FOURCADE Marie-Madeleine (1909-1989)

Père-Lachaise - 90ème division
jeudi 2 mars 2023
par  Philippe Landru

On peut faire avancer la cause des femmes sans être féministe, contribuer au progrès sans être progressiste, défendre au péril de sa vie la République en ayant, auparavant, rêvé de la renverser. Ainsi fut Marie-Madeleine Fourcade, jeune catholique élevée au couvent des Oiseaux, chroniqueuse de mode avant la guerre, puis adjointe d’un général conspirateur d’extrême droite, nationaliste et antisémite, fille de la bonne société, épouse et mère, et néanmoins cheffe d’un des principaux réseaux de la Résistance pendant toute la guerre, la seule femme dans ce cas en Europe avec la Belge Andrée de Jongh. Après la guerre, elle dédia sa vie aux œuvres sociales de la Résistance, devint une figure du mouvement gaulliste et une active militante de la Licra, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Tout le contraire des déterminations sociales et culturelles de sa classe d’origine et de sa formation de jeunesse.

Issue d’une vieille famille coloniale, elle partageait depuis 1938 les passions nationalistes et antisémite du commandant Loustaunau-Lacau, dit « Navarre ». Secrétaire du groupe de publications d’extrême droite qu’il a créé, elle est à ses côtés à Vichy en 1940 et participe à la rédaction de l’appel à « La Croisade » qu’il fait parvenir à Londres par divers intermédiaires, dont Jacques Bridou, son frère, puis à la création du réseau Alliance en avril 1941 sous l’égide de l’Intelligence Service, après le refus opposé par le général de Gaulle. Audacieuse, sachant s’entourer de dévouements nombreux, elle prit le relais de « Navarre » après son arrestation en mai 1941 et guida le développement de cette organisation à forte composante militaire et masculine. Elle-prit le pseudonyme de « Hérisson », qui laissait planer le doute sur son sexe, et donna à chaque agent un pseudonyme d’animal, d’où le nom « Arche de Noé » du réseau. Ce dernier, très bien équipé, s’étendit et fournit aux Britanniques de nombreux renseignements sur les sous-marins et les bases de V1 et V2. Fin 1941, le réseau possédait des filières de passage de la ligne de démarcation des Pyrénées, des points d’hébergement, des agents de renseignement et de liaison.

Elle échappa à plusieurs reprises aux arrestations. Partie à Londres le 18 juillet 1943, elle participa à l’intégration d’Alliance dans les services giraudistes. Revenue en France en juillet 1944 pour reprendre en main le réseau qui avait été décimé, elle fut arrêtée à Aix-en-Provence par la Gestapo, parvint à s’évader et à rejoindre le maquis. Après la Libération, elle se consacra à la recherche de ses compagnons déportés et fonda l’Amicale du réseau Alliance.

Vice-présidente de l’Association nationale des Médaillés de la Résistance et de la Fédération des réseaux de la France combattante, devenue gaulliste active, membre du Rassemblement du peuple français, elle milita pour le retour au pouvoir de De Gaulle en 1958, fonda avec Léon Delbecque la Convention républicaine qui fut intégrée à l’UNR (Union pour la Nouvelle République), dont elle devint membre du comité central. Présidente du Comité d’Action de la Résistance (CAR) qui fédère une cinquantaine d’associations, de 1962 à sa mort, elle constitue à la demande de Maurice Papon, le jury d’honneur chargé en 1981 d’examiner son passé résistant et qui, sous la présidence de Daniel Mayer, rendit un verdict compréhensif. Elle a été députée à l’Assemblée des communautés européennes en 1981-1982.

Elle repose dans le caveau de famille (Bridou), mais son identité est difficilement lisible.


Source : Libération et museedelaresistanceenligne.org


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