvre. Il mourut fauché par un chauffard alors qu’il faisait du vélo.
Le gourou Serge RAYNAUD de la FERRIERE (1916-1962), qui étudia l’ésotérisme, l’astronomie, l’astrologie ou encore le yoga, et qui fonda à Caracas à la fin des années 40 une grande confrérie universelle ayant pour but de développer la connaissance des « sciences antiques ». Il est peu connu en France mais très médiatisé en Amérique du sud. Il repose sous un obélisque sur lequel est inscrit « Honneur et gloire à la France, Maître Serge Reynaud de La Ferrière, Paris 18 janvier 1916-Nice 27 décembre 1962, revint en Europe en 1951 et vécut à Nice - fut le fondateur de la Fédération Internationale des Sociétés Scientifiques FISS et de Institution Mondiale de la grande Fraternité Universelle Mondiale à Caracas ». Le monument fut financé par ses adeptes américains.
Henri SAPPIA (1833-1906) fut une des grandes figures érudites de Nice : docteur en lettres, en philosophie et en droit, journaliste, il participa au mouvement d’insurrection italien et fut même secrétaire de Mazzini. En France, il participa à la Commune, ce qui lui valut l’exil jusqu’en 1890. Revenu à Nice, il fonda en 1898 la revue Nice-Historique qu’il dirigea jusqu’à sa mort, et contribua activement à la création de l’Acadèmia Nissarda.
Le comédien Jacques TOJA (1929-1996), qui fut sociétaire, puis administrateur de la Comédie Française, où il fit l’essentiel de sa carrière dans le répertoire classique. En 1984, il crée la Fondation Jacques Toja, destinée à promouvoir le théâtre contemporain. Si sa carrière fut essentiellement théâtrale, le grand public se souvient de certains de ses rôles à la télévision, en particulier son interprétation de Louis XIV dans la série des Angélique.
Le médecin franco-russe Serge VORONOFF (1866-1951), qui fut un pionnier des greffes, et qui travailla essentiellement sur la recherche du rajeunissement : il se fit une spécialité de greffer des testicules de chimpanzés à des hommes désireux de retrouver leur vigueur atténuée par l’âge. Ses travaux, encensés par les uns, discrédités par les autres, reprirent de la vigueur récemment dans le cadre des traitements DHEA et Viagra ayant des finalités similaires. On a également dit que ces recherches de greffes de singes sur l’homme dans les années 20 avaient peut-être été à l’origine du SIDA. Il repose dans la section russe du cimetière.
Merci à Michel Schreiber pour la tombe Toja et le complément Hirschfeld.
Merci à Christophe Maumy pour les tombes Agostinelli, Bovis, Delfino, Farge et Icart.
Pour retrouver l’emplacement des tombes dans les cimetières de Nice : https://www.nice.fr/fr/etat-civil-moments-de-vie/deces-et-administration-funeraire
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