L’Albanie complète une partie du puzzle de son histoire en rapatriant la dépouille du roi Zog 1er
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La dépouille du roi Zog 1er, dernier souverain d’Albanie, mort en exil en France en 1961, a été exhumée avec les honneurs militaires ce mercredi 14 novembre au cimetière parisien de Thiais pour être rapatriée vers la capitale albanaise, à l’occasion du centième anniversaire de l’indépendance de l’Albanie de l’Empire ottoman.
La cérémonie, rassemblant plus d’une centaine de personnes, a été organisée sous le haut patronage de l’ambassadeur d’Albanie en France, Ylljet Aliçka, qui a apprécié tout particulièrement le soin apporté par la France à la réussite de cette cérémonie au symbole très fort pour l’histoire des Albanais : « Au moment de la célébration du 100e anniversaire de l’indépendance de l’Albanie, nous, le personnel diplomatique de l’Albanie en France, ainsi que les représentants de l’Etat français, avons fait sobrement et dignement les adieux à l’ancien chef de l’Etat albanais qui était un souverain et l’une des figures les plus illustres de l’histoire de l’Albanie. En honorant le roi Zog, la France a honoré son propre souvenir de la guerre contre le fascisme et le nazisme, parce que durant la Seconde Guerre mondiale, ce souverain, parmi les premiers visés en Europe par les puissances de l’Axe, fut en quelque sorte le camarade d’infortune du général de Gaulle et de la France libre. »
Après son retour en Albanie, la dépouille sera exposée à Tirana avant d’être transférée au mausolée de la famille royale, qui vient d’être construit pour cette occasion. Le roi reposera au côté de son épouse, la comtesse hongroise Géraldine Apponyi, connue par les Albanais comme la reine Géraldine. La sœur de celle-ci, Sylviane Muselier et son fils Renaud Muselier, ancien secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, étaient naturellement présents à la cérémonie de l’exhumation du roi Zog 1er.
« Un visionnaire »
« C’était un homme qui est décédé avec le désespoir au cœur de ne pas pouvoir retrouver son pays, se souvient Sylvianne Muselier. Un pays qui était pendant de longues années sous le joug du régime communiste. Et cela a été terrible. »
L’ex-secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Renaud Muselier, a lui célébré « un grand homme, un monarque, un visionnaire », devant le cercueil du roi recouvert du drapeau albanais.
Premier ministre à deux reprises puis président de la République, Ahmet Zogu s’est autoproclamé roi des Albanais le 1er septembre 1928. Chassé du pays par l’armée de Mussolini qui envahit l’Albanie le 7 avril 1939, il vivra le reste de sa vie en exil, en Grèce, en Turquie, en Roumanie, au Royaume-Uni, en Egypte avant de finir son existence en France, où il est mort à l’âge de 66 ans. C’était en 1961.
- Photo : Le Parisien
Plus d’un demi-siècle après, l’Albanie se prépare à une cérémonie officielle lors de l’inhumation du roi Zog 1er qui aura lieu le 17 novembre à Tirana. Des membres de la famille royale en France feront le voyage vers la capitale albanaise pour accompagner la dépouille. Skender Zogu, neveu du roi Zog 1er, presque 80 ans, sera du voyage.
« Cet événement historique d’aujourd‘hui nous l’avons attendu depuis 51 ans, explique-t-il, ému. C’est un honneur que la France nous a rendu, non seulement pour notre souverain, mais aussi à notre nation albanaise. Nous avons tout fait, avec l’aide du gouvernement albanais actuel, pour réussir cette cérémonie d’hommage à un homme d’Etat qui a consacré sa vie au service de la nation. Son objectif était que l’Albanie soit un Etat libre, démocratique et que cet Etat face partie de l’Europe. »
Le Premier ministre albanais Sali Berisha avait promis depuis longtemps que le roi Zog 1er reposerait un jour en Albanie. Mais il a attendu un événement important pour le faire : le premier centenaire de l’indépendance de l’Albanie. Le gouvernent actuel albanais était aussi présent à la cérémonie de l’exhumation à travers la ministre de l’Intégration européenne, Majlinda Bregu, qui a tenu à rendre hommage à « une des figures les plus illustres » du pays, « qui a fondé un vrai Etat » en Albanie.
Les historiens partagés
Quant aux historiens albanais, ils restent très partagés sur le rôle de Zog 1er. Parfois leurs avis, ainsi que les attaques de l’opposition de gauche, font de l’ex-roi des Albanais une figure très controversée. L’opposition socialiste a souvent accusé Ahmed Zogu d’avoir instauré en son temps un Etat clanique, tout en reconnaissant qu’il a œuvré pour la modernisation de l’Albanie, mais qui n’a jamais pu se séparer des traditions féodales.
Pour le directeur de l’Institut de l’histoire d’Albanie, Beqir Meta, cet événement est un morceau manqué dans l’histoire de l’Etat albanais et de l’identité historique nationale : « Le roi Zog a une contribution particulière dans la stabilisation et le développement de l’Etat d’Albanie pendant les années 1920-1930. Bien sûr, il a dirigé d’une manière autocratique pendant cette période, mais il faut souligner la création de l’Etat, la création des institutions économiques centralisées, comme la première Banque de l’Etat, la première monnaie nationale, l’orientation du pays vers l’Occident et la construction de la législation du style occidental qui a remplacé les vieilles méthodes ottomanes. Le roi Zog a entamé plusieurs réformes qui ont donné à l’Albanie l’image d’un Etat allant vers le modèle d’un pays européen. »
A l’arrivée de la dépouille du roi Zog à Tirana, le 17 novembre, le « maître des cérémonies » sera son petit-fils, le prétendant actuel au trône, Son Altesse Royale le prince Leka II, âgé de 30 ans.
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