DELAIR Suzy (Suzanne Delaire : 1917-2020)

cimetière ancien d’Asnières (92)
dimanche 17 mai 2020
par  Philippe Landru

Elle avait une voix de rossignol et un caractère de cochon. Quelques années avant sa mort, en route pour une télé où on l’avait invitée, elle avait réussi à se faire éjecter d’un taxi par le chauffeur, excédé par ses exigences. Elle ne faisait pas preuve non plus d’une extrême rigueur politique. Lors du triste voyage de quelques comédiens français à Berlin, en 1942, alors que ses compagnons d’infortune (Albert Préjean, Junie Astor) faisaient grise mine et que Danielle Darrieux quittait vite le groupe pour s’en aller sortir de prison son amant, Porfirio Rubirosa, Suzy Delair, elle, faisait la fête. Elle regrettera même, au retour, de ne pas avoir été présentée à Joseph Goebbels… Elle ne dissimulait pas ses sympathies pour les Allemands, jusqu’à admirer l’ordre nazi.

Née d’une mère couturière et d’un père sellier carrossier, elle quitte l’école pour devenir apprentie modiste. Le spectacle l’attire. La scène et, surtout, les revues. Elle se retrouve à l’ABC avec Mistinguett. Elle végète dans une série de comédies plutôt réussies. Sa rencontre avec Henri-Georges Clouzot est déterminante. Ils vivent ensemble et leur couple est électrique : les assiettes volent, les noms d’oiseaux, aussi. C’est, d’ailleurs, leurs affrontements que transpose Clouzot, scénariste, dans Le Dernier des six (Georges Lacombe, 1941), puis dans L’assassin habite au 21, qu’il réalise lui-même, en 1942.

Elle fait rire. Elle plaît : voilà Suzy célèbre. Après quelques moments difficiles à la Libération (il a tourné Le Corbeau, en 1943, et personne ne le lui pardonne, ni les ex-collabos ni les néo-résistants), Clouzot offre à sa compagne son plus beau rôle dans Quai des Orfèvres (1947). Elle y chante Avec son tra la la, qu’elle accompagne d’un coup de rein suggestif, et la chanson, signée Francis Lopez, est un triomphe qui traversera le temps .

Le 28 février 1948, elle chante C’est si bon à l’Hôtel Negresco lors du premier Nice Jazz Festival. Louis Armstrong est présent et adore la chanson. Le 26 juin 1950, il enregistre la version américaine de la chanson à New York. À sa sortie, le disque connaît un succès mondial et la chanson est ensuite reprise par les plus grands chanteurs internationaux.

Après… plus grand-chose. Un bon Jean Grémillon (Pattes blanches, 1949), le dernier film – catastrophique – de Laurel et Hardy (Atoll K, en 1951), une bagarre homérique avec Maria Schell dans Gervaise, de René Clément (1956), et un second rôle dans Rocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960). C’est au théâtre, et en chantant, qu’elle continue sa carrière : dans La Vie parisienne, d’Offenbach (des années de représentation et de tournées avec la compagnie Renaud-Barrault), puis Le Boy-friend, en 1965, mis en scène par Jean-Christophe Averty, enfin dans La Périchole, en 1969.

Elle fut encore, en 1973, la dentiste Germaine Pivert, épouse de Victor Pivert/Louis de Funès, dans Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury.

Elle mourut à l’âge de 102 ans et fut inhumée au cimetière ancien d’Asnières-sur-Seine, sans cérémonie du fait du confinement ordonné pour contrer la pandémie de Covid-19.


Source : Télérama.fr
Merci à Roger Rousselet pour la photo.


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