SAINT-MALO (35) : cimetière du Rosais
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Si Rocabey est le plus célèbre cimetière de Saint-Malo, son site quelconque ne peut en aucun cas rivaliser avec le charmant cimetière marin du Rosais, situé sur l’ancienne commune de Saint-Servan, désormais intégrée à la cité malouine. De taille minuscule, il présente sa pente escarpée qui domine la Rance. Au loin se dessine le barrage, mais aussi le dessin de la côte qui porte jusqu’à une belle vue sur Dinard.
- Le site auparavant
- ... sensiblement la même vue, de nos jours.
Et si Surcouf et Daniel Gélin reposent bien à Rocabey, les célébrités, certes de moindres envergures, sont nombreuses à avoir choisit ce lieu comme ultime demeure.
Appelé également "cimetière des corsaires", beaucoup d’entre-eux s’y étant fait inhumer au début du XIXe siècle (il n’en reste plus aucune trace : il est vrai que le lieu a bien évolué, si on en juge la carte postale du début du XXe siècle ajoutée ici), il fut sans aucun doute très utilisé par l’hôpital du Rosais a proximité.
- L’hôpital du Rosais
- A proximité du cimetière, il fut fondé en 1709 et incendié en 1769. La porte d’entrée est datée de 1713. Il possède une chapelle reconstruite en 1770, où se trouve une pierre tombale au bas de la nef : il s’agit de celle de Jean Prouvost ou Provost, sieur de la Roche décédé en 1717, fondateur du dit hôspice. Desservi jusqu’en 1794 par les Soeurs de la Charité, il fut transformé pendant la Révolution en un hôpital militaire. ll est probables qu’il faille y voir l’origine du cimetière.
- Au centre du cimetière, un calvaire rend hommage aux religieuses qui durant trois siècles assurèrent les soins de l’hôpital.
Curiosités
Sa faible superficie et son site, sur la Rance, constituent l’unique curiosité du lieu.
Célébrités : les incontournables...
Malgré son importance dans l’enseignement de l’histoire du christianisme, qui se souvient aujourd’hui de l’académicien Duchesne ?
... mais aussi
Bien que grand comme un mouchoir de poche, le lieu a attiré pas mal de personnalités. Beaucoup sont liés à la mouvance catholique, pas forcément la plus libérale !
Jacques de BERNONVILLE (1897-1972) : ultra de la collaboration, il dirigea en 1941
au Maroc les services du Commissariat général aux questions juives puis implanta le Service d’ordre légionnaire (SOL), troupes de chocs à l’origine de la Milice. Dans l’hiver 1943-1944, avec l’appui des services de renseignement allemands, il créa une école d’instruction à Taverny qui reçut des stagiaires destinés ensuite à la Waffen-SS. Nommé chef de corps des Francs-gardes de la Milice, bras droit de Klaus Barbie, il dirigea les troupes qui anéantirent, aux côtés des Allemands, le maquis du plateau des Glières, puis « nettoya » la région de La Chapelle-en-Vercors, avant d’aller semer la terreur en Saône-et-Loire. En 1945, condamné à mort par contumace pour crimes de guerre, il fuit en Alsace, puis en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, au Canada (où son extradition donne lieu à un débat qui enflamme la province), et enfin au Brésil où il fut assassiné pour un motif crapuleux. Son gendre est le docteur Xavier Dor, médecin engagé dans la lutte contre l’avortement et les commandos anti-IVG.
Le peintre Etienne BLANDIN (1903-1991).
L’organiste Constant BRICOUT (1849-1924). Dans la même tombe repose un "gouverneur des colonies", Marc SIMON (1881-1970), sur lequel on trouve peu de choses sinon qu’il servit en Afrique.
L’agent royaliste Armand de CHATEAUBRIAND (1768-1809), cousin de François-René, qui servit en Bretagne d’agent de liaison entre Londres et les royalistes de l’intérieur. Arrêté, il fut condamné à mort, malgré les suppliques de son cousin à Napoléon Ier et à Joseph Fouché, et fusillé dans la plaine de Grenelle. Il repose avec d’autres membres de sa famille dans un petit enclos familial dans un coin du cimetière. Les stèles sont devenues totalement illisibles.
Le peintre et mosaïste Geoffroy DAUVERGNE (1922-1977), formé en particulier par Mathurin Méheut dont il fut l’élève préféré. Peintre figuratif, il appartint à la nouvelle école de Paris. Il mourut accidentellement à Saint-Lunaire en tombant des rochers. Oublié de nos jours, ses oeuvres ornent pourtant un grand nombre d’édifices de la région.
L’académicien Louis DUCHESNE (1843-1922) : issu d’une famille de
marins bretons, il fut ordonné prêtre en 1867. Il enseigna quelques années dans un collège de Saint-Brieuc, puis vint à Paris pour suivre des cours à l’École des Carmes et à l’École des Hautes études. De 1873 à 1876, il fut élève de l’École française de Rome. Passionné d’archéologie, il effectua à cette époque plusieurs missions au mont Athos, en Syrie, en Asie mineure. Il enseigna à l’École des Hautes études, avant d’être nommé, en 1895, directeur de l’École française de Rome. Il fut l’auteur d’une œuvre abondante et toujours considérée sur l’histoire de l’Église. Proche des milieux modernistes de l’Eglise (il s’attira pour cette raison les foudres de la papauté), il forma une génération remarquable d’historiens, parmi lesquels on peut citer Jérome Carcopino, Louis Madelin, André Piganiol, Léon Homo, Charles Samaran, Louis Halphen ou encore André-Jean Festugière. Membre de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres (1888), et de plusieurs académies étrangères (Berlin, Gœttingen, Rome et Turin), il fut élu à l’Académie française en 1910. Mort à Rome, mais ramené en Bretagne, c’est à sa demande qu’il repose ici.
L’ingénieur Jean de FEZ (1891-1966), qui fut maire du 8ème arrondissement de Paris en 1946 (sur sa tombe, il est précisé qu’il s’agit de la "mairie de l’Elysée").
Le poète Georges HEULLANT (1907-1982), qui repose sous des vers de sa création.
L’écrivain Jean KÉRY (Jean Le Covec de Keryvallon : 1893-1985) : écrivain, il fut l’auteur de romans sentimentaux et, sous le pseudonyme de Bobby Bob, de romans policiers. Il repose auprès de sa mère, la femme de lettres Claude d’HABOVILLE (1835-1927), auteurs de plusieurs ouvrages sur le catholicisme.
L’homme de lettres René MARTINEAU (1866-1948), critique littéraire et ami de Léon Bloy sur lequel il écrivit beaucoup.
Le vice-amiral Louis-Joseph PIVET (1855-1924), qui fut Chef d’état-major de la
marine au début de la Première Guerre mondiale. Il avait en outre prit part aux opérations de l’escadre internationale en Crète, lors de la guerre gréco-turque de 1896. Dans le même caveau repose le général Victor VOSSEUR (1831-1911), dont il avait épousé la fille.
L’architecte Eugène OLICHON (1879-1950), qui œuvra au début du XXe siècle, et auquel on doit un très grand nombre de villas balnéaires de la côte d’Emeraude.
L’écrivain André SAVIGNON (1878-1947) : journaliste, romancier, collaborateur de
plusieurs journaux anglais, il partageait sa vie entre la France et l’Angleterre, où il décéda. Il dut sa célébrité à son roman Les filles de la pluie (1912), scènes de la vie ouessantine, qui lui valut le prix Goncourt.
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