BRANTÔME (24) : cimetière
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L’abandon des moyens phytosanitaires agressifs donne au cimetière de Brantôme des allures de lieu un peu sauvage agréable.
C’est ici que repose Georges BONNET (1889-1973), député radical-socialiste (par opportunisme plus que par conviction) de la Dordogne de 1924 à 1940 et de 1956 à 1968, il fut dans sa longue carrière politique plusieurs fois ministre entre 1925 et 1940 : sous-secrétaire d’État à la Présidence du Conseil puis ministre du Budget en 1925, ministre des Pensions en 1926, du Commerce et de l’Industrie puis des Postes, Télégraphes et Téléphones en 1930, des Travaux Publics en 1932, des Finances en 1933, du Commerce et de l’Industrie entre 1935 et 1936, des Finances à nouveau entre 1937 et 1938, Ministre d’État et des Affaires étrangères entre 1938 et 1939 et enfin de la Justice de 1939 à 1940. Avocat de formation, il avait épousé Odette Pelletan, fille d’André Pelletan et petite-fille d’Eugène Pelletan, ce qui le fit entrer de plain-pied dans le monde de l’« aristocratie républicaine ». Pacifiste, sa longue carrière en fit un des acteurs principaux de la politique française des années 30. Il fit partie de la délégation française à la Société des Nations qui siégeait à Genève où il fut partisan et de la sécurité collective et du rapprochement franco-allemand ; il fut choisi pour intégrer la délégation française à la conférence de Lausanne sur les réparations allemandes (1932) et présida la conférence de Stresa (septembre 1932) sur la reconstruction économique de l’Europe orientale. Opposé au Front Populaire, il ne figura pas dans le premier gouvernement de cette coalition et en fut plus tard l’un des responsables de son échec. Au début de l’année 1937, il fut appelé par Yvon Delbos, titulaire du Quai d’Orsay, à l’ambassade de France de Washington où sa mission prioritaire fut de rapprocher, en vain, Roosevelt, alors isolationniste, des démocraties occidentales menacées par le péril hitlérien. Ministre des Affaires étrangères durant un période cruciale (avril 1938-septembre 1939), il fut pour l’apaisement avec l’Allemagne nazie. Partisan des accords de Munich, il fut l’artisan d’un engagement de non-agression avec l’Allemagne, signé par von Ribbentrop. Volontiers xénophobe et antisémite, il fut l’instigateur de la mise à l’écart des juifs membres du gouvernement auquel il appartenait durant la cérémonie célébrant l’accord de non-agression entre l’Allemagne et la France. Il accéléra le reconnaissance officielle du régime de Franco et alla même jusqu’à bloquer le dernier envoi d’armes soviétiques à destination des républicains espagnols qui transitait par la France. Pendant la guerre, il se rangea du côté du maréchal Pétain et fut membre du Conseil national, un organe du pouvoir vichyste. Exilé en Suisse en 1944 pour échapper aux poursuites en raison de sa collaboration avec Vichy, il échappa aux procédures de justice et revint en France au début des années 50, bénéficiant à la fois de l’apaisement progressif de l’époque vis-à-vis des vichystes et des "arrangements" avec une partie des membres du parti radical de l’époque. Il redevint ainsi député de la Dordogne en 1956, représentant la fraction de droite des radicaux. Rallié à De Gaulle, il s’en éloigna à partir de la gestion de la crise algérienne. La campagne des législatives de mars 1967 le vit aux côtés de François Mitterrand et de Robert Fabre, le leader radical. Il déplora fortement les événements de mai 1968 mais les législatives de juin lui furent fatales comme à l’ensemble de l’opposition. Bonnet repartit au combat dans l’entourage du président du Sénat, Alain Poher, candidat aux présidentielles de 1969 à la suite du rejet du référendum lancé par de Gaulle : la victoire de Pompidou scella la fin de sa carrière politique.
La carrière politique de Georges Bonnet incarna la dérive d’une partie des pacifistes. Ce pacifisme fut en outre la seule colonne vertébrale idéologique de cet homme brillant mais opportuniste. Maire de Brantôme de 1955 à 196, il repose ici [1]avec son épouse et son fils, Alain-Paul BONNET (1934-2017), qui fut maire de Brantôme de 1965 à 1989 puis de 1995 à 2001 et député radical de gauche de Dordogne de 1973 à 1993.
Ce cimetière porte également la trace de drames anciens :
y repose l’une des victimes de l’explosion, en 1907, du cuirassier Iéna à Toulon.
À la suite de l’exécution de trois officiers allemands, vingt-cinq détenus de la prison de Limoges, résistants et pour certains juifs, furent pris comme otages et emmenés à Brantôme. Les Allemands saisirent aussi sur les lieux un domestique de ferme. C’est donc vingt-six personnes qui furent exécutés par les soldats de la division Brehmer le 26 mars 1944 dans une ancienne carrière désaffectée des environs de Brantôme, au lieu-dit Besse des Courrières. Le plus connu d’entre-eux était Georges Dumas, le père de l’ancien ministre Roland Dumas, qui fut réinhumé plus tard au cimetière de Louyat de Limoges, comme d’autres fusillés. Certains demeurent cependant dans ce cimetière, où leurs tombes identiques se signalent par des croix de Lorraine.
- Tombes de Victor Rubinstein et Jacques Richter
- Tombe de Lorenz Mastalski
Le lendemain 27 mars, 13 hommes dont 9 juifs furent abattus dans plusieurs lieux de la commune par les Géorgiens du Georgisches Infanterie Bataillon 799. Ces exécutions furent supervisées par des officiers de la Sipo-SD. Certains reposent également ici.
- Tombe de Guillaume Baer, exécuté le 27 mars.
[1] Sa plaque porte cette simple mention "Ambassadeur de France".
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